François Testu : "Allègement des programmes, interdiction effective des devoirs à la maison, organisation des activités périscolaires…, la question des rythmes scolaires est loin de se limiter à la durée de la semaine de cours."

dimanche 17 février 2013
par  onvaulxmieuxqueca
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François Testu
Spécialiste des rythmes de l’enfant, François Testu est professeur de psychologie à l’université François-Rabelais de Tours. Il est par ailleurs président national de La jeunesse au plein air, une confédération laïque qui regroupe des organisations nationales œuvrant pour les vacances et les loisirs éducatifs des jeunes. Dernier ouvrage en date, réalisé avec son équipe : Rythmes de vie et rythmes scolaires, Masson, 2008.

Source : Entretien avec François Testu. Enfance et contraintes sociales...

Allègement des programmes, interdiction effective des devoirs à la maison, organisation des activités périscolaires…, la question des rythmes scolaires est loin de se limiter à la durée de la semaine de cours.

À vos yeux, quelle serait la réforme idéale en matière d’aménagement du temps scolaire ?

L’idéal serait de considérer l’enfant en priorité, son développement, sa réussite dans le milieu scolaire et son intégration dans la société.

Cependant, je ne suis pas utopiste. Je sais que nous devons prendre en compte des contraintes sociétales. Et quand on tire le fil, toute une pelote se déroule : il faut alors évoquer la formation des enseignants, le temps de travail des adultes, la place des loisirs ou le rôle des activités périscolaires… Néanmoins, je suis plus optimiste qu’autrefois sur la possibilité de parvenir à un consensus.

Parmi les pistes de réforme possibles, quelles sont les priorités ?

Nous devons respecter la rythmicité biologique et psychologique des enfants, sans cassure dans le travail. Pour les plus jeunes, les journées scolaires sont aujourd’hui beaucoup trop longues, elles doivent être allégées.

Ensuite, il convient d’assurer une régularité sur l’année, en privilégiant une alternance équilibrée de type sept semaines d’école/deux semaines de congé.

Aujourd’hui, le premier trimestre représente 40 % du temps scolaire…

Selon moi, il n’est pas forcément nécessaire de diminuer les vacances d’été qui jouent un rôle important. Il est préférable de réduire le taux horaire de la scolarité. Pendant l’été, j’aimerais que les enfants aient la possibilité de quitter le cocon familial et de découvrir d’autres horizons. Si l’on respecte les rythmes au niveau de la journée et de l’année, on aboutit à une semaine de quatre jours et demi ou de cinq jours…

Pourquoi condamnez-vous la semaine de quatre jours ?

En 2008, la décision de passer à quatre jours a été prise pour satisfaire les parents, sans que l’on y réfléchisse trop. Il y a encore un an ou deux, quand nous, les chercheurs, nous dénoncions ce choix, on nous regardait comme des empêcheurs de tourner en rond.

Or, lorsque l’on évalue son effet, la semaine de quatre jours apparaît comme la moins bonne solution en termes de respect des rythmes, plus particulièrement dans les milieux populaires où l’on n’a pas la possibilité d’occuper les journées libres avec des activités.

Tout en créant une rupture de rythmicité, elle se révèle donc particulièrement inégalitaire. Mais il reste à convaincre ceux qui y ont pris goût…

À l’issue de la Conférence nationale, si l’on obtient une semaine de quatre jours et demi, ce sera un grand pas en avant.

Personnellement, je préférerais que la demi-journée soit placée le samedi plutôt que le mercredi.

Avant le passage à quatre jours en 2008, le samedi matin permettait d’assurer davantage de lien entre les parents et les enseignants ; ils pouvaient plus facilement se rencontrer. Sur le plan scolaire, ce n’était pas un moment de grande performance, mais de sérénité : la classe pouvait revoir ce qu’elle avait abordé pendant la semaine. Si, finalement, c’est le mercredi qui l’emporte, je n’en ferai pas une affaire d’état. On pourrait aussi laisser aux parents le choix entre le samedi matin et le mercredi matin, si les activités sont les mêmes.

Ne faudrait-il pas revoir aussi les contenus d’enseignement et la place occupée par les devoirs ?

Si, il faudrait alléger et reconsidérer les programmes. Je ne pense pas qu’il faille privilégier certaines matières au détriment d’autres. Je suis plutôt favorable à un « nettoyage » dans chaque discipline ; certaines choses ne semblent parfois d’aucune utilité. Quant aux devoirs, je suis pour leur suppression réelle. Bien qu’ils soient interdits à l’école primaire (1), les enseignants en donnent à leurs élèves pour répondre à la demande de certains parents. Mais les jeunes enfants n’en ont pas besoin. Pour les plus grands, on peut prévoir un temps de révision, un exercice d’entraînement ou d’application pour entretenir les connaissances, mais rien de plus.

Qu’aujourd’hui, ces devoirs puissent parfois occuper tout un week-end, c’est complètement fou !

Quelle est l’influence de l’aménagement du temps sur la réussite scolaire ?

Le niveau de vigilance des enfants s’élève tout au long de la matinée puis accuse un creux autour de midi, pour connaître une reprise ensuite. Les plus jeunes ne devraient pas travailler l’après-midi. Les élèves les plus âgés de l’école primaire peuvent avoir cours l’après-midi, à la condition d’avoir eu un moment mobilisant une moins grande capacité d’attention en début d’après-midi.

Si l’on ne respecte pas ces rythmes, les enfants se montrent moins performants et davantage sujets à l’énervement.

Conséquence, les résultats et l’intégration scolaires se révèlent moins bons chez ceux qui éprouvent déjà des difficultés ou sont à la limite. Il faudrait parvenir à informer les enseignants sur ce sujet. Souvent, les travaux de chronobiologie et de chronopsychologie leur restent inconnus.

Mais avec la formation qu’ils vont recevoir, comment va-t-on les sensibiliser à cette question ?

Si les journées étaient allégées, il reviendrait aux collectivités locales de prendre en charge les temps libérés. Comment envisagez-vous ce point ?

Les communes jouent un rôle important et sont préoccupées par cette question, notamment pour des raisons économiques. Jouant les fers de lance, certaines grandes villes se prononcent pour la semaine de quatre jours et demi, en essayant de peser en faveur du mercredi matin. Ce n’est pas non plus un hasard si les parlementaires se sont emparés du problème…

Je ne suis pas dans l’air du temps, mais je serais plutôt partisan d’une prise de responsabilités du ministère sur cette question des activités périscolaires. Le grand risque, c’est de déboucher sur un cul-de-sac faute de moyens. Or, on ne peut pas laisser en friche le temps libéré. Il faut assurer une complémentarité entre l’école et les activités périscolaires, via des structures qui viennent en relais des activités scolaires, avec du personnel formé et compétent.

(1) Depuis une circulaire du 23 novembre 1956, les devoirs écrits sont officiellement interdits à l’école primaire.

Propos recueillis par Diane Galbaud

François Testu
Spécialiste des rythmes de l’enfant, François Testu est professeur de psychologie à l’université François-Rabelais de Tours. Il est par ailleurs président national de La jeunesse au plein air, une confédération laïque qui regroupe des organisations nationales œuvrant pour les vacances et les loisirs éducatifs des jeunes. Dernier ouvrage en date, réalisé avec son équipe : Rythmes de vie et rythmes scolaires, Masson, 2008.


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