A Tuzla (Bosnie-Herzégovine), les citoyens réinventent la démocratie directe

lundi 17 février 2014
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : Europe solidaire sans frontières via Le Courrier des Balkans

A Tuzla (Bosnie-Herzégovine), les citoyens réinventent la démocratie directe

LOUE-FEICHTER Eléonore

12 février 2014

Chaque soir depuis samedi, le « Plenum des citoyens » de Tuzla se réunit à 18 heures. Ouvertes à tous, les réunions ont pour but de formuler les diverses revendications qui seront présentées à l’Assemblée cantonale afin de trouver des solutions démocratiques et de former un nouveau gouvernement suite à la démission du gouvernement du canton. Un exercice pratique de démocratie directe.

Le « Plenum des citoyens » est un groupe de volontaires, animés par la même envie, « agir pour le bien de tous ». Composé de professeurs de l’Université de Tuzla, de juristes, de travailleurs des usines privatisées, de membres d’associations, d’étudiants, etc, le plenum se retrouve pour manifester devant la carcasse brûlée du bâtiment du canton de Tuzla, puis se réunit en assemblée à 18 heures à la Maison de la Paix.

Selon le manifeste, le Plenum s’impose comme un facteur de la société civile à travers des initiatives et des propositions.

L’un de ses objectifs est notamment d’empêcher la manipulation des manifestants.

Il représente la voix des citoyens du canton de Tuzla, un organe de décision civique qui fonctionne sur le principe de la démocratie directe, auquel chaque personne intéressée peut participer, exprimer son opinion et prendre des décisions sur un pied d’égalité. Chacun dispose d’une voix lors des votes à main levée et de deux minutes de parole.

Le Plenum n’a ni leader, ni porte-parole, ni délégué. Des modérateurs sont nommés pour chaque session.

Les décisions sont prises à la majorité des votants. En cas d’égalité des voix, la décision est prise sur consensus.

Ouvertes à tous, les réunions du Plenum ont pour but de formuler les diverses revendications qui seront présentées à l’Assemblée cantonale afin de trouver des solutions démocratiques et de former un nouveau gouvernement suite à la démission vendredi 7 février du Premier ministre Sead Čaušević. Une démission qui avait entraîné la chute du gouvernement du canton de Tuzla.

Les premières revendications ont été formulées lors de l’assemblée qui s’est tenue dimanche 9 février. Pour Damir Arsenijević, professeur d’anglais à l’Université de Tuzla et l’un des organisateurs des manifestations, le problème est que celles-ci se sont criminalisées, politisées et font l’objet de manipulations.

« Il est donc désormais nécessaire d’assurer la sécurité des manifestants afin de maintenir un climat pacifique lors des manifestations. Des organisations internationales telles que Human Right Watch et Transparency International suivent le déroulement des manifestations »

En second lieu, le Plenum exige de l’Assemblée du canton, qui dispose des mécanismes juridiques nécessaires conformément à la Constitution, qu’elle assure le fonctionnement du canton dans l’intérêt des citoyens, sans l’intervention du gouvernement démissionnaire et qu’elle procède, en collaboration avec le Plenum, à l’élection et à la nomination d’un nouveau gouvernement formé d’experts non corrompus et n’appartenant à aucun parti politique, d’ici au 1er mars 2014.

Le Plenum a ainsi affirmé que certains médias avaient donné de fausses informations dans le but de manipuler l’opinion publique en déclarant que la démission du gouvernement du canton avait entraîné un vide juridique insurmontable.

Les participants au Plenum sont d’avis que la politique ne doit pas se mêler à ces réunions et qu’il ne doit être question que des problèmes sociaux et économiques à régler en priorité au sein du canton.

Ils se sont notamment refusé pour l’instant à débattre sur la question de la disparition des cantons en Fédération.

Les actions futures du Plenum

Les participants à la réunion de lundi soir ont affirmé qu’il était désormais question de l’ensemble de l’économie du canton et plus seulement de la situation des travailleurs des usines privatisées.

De nouvelles revendications ont été formulées, qui ont été présentées à l’Assemblée du canton de Tuzla dans la matinée de mardi, entre autres la suspension immédiate des poursuites engagées contre les organisateurs et les participants aux manifestations pacifiques précédentes et l’arrêt des mesures répressives.

Selon Zlatan Begić, professeur de droit public à l’Université de Tuzla, le droit de manifester est l’une des libertés fondamentales selon la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

« Il faut donc amnistier les participants aux manifestations et établir la responsabilité du commissaire principal de police, à titre professionnel et personnel, en raison de l’usage excessif de la force de la part de la police. »

Cette proposition a été votée à l’unanimité, tout comme la demande de démission du commissaire et du porte-parole de la police du canton.

Le Plenum a également exigé que les faits soient établis concernant le rôle des services de sécurité et des médias en Bosnie-Herzégovine, en termes de propagation de la désinformation favorisant une situation chaotique lors des manifestations, et que les autorités du canton s’engagent à entamer des procédures afin de déterminer leur responsabilité.

Les autorités ont été appelées à ouvrir une enquête sur l’information qui affirmait que, parmi les manifestants, se seraient introduits des personnes soutenues par certains partis politiques et groupes d’intérêt.

Le Plenum affirme en effet que cette information a attisé la fureur et le désordre, et était uniquement destinée à discréditer des manifestations justifiées.

Trois groupes de travail ont été formés au sein du Plenum : le premier concernant la logistique, le second l’organisation des manifestations et la culture (chaque manifestation pacifique faisant l’objet d’interventions artistiques), et le troisième concernant la partie médias.

