8 mars 2017 : MANIFESTE POUR LA DIGNITE ET L’INTEGRITE DE LA FEMME ALGERIENNE

mercredi 22 mars 2017
par  onvaulxmieuxqueca
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Source Presse toit à gauche (Québec)

Texte publié en Algérie le 8 mars 2017

mardi 21 mars 2017, par Collectif

Le mouvement des femmes dans le monde

MANIFESTE POUR LA DIGNITE ET L’INTEGRITE DE LA FEMME ALGERIENNE

Nous, soussignées, femmes algériennes, citoyennes accomplies, animées d’une force unificatrice qui rassemble par ses aptitudes, ses opinions, ses principes et ses prises de position, largement représentées dans ce manifeste.
Tiré de Entre les lignes, entre les mots.

Dignes héritières de nos ancêtres royales et princesses, contemporaines révolutionnaires et intellectuelles, telles que Dihya (Kahina), Tin Hinan, Roba la Berbère, Lalla Fatma N’Soumer, Hassiba Ben Bouali, Malika Gaïd, Louisette Ighilahriz, Lalla Hniya el hourra, Amrouche Taos, Djamila Bouhired, Assia Djebar, Katia Bengana, Naïma Hamouda, et bien d’autres qui ont écrit de leurs sacrifices, de leur habileté et de leurs capacités intrinsèques bien des légendes personnelles et la gloire de l’Algérie.

Considérons qu’il n’y a aucune ambivalence quant à nos capacités intellectuelles, morales, décisionnelles, indépendantes et résolument hautement humanistes. Nous sommes issues de tous les horizons d’activités nationales et internationales, nous sommes enseignantes, cadres, chefs d’entreprise, journalistes, étudiantes, écrivaines, poétesses, ingénieures, infirmières, médecins, femmes au foyer.

Si, aujourd’hui, nous prenons la parole, c’est parce que nous estimons qu’il est temps de mettre au clair certains points.

Nous déclarons ce qui suit :
I. Pente glissante
Nous subissons depuis quelques années le diktat de certaines personnalités politiques et religieuses via l’espace offert par les médias lourds, presse écrite ou autres, qui se saisissent de la question de la femme, non pas dans l’objectif de discuter de ses droits, mais pour imposer à la société l’une des visions les plus humiliantes et rétrogrades qui la concerne. Ils nous affligent d’un discours sexiste, misogyne et obscurantiste. Ils critiquent nos faits et gestes, nos prises de parole et notre habillement, usant d’un discours allant jusqu’à remettre en cause notre moralité.
Nous assistons également à une grande complicité dans le dénigrement sans que des voix s’élèvent pour recentrer les débats sur les vraies questions qui concernent la femme algérienne.

Celle-ci continue de subir un « lynchage » social dans les espaces publics de la part de ces personnalités. Elles s’investissent dans le charlatanisme théologique ou dans la politique, tels les imams et les prêcheurs qui prennent un malin plaisir à ridiculiser l’image de la femme dans les médias lourds.

Mieux encore, la présidente d’un parti politique multiplie les sorties médiatiques, non pas pour défendre son programme, mais pour partir en guerre contre la femme algérienne, la réduisant tantôt à un objet sexuel, tantôt à un morceau de viande quand ce n’est pas à une « courtisane » légitime renouvelable pour le salut du mari. Pire, elle justifie les harcèlements sexuels culpabilisant la femme, la jeune fille, l’adolescente, quant aux violences verbales et physiques subies.

Ceci n’est que la pointe de l’iceberg. Le fondamentalisme réactionnaire et religieux s’affirme à travers l’Algérie sans qu’aucune solution soit prise en compte, d’autant que c’est la femme qui se trouve au cœur de tous ces tourbillons malsains, payant comme à l’accoutumée un lourd tribut.

II. Régression de l’image de la femme

Notre démarche s’inscrit pleinement dans un contexte de revendications légitimes et réalisables.

Nous exigeons le respect total dans notre quotidien, notre travail, notre foyer, la place publique ou l’espace intime, comme nous exigeons des pouvoirs publics d’intervenir afin que cesse la discrimination de la femme non voilée dans les lieux publics où des gérants, voire propriétaires lui interdisent l’accès à leurs restaurants, hôtels, salons de coiffure, etc.

Nous sommes nées libres et indépendantes, dignes et honorables, fortes d’une mémoire nourrie par les exploits de nos grand-mères, mères, sœurs, filles, cousines, tantes qui se sont battues contre le colonialisme, contre le code de la famille, contre les coutumes archaïques, les lois patriarcales et contre le terrorisme.

Et, aujourd’hui, nous en faisons de même contre ces voix réductrices qui s’élèvent pour nous fondre dans un moule déterré dans le dédale sablonneux du wahhabisme qui souffle sur nos têtes.

Nous femmes algériennes, pleinement conscientes qu’une société ne peut évoluer sans ses citoyennes, sans la garantie de leur droit de vivre dans un pays qui les sécurise, les préserve et les protège ; un pays de progrès, de modernité et d’égalité.
Un pays aux acquis chèrement obtenus et qui doivent être consolidés au lieu de les voir se rétrécir comme une peau de chagrin.

Nous ne pouvons accepter un tel affront, celui d’encourager des personnages loufoques, radicaux et obscurantistes à ternir davantage l’image de la femme, lui ôtant toute dignité et l’exposant à toutes formes de dérives et de violences.

Comment peut-on éduquer les générations futures à la haine de l’autre moitié de la société ?

Comment leur offrir un fallacieux regard sur les possibles solutions à des problèmes sociaux ?

Comment les réconforter alors que les violences verbale, mentale et physique accablent la femme algérienne de tous les maux sociaux, entre autres le chômage ?

Comment peut-on excuser les viols, les harcèlements sexuels, les coups et blessures sur les fiancées, les sœurs et les épouses, sous prétexte qu’une jambe ou un cou est dénudé ?

Comment justifier la violence, la polygamie et le voile imposé par la force aux adultes, pis encore aux filles en très bas âge ?

Est-ce la société dont on a rêvé et pour laquelle nos aînés ont sacrifié leur vie ?

Un pays se construit, s’édifie avec un citoyen et une citoyenne épanouis, équilibrés, soucieux du bien-être de leur pays dans la complicité et le respect mutuel.

III. À quand une réelle prise de conscience ?

Nous sommes conscientes du droit que chacun a de s’exprimer, mais ne faut-il pas au préalable informer, instruire, construire un débat fructueux ? Nous n’avons délégué personne pour parler en notre nom, mais si une discussion doit avoir lieu, pour apporter des solutions à la dégradation de l’image de la femme, ce n’est certainement pas avec des discours misogynes.

Nous souhaitons que nos doléances soient prises en charge, sans que nous soyons renvoyées à la religion, aux coutumes, aux discours machistes.

Nous voulons que le statut de la femme citoyenne soit respecté et que de vrais efforts soient déployés, pour la mise en place d’une batterie juridique réellement protectrice de toutes les femmes et non pas d’une hypothétique loi où tout violeur sur mineure écope de quatre ans de prison tout au plus sans autre sanction pénale.

Nous demandons à ce que les médias lourds contribuent à valoriser l’image, le travail, le vécu de la femme et d’arrêter de stigmatiser les veuves, les divorcées, les étudiantes, les femmes non voilées, les femmes voilées, les femmes célibataires vivant seules, ouvrant la porte à toutes les dérives.

Le 8 mars 2017
Publié sur Siawi
Signataires
Fareh Ouarda, enseignante
Fadhila Belbahri, professeure
Nassira Belloula, écrivaine
Hanifi Nassima Amina, membre de SOS femmes en détresse
Larkem Chahida, sociologue
Wahiba Khiari-Gamoudi, écrivaine
Khaoula Mallem, chef d’entreprise
Benameur Samia « Maissa Bey », écrivaine
Samira Bendriss, éditrice
Rosa Mansouri, journaliste
Hakima Daoudi, enseignante
Majda Bouheraoua, étudiante en pharmacie
Lahouel Amel, libraire
Hakima zaidi, pharmacienne
Zakia Taabache, professeure d’allemand retraitée, œuvrant pour l’Unicef
Zahia Zahou Benabid, enseignante
Hamida Ferroukhi, enseignante
Tassaadit Bendris, enseignante
Benkhaoula Amina, médecin généraliste
Aicha Boudraâ, adjoint administratif
Hanane Aksas, enseignante
Ouarda Bala,sans profession
zora sahraoui, bibliothécaire
Benziadi Ghozlane, enseignante
Faouzia Kerouaz, cadre dans une entreprise nationale
Nora Chenane
Fouzia Foukroun
Dalila Sekhri, chef d’entreprise
Awicha Kahouadji
Zoulikha Mahari L., fonctionnaire
Taous Aït Mesghat, chirurgien-dentiste
Assia Land, mère
Imen Abdelmalek, sans profession
Djedouani Boutheina, general manager
Nalia Hamiche, psychologue clinicienne.
Meriem Sator, architecte
Atika Boutaleb
Malika Belhadj
Malika Makhlouf
Zahia Bouzenad
F.Z Daikha, retraitée
Farida Chemmakh, fonctionnaire
Djazia Abdoun,
Roza Nahi, éducatrice
Zahira Driss, juriste
Annissa Kahla
Belbahri Leila
Belaloui Souhila
Asma Zinai, retraitée, ancienne syndicaliste et élue
Abla Guerrout
Asma Mechakra, chercheuse
Lilas Saadi
Samira Gouaref
Hanifi Samia, professeur de français.
D r Sabrina Rahimi.
Dahbia Chater, retraitée
Nadia Chabat, fonctionnaire.



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