Comment un paysan a recouvré sa liberté grâce à l’épargne solidaire, à l’agriculture bio et aux filières locales

mardi 31 octobre 2017
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : Basta

Comment un paysan a recouvré sa liberté grâce à l’épargne solidaire, à l’agriculture bio et aux filières locales

par Alexandre Platerier (Campagnes Solidaires) 30 octobre 2017

Lors de ses études agricoles, il n’avait entendu parler « que de produits phyto et d’engrais chimiques ».

Edwin Delasalle est malgré tout sorti du système agro-industriel pour devenir paysan-boulanger en Picardie. Il produit à la ferme 250 pains par semaine, vendus localement. Son expérience démontre que, dans une région où la surface moyenne des fermes dépasse les 100 hectares, un paysan peut vivre sur une petite surface en pratiquant une diversité de cultures, en travaillant avec ses voisins et en respectant la nature.

Cet article a initialement été publié dans Campagnes Solidaires, le mensuel de la Confédération paysanne.

Il est six heures du matin ce jeudi quand Edwin Delasalle rejoint à pied son fournil pour « mettre la main à la pâte » qui servira à façonner son pain au levain. C’est le rituel de chaque fin de semaine : 250 pains sont fabriqués et vendus dans plusieurs « Amap » (association de maintien pour l’agriculture paysanne), au marché, et sur place, à la ferme. Les autres jours sont consacrés aux travaux agricoles, au triage du grain, à la production de farine aussi.

A 30 ans, Edwin a réalisé un rêve de gosse.

Pas évident au départ ! Enfant, lui qui n’est pas issu du milieu agricole passe son temps libre à travailler dans des fermes de son village natal, dans la Somme.

Logiquement, il entreprend des études agricoles qui vont pourtant le décourager : « Je n’entendais parler que de produits phyto et d’engrais chimiques ! », dit-il.


Il se sent à l’étroit dans le moule de l’agriculture conventionnelle.

S’ensuit une période où il exerce sans conviction différents métiers, dans le bâtiment et les travaux publics, avant de suivre une formation en agriculture biologique dans le sud de la France.

Un tournant décisif dans sa vie : il part six mois à Avignon, visite des fermes dans diverses régions et suit en parallèle d’autres formations via, notamment, le Réseau Semences Paysannes. Il découvre avec passion la panification.

C’est le déclic.


Une installation permise grâce à l’épargne citoyenne

De retour « au pays », en 2012, il est embauché le temps d’un remplacement par Inès Deraeve, paysanne boulangère.

Edwin se fait la main, son pain est bon.

Inès l’aide à développer sa propre clientèle.

Ne manquent plus que les terres…

Sa ferme, il la trouve un an plus tard, en 2013, grâce à Terre de Liens [1], dans un petit hameau de quelques âmes aux confins de la Picardie [2].

Une occasion rare, inespérée. Il y a des terres - un peu - et des bâtiments - beaucoup.

Une collecte d’épargne citoyenne permet l’achat.

Aidé de sa famille, il entreprend de construire brique après brique un four, aménage un fournil, et cultive en même temps ses 15 hectares.

S’il utilise des blés modernes, Edwin consacre également 1,8 ha à la multiplication de variétés de blé de pays : « L’intérêt agronomique des blés de pays est pour moi évident, précise-t-il, mais le principal problème, dans des terres riches comme les nôtres, reste la verse. En quatre ans d’essais variétaux, une seule année a été concluante. Sur le blé, on a beaucoup à apprendre, on n’a pas assez d’une vie ! ».

Le paysan s’intéresse aussi au tournesol et aux légumineuses pour favoriser la bonne rotation des cultures. Il produit et vend ainsi en direct des lentilles vertes, des lentillons rosés, des haricots secs et des poix cassés.

Viser l’autonomie de production

Sa surface étant limitée, Edwin collabore avec deux agriculteurs de villages proches pour produire les céréales qui lui manquent.

Si l’atelier « pain » lui assure un revenu correct, l’arrivée sur la ferme de Manon, sa compagne originaire de Moselle, lui permet d’envisager des projets de diversification à petite échelle : porcs « plein air », production d’huile de tournesol, miel et accueil pédagogique.

Ce qui l’intéresse, c’est d’apprendre et expérimenter sans cesse : pour lui, « être paysan c’est la liberté ! ».

Il ne s’imagine pas faire autre chose - même si « c’est souvent dur physiquement » - et regarde l’avenir avec optimisme en ayant l’objectif d’être autonome en production.

Son expérience démontre que, dans une région où la surface moyenne des fermes dépasse les 100 hectares, un paysan peut vivre en 2017 sur une petite surface en pratiquant une diversité de cultures, en vendant en direct la production, en collaborant avec ses voisins et en respectant la nature.

En un mot, en pratiquant avec sens et conscience… une agriculture paysanne.

Alexandre Platerier, animateur de Terre de Liens Picardie

Photo de Une : © Graine et Grignote
Cet article est tiré du numéro de octobre 2017 de Campagnes Solidaires. Au sommaire : États généraux de l’alimentation, politique agricole commune, fermes-usines, mais aussi un dossier sur les contrôles à la ferme.
Notes
[1] Terre de liens est implantée depuis 2009 en Picardie, région à dominante céréalière. Le contexte foncier, difficile, exclut beaucoup de prétendants au métier, surtout ceux non issus du milieu agricole. Terre de liens y a acheté à ce jour quatre fermes et installé des maraîchers en partenariat avec des communes. Terre de liens Picardie est cofondatrice du Collectif pour une agriculture solidaire (Copasol) qui a accompagné depuis 2011 près de 250 projets en agriculture paysanne et bio, dont celui d’Edwin.

[2] Voir le site de la ferme Graine & Grignote d’Edwin Delasalle


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