Les problèmes rencontrés

Il faut pourtant souligner que la situation est toujours confuse à Tuzla, car l’Assemblée du canton avait dès samedi entrepris des pourparlers avec un autre groupe de citoyens, le «  Conseil économique » mené par Aldin Širanović.

Ce membre du groupe UDAR avait été porté en héros et son histoire avait favorisé la fureur des manifestants après qu’il a été mis en garde à vue et battu par les forces de police spéciales mercredi 5 février.

Composé d’entrepreneurs locaux endettés et issus de diverses branches politiques, dont certains ont pris part aux privatisations d’après-guerre, le « Conseil économique » ne semble pas obtenir la faveur de la population car, n’organisant pas d’assemblées publiques, on leur reproche leur manque de transparence et l’on craint qu’ils ne soient animés que par des intérêts personnels.

Le Plenum a déclaré ne pas partager les revendications de ce groupe de citoyens, affirmant qu’un « groupe dont les membres sont directement impliqués dans la situation déplorable du canton et dont les employés sont privés de salaire et de leurs droits sociaux fondamentaux, ne peut représenter les intérêts des citoyens. »

Un soutien officiel

Le Plenum a obtenu le soutien de l’Université de Tuzla, de diverses organisations internationales, ainsi que du ministre britannique des Affaires étrangères William Hague actuellement en visite à Bruxelles.

Le maire de Tuzla Jasmin Imamović a également donné son soutien moral et matériel au Plenum de citoyen et mis à leur disposition les institutions municipales afin qu’ils puissent s’y réunir :

« Je souhaite apporter publiquement mon soutien au Plenum de citoyens du canton de Tuzla qui représente une action ouverte et démocratique pour la protection et la promotion des biens publics. Je soutiens toutes les revendications énumérées dans les déclarations du Plenum de citoyens afin que Tuzla devienne un modèle pour une Bosnie-Herzégovine multinationale et solidaire ». Ce soutien a été bien accueilli par le Plenum, qui tiendra désormais ses réunions au Théâtre municipal.

Le chef de la Mission de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine, Fletcher M. Burton, a pour sa part déclaré : « Nous encourageons les autorités à tous les niveaux en Bosnie-Herzégovine d’écouter les demandes de réforme, exprimées de manière légale et pacifique. » Il a souligné qu’un dialogue constructif entre les autorités et les citoyens dans un cadre démocratique et pacifique devait être à la base des progrès qui conduiront à des solutions efficaces et durables.

Eléonore Loué-Feichter, de notre correspondante à Tuzla


Retrouvez notre dossier :

Bosnie-Herzégovine : la révolte sociale gagne tout le pays :
http://balkans.courriers.info/spip....


Source : IndustriALL

IndustriALL appuie les syndicats de Bosnie-Herzégovine qui luttent pour la justice économique

17.02.2014

IndustriALL Global Union salue les travailleurs et travailleuses ainsi que les autres catégories de citoyens qui ont manifesté leur colère en Bosnie-Herzégovine comme suite à leur sentiment de frustration et d’exclusion économique face à un système en déliquescence mené par une élite politique et du monde des affaires.

IndustriALL Global Union attire également l’attention sur les courageux salariés d’entreprises industrielles autrefois glorieuses du Canton de Tuzla qui sont à l’origine des protestations sociales de ce mois et espère que tous les syndicats de Bosnie-Herzégovine vont suivre et s’engager dans des protestations pacifiques pour remettre sur de bons rails l’ordre social dans cette nation des Balkans.

« Les graines qui sont en train de germer dans toute la Bosnie-Herzégovine ont été semées par une colère née de la faim et d’un appauvrissement consécutifs aux emplois perdus, aux salaires impayés et au ressenti d’une génération privée de perspectives, » a déclaré le Secrétaire général d’IndustriALL Jyrki Raina. « Il est réconfortant de voir que les syndicats encouragent une critique ouverte et pacifique du dumping social, de la déchéance sociale et de l’inégalité sociale croissante. »

La Bosnie-Herzégovine, avec une population de 3,8 millions d’habitants compte actuellement un citoyen sur cinq sous le seuil de pauvreté. Elle enregistre un taux de chômage de plus de 40% et, pire encore, 57% de jeunes sans emploi. IndustriALL en tient pour responsable le système qui, il y a 15 ans, lorsque l’industrie a été privatisée sur un modèle néo-libéral, a engendré une classe de dangereux profiteurs qui ont formé une collusion avec des fonctionnaires gouvernementaux pour dégraisser, fermer et vider les caisses en laissant dans son sillage misère et chômage.

IndustriALL Global Union trouve un réconfort dans ces protestations sociales spontanées qui traversent la Bosnie-Herzégovine, généreusement alimentée par les media sociaux, et appelle les citoyens à s’unir par-delà toute barrière ethnique pour façonner une société basée sur l’équité, la justice et l’ouverture à l’autre.

IndustriALL Global Union félicite les travailleurs et travailleuses de ces industries déchues du Canton de Tuzla et d’ailleurs d’avoir montré la voie à la fois en Bosnie-Herzégovine et en dehors par des actions dans les rues pour exiger le changement : ceux et celles du producteur de savons et détergents Dita, des entreprises chimiques Polihem D.D. et Polilchem D.D.O., de l’équipementier automobile Resod Guming et du producteur de mobilier de cuisine, de bureau et d’école Koinjuh D.D.


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