Turquie, La Coopérative de Textile Özgür Kazova : %100 produits sans patron , Vive la production sans patron !

lundi 4 avril 2016
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : Le site de la coopérative : http://ozgurkazova.org/fr/

%100 coton, %100 laine, %100 produits sans patron

La Coopérative de Textile Özgür Kazova est un des plus importants héritages de la Résistance du Parc Gezi de Taksim, en Mai - Juin 2013.

Notre combat, qui a démarré le 27 février, s’est d’abord transformé en une usine d’occupation et par la suite en une coopérative.

Nous sommes convaincus que notre coopérative deviendra une des écoles de la société égalitaire et sans employeur.

Depuis la date du 17 Novembre 2014, nous produisons des pulls sans employeur. Notre objectif est de soutenir toute sorte d’organisation d’économie solidaire et de combat de travailleurs, et de faire partie de la lutte internationale de liberté.

Nous adoptons nous aussi les principes de l’Unité de Coopérative Internationale :

1. Une autogestion démocratique entre les membres

2. Une structure ouverte aux nouveaux membres et fondée sur le volontariat

3. Un modèle économique basé sur le partage égalitaire

4. Une production indépendante liée à l’autogestion.

5. Une éducation et un partage de connaissance permanents

6. Solidarité entre les coopératives.

7. Solidarité avec les luttes sociales.

Vive la production sans patron !


Source Autogestion

Kazova : 100 % coton, 100 laine %, 100 % produits sans patron

Publié le 11 mai 2015 par Patrick Le Tréhondat

Point un. Une autogestion démocratique entre les membres », voila ce qu’affirme fièrement le site de la toute nouvelle coopérative turque Kazova qui propose des « pulls sans patron ». Un aboutissement de 2 années de lutte pour ces travailleurs qui se sont retrouvés, en 2013, à la rue en raison des malversations de deux patrons voyous.

En janvier 2013, après quatre mois de non-versement de leurs salaires, les 94 salariés de l’entreprise textile Kazova d’Istanbul, fondée en 1946, furent surpris que leurs patrons leur proposent de prendre une semaine de congés.

À leur retour, promettaient-ils, les salaires en retard seraient versés.

Cependant, la semaine de « vacances » écoulée, qui ressemblait plutôt à un lock-out, ils apprennent, avec stupéfaction leurs licenciements, en raison « d’une absence de plus de trois jours non justifiée ».

Face à cette brutale décision, les travailleurs abasourdis sont indécis et hésitent alors sur l’attitude à tenir et le découragement rode. Aymur, une des futurs animatrices de la lutte, propose alors, en vain, l’occupation de l’usine.

Profitant de cette période d’incertitude, la direction de l’entreprise commence à vider l’usine et s’empare de 100.000 chandails, 40 tonnes de fil, de plusieurs petites machines, et en sabotent même d’autres.

Lorsqu’ils s’en aperçoivent, les travailleurs décident alors de planter leur tente aux portes de l’entreprise pour prévenir tout nouveau vol et préserver autant que possible leur avenir.

En mai 2013, le fort mouvement autour du parc Gezi de Taksim coïncide avec la mobilisation des Kazovas.

L’idée qui germe alors dans l’esprit des travailleurs de fonder leur coopérative n’est certainement pas étrangère à cette mobilisation. Sur leur site, les travailleurs revendiquent aujourd’hui cette filiation : « La Coopérative de textile Özgür Kazova est un des plus importants héritages de la résistance du Parc Gezi de Taksim, en mai – juin 2013. » Ceylan, 56 ans, qui travaille depuis 13 ans dans l’entreprise, ajoute que |« les manifestations de Gezi nous ont stimulés et nous avons eu le courage d’occuper l’usine le 28 juin [2013]. Sans cette expérience, nous n’aurions jamais osé nous dresser devant la police. »|

Une longue mobilisation commence, souvent violemment réprimée par la police, mais qui attire également un soutien et une sympathie de plus en plus larges.

Des milliers de personnes viennent visiter l’usine occupée par les salariés.

Les travailleurs, de plus en plus audacieux, décident de reprendre la production, grâce des stocks oubliés par les patrons brigands.

Plusieurs centaines de pulls sont fabriquées.

Les premiers sont envoyés à des familles de prisonniers qui les ont soutenus.

D’autres sont vendus à Taksim au cours de différents forums et dans différents réseaux de soutien.

Les ventes permettent de se payer et d’accumuler des réserves.

Mais, le propriétaire des lieux vend les locaux.

Par chance, un autre site de production est trouvé avec l’aide du syndicat de camionneurs qui soutient la lutte depuis le début.

En novembre 2014, la décision de fonder une coopérative est actée et un autre volet long et épuisant de la lutte s’ouvre alors sur le terrain judiciaire afin de pouvoir récupérer les machines restantes.

En février 2015, la justice décide finalement que les machines doivent être vendues pour payer leurs salaires dus.

Mais les salariés préfèrent en devenir propriétaires en compensation des salaires non versés.

Et la production repart de plus belle.

Mais la lutte a coûté cher. Ils ne sont, aujourd’hui, plus que onze qui autogèrent la coopérative.

Pour Aymur, c’est une nouvelle vie qui commence.

Tout en souriant, elle confie qu’« une organisation sans patron, c’est aussi une charge, car la responsabilité collective c’est aussi de prendre les décisions collectivement… et donc apprendre une vie que nous n’avons jamais connue. »

Aujourd’hui la coopérative produit 500 pull-overs par mois, mais pour trouver son équilibre financier, elle doit atteindre les 800 pulls.

Ils sont vendus dix fois moins chers que ceux que l’entreprise produisait auparavant qui occupait le segment haut de de gamme du marché.

Un des slogans de la lutte était « Des pulls à un prix abordable pour tous ! ». La promesse a été tenue.

La coopérative est en relation avec d’autres coopératives comme VioMe en Grèce, car « Point sept : Solidarité avec les luttes sociales » et de conclure : Vive la production sans patron !

Le site de la coopérative : http://ozgurkazova.org/fr/


Source : CQFD

En Turquie : Des pulls sans patron

paru dans CQFD n°130 (mars 2015), rubrique Ma cabane pas au Canada, par Aristide Bostan, illustré par Colloghan

En mai et juin 2013, un mouvement de contestation parti du parc Gezià Istanbul secouait l’ensemble de la société turque.

Au même moment, dans le quartier de Bomonti, une filature était occupée par les ouvriers.

Près de deux ans plus tard, Özgür Kazova («  Kazova la libre ») peut commencer à envisager sereinement son avenir de coopérative autogérée.

Ezgi Bakçay, militante stambouliote, a bien voulu raconter à CQFD la belle histoire d’un des plus forts héritages de Gezi.

CQFD  : En février 2013, le patron de la filature se faisait la malle en laissant derrière lui quatre mois de salaires impayés. Peux-tu nous raconter ce qu’il s’est passé depuis ?

Ezgi Bakçay  : En apprenant que le patron était parti, les ouvriers se sont précipités à l’usine à l’improviste pour récupérer leur argent, mais c’était trop tard.
Ce qu’ils y ont trouvé, en revanche  – une chaîne de production à l’arrêt, des pulls pas terminés – leur a donné l’idée de reprendre la production et de vendre les vêtements eux-mêmes, avec pour objectif immédiat la compensation des salaires perdus. Kazