CHINE : Pas de place pour deux héritiers de Mao

samedi 9 novembre 2013
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : Courrier International

CHINE : Pas de place pour deux héritiers de Mao

Bientôt condamné, Bo Xilai s’est attiré un procès pour corruption surtout pour avoir voulu concurrencer Xi Jinping sur le terrain de la légitimité politique à gauche.

• 5 Septembre 2013

• La voix du secrétaire général du Parti, Xi Jinping, a sans doute été décisive dans le choix de destituer l’ancien secrétaire du Parti de la municipalité de Chongqing, Bo Xilai [dont le procès pour corruption, qui s’est clos le 26 août, est en attente de verdict].

Cependant, Xi et Bo sont tous deux issus du “parti des princes” [les enfants de hauts dignitaires du Parti] aux origines rouges pures et dures.

Pourquoi des personnes si proches en sont-elles arrivées à se porter préjudice ?De nombreux médias ont imputé cette situation à une lutte entre les courants de droite et de gauche au sein du Parti.

Ils se sont fondés sur la réponse donnée par l’ancien Premier ministre Wen Jiabao aux journalistes lors de la session parlementaire de mars 2012. Il avait alors indiqué que Bo Xilai avait tourné le dos à la “ligne du troisième plénum” [qui en 1978 avait pris ses distances par rapport à la Révolution culturelle et lancé la politique de réformes].

Cette déclaration avait été interprétée comme une manière détournée de signifier que l’affaire Bo Xilai était à ranger dans la catégorie des “luttes de courants”. Cependant, par la suite, les médias du Parti n’ont cessé de proclamer qu’il s’agissait d’une simple affaire pénale de corruption, coupant court à son caractère politique.

Or celui qui a poussé en coulisses pour cette dernière version ne peut être que le nouvel homme fort, Xi Jinping. Cependant, depuis que Xi Jinping s’est hissé au sommet du pouvoir [en novembre 2012], il a complètement repris à son compte le flambeau de la “gauche maoïste” brandi jadis par Bo Xilai, inaugurant une ère Bo Xilai sans Bo Xilai.

Que ce soit lorsqu’il insiste sur l’impossibilité de renier les trente années Mao, où “la lutte des classes primait sur tout”, lorsqu’il appelle à “un branle-bas de combat contre la corruption” ou lorsqu’il assure que “la Chine rouge ne changera jamais de couleur”, on retrouve à chaque fois la rhétorique de Bo Xilai. En mettant actuellement le paquet pour promouvoir la très populiste “ligne des masses populaires”, Xi Jinping ne fait que copier la rhétorique de Bo.

Bien que Xi Jinping ait toujours le mot “réforme” à la bouche, dans les faits il continue à suivre les bons vieux chemins de la Chine rouge éternelle.

• Hautes sphères. L’activité de Bo Xilai a été entachée de corruption dès l’époque où il était à la tête de la ville de Dalian [dans le nord-est du pays, entre 1992 et 2000], mais malgré cela les hautes sphères du PCC ont continué à favoriser son ascension. Le problème ne se trouve donc pas à la base, mais bien à Zhongnanhai [siège du pouvoir].

• Une fois arrivé à Chongqing (en 2007), Bo Xilai a donné un coup de barre à gauche en remettant au goût du jour les “chants rouges” [à la gloire du communisme]. La grande majorité des plus hauts dirigeants du Parti s’est alors rendue en pèlerinage à Chongqing, pour bien s’afficher sur la scène de la lutte contre les forces mafieuses [cheval de bataille de Bo Xilai] et de la promotion du communisme. Même Xi Jinping, fraîchement élu vice-président de la Commission militaire centrale, avait choisi Chongqing pour y faire sa première inspection sur le terrain, en décembre 2010. On avait alors pu voir Bo et Xi, ces deux grandes figures du parti des princes, y chanter ensemble Nous sommes la relève du communisme !…

• Bien que l’ancien secrétaire général du Parti Hu Jintao ne se soit pas rendu à Chongqing durant son mandat, il avait lui-même abreuvé le peuple de grands appels à la “mémoire rouge” et prôné l’attachement aux “valeurs centrales du socialisme”.

De plus, en ressortant des portraits de Mao Tsé-toung à l’occasion du 60e anniversaire de la fondation de la république populaire [en 2009], il préparait le terrain pour Bo Xilai et son virage à gauche. Bo Xilai a puisé son pouvoir aux mêmes sources que tous les autres grands dirigeants de Zhongnanhai, et sa corruption s’enracine dans les mêmes lieux.

• Chasse gardée. Bo Xilai pouvait non seulement se prévaloir de ses hautes fonctions de membre du Bureau politique du Parti et de grand gouverneur de province [la municipalité de Chongqing a rang de province], mais il bénéficiait également d’une certaine “assise” populaire.

Avant le XVIIIe Congrès du PCC [en novembre 2012], Bo Xilai s’était efforcé de rassembler la gauche dite maoïste et les forces populistes ; il souhaitait étendre son pouvoir à tout le pays, mais, à trop faire étalage de ses talents, il allait forcément s’attirer les foudres de Xi Jinping, le prince héritier.


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