La Pologne ne veut pas perdre ses migrants ukrainiens

vendredi 8 mars 2019
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : EURACTIV

La Pologne ne veut pas perdre ses migrants ukrainiens

Par : Michał Strzałkowski | EURACTIV.pl | translated by Manon Flausch
26 févr. 2019

En manque de bras, l’économie polonaise compte sur les migrants ukrainiens. Et s’inquiète de l’ouverture prochaine des frontières allemandes, qui risquent de créer un appel d’air. Un article d’Euractiv Pologne.

Ils nettoient, construisent, conduisent des Uber ou des taxis et remplissent les rayons des supermarchés et épiceries. Ils vendent de l’art local aux touristes. Ils sont aussi avocats, gestionnaires, infirmières et hommes d’affaires. Depuis quelques années, les Ukrainiens se sont fait une place dans de nombreux secteurs du marché du travail polonais.

Selon les données du Bureau des étrangers (UDsC), 180 000 citoyens ukrainiens vivraient en Pologne, soit 25 000 de plus que l’année précédente. Ces statistiques n’incluent cependant que ceux qui ont obtenu un permis de résidence.

En 2018, les Ukrainiens ont été 26 fois plus à demander une retraite polonaise qu’en 2008, et quatre fois plus qu’en 2015, selon l’assurance sociale (ZUS). En 2008, ils n’étaient que 16 200, soit 25 % des souscripteurs étrangers, alors qu’ils sont aujourd’hui 425 700, soit près de 75 %.

Et ces chiffres ne prennent pas en compte tous les citoyens ukrainiens travaillant en Pologne.

La ZUS ne décompte que ceux qui paient des impôts, c’est-à-dire ceux qui ont un contrat à plein temps ou ont choisi de soumettre leur contrat civil à l’impôt.

En Pologne, de nombreuses personnes travaillent via des contrats établis pour une tâche spécifique, qui ne sont pas toujours taxés.

En outre, le droit polonais permet d’engager un non-Européen entre six mois et un an via une « procédure simplifiée », qui ne nécessite pas de permis de travail. Ils sont nombreux à utiliser cette formule et à alterner entre six mois en Pologne, puis six en Ukraine. Le nombre réel d’Ukrainiens dans le pays pourraient donc être bien plus élevé.

Des travailleurs, pas des réfugiés

Quand le gouvernement polonais s’est opposé à la réinstallation sur son territoire de réfugiés syriens ou irakiens arrivés en Grèce ou en Italie, le PiS a essayé de faire valoir que le pays accueillait déjà beaucoup de réfugiés ukrainiens. Cet argument a été utilisé à la fois par l’ancienne Première ministre, Beata Szydlo, et par son remplaçant, Mateusz Morawiecki. Beata Szydlo avait notamment assuré au Parlement européen que la Pologne avait accueilli « un million de réfugiés ukrainiens ».

En fait, pour la période 2017-2018, seules quelques centaines de citoyens ukrainiens ont demandé un statut de réfugié.

Le reste a simplement trouvé un travail et s’est installé en Pologne. Ils ne demandent en général pas les allocations et aides polonaises. Ils ne sont par exemple que 4 500 Ukrainiens à toucher les aides du programme Famille 500+, des allocations familiales. Les spécialistes se refusent donc à les qualifier de réfugiés.

Andrzej Kubisiak, de l’institut polonais d’économie, estime en outre que ce n’est pas vraiment la situation en Ukraine qui a attiré tant de travailleurs en Pologne, mais plutôt les efforts des employeurs polonais.

« L’arrivée de masse des travailleurs ukrainiens en Pologne a commencé en 2014. Avant cela, l’immigration ukrainienne était surtout composée de travailleurs agricoles.

Mais en 2014, le chômage s’est mis à chuter. Et, depuis 2013, le nombre de personnes actives chute systématiquement », explique-t-il.

« Au final, les entreprises polonaises ne sont retrouvées à cours de main d’œuvre, pour la première fois depuis la transformation économique. C’est alors que les Ukrainiens ont commencé à trouver du travail et que les entreprises polonaises sont allées les chercher. »

Les travailleurs ukrainiens coûtent également moins cher. « Le marché de l’emploi a beaucoup évolué ces dernières années. Les conditions économiques favorables ont mené à des créations d’emplois, dont le nombre a augmenté plus vite que celui des demandeurs d’emploi. Il ne s’agit donc pas seulement d’optimisation économique », assure Andrzej Kubisiak.

L’attrait de l’Allemagne

Selon le Bureau statistique central, il n’y a que 175 000 emplois vacants en Pologne.

Si tous les travailleurs ukrainiens disparaissaient, ce chiffre atteindrait soudain les 600 000. Et ce, alors que le nombre d’emplois vacants augmente à un taux de 12-13 % par quadrimestre.

« Cela montre que notre marché du travail est en difficulté. Sans les Ukrainiens, le nombre de postes vacants en Pologne aurait pu constituer un sérieux obstacle à notre croissance économique. Les migrants ont atténué les tensions sur le marché du travail polonais, créées par le vieillissement de la population et la migration économique massive vers les autres pays de l’UE », poursuit le spécialiste.

Cette situation peut sembler très favorable pour la Pologne.

Cependant, les changements concernant les travailleurs étrangers que l’Allemagne souhaite introduire d’ici début 2020 sont considérés comme une menace à Varsovie.

Ces changements faciliteront l’accès des Ukrainiens au marché du travail allemand, où les salaires sont plus élevés et les emplois vacants encore plus nombreux.

Andrzej Kubisiak ne s’attend cependant pas à un exode massif de travailleurs ukrainiens de Pologne.

« Il est vrai que le marché du travail allemand est très réceptif et que les employeurs polonais auront du mal à concurrencer les employeurs allemands, mais les salaires ne sont pas le seul facteur pris en compte dans la migration économique.

En Allemagne, la barrière de la langue sera beaucoup plus élevée, car en Ukraine, l’allemand – contrairement au polonais – n’est pas populaire. La Pologne est aussi plus proche d’eux sur le plan culturel, ce qui fait une grande différence. »

De nombreux Ukrainiens ne travaillent en Pologne que périodiquement et partagent leur temps entre les deux pays.

La plupart des Ukrainiens travaillent à Wroclaw ou à Poznan, dans l’ouest de la Pologne, proche de l’Allemagne. Il faudra donc attendre 2020 pour voir s’ils décident de traverser l’Oder.


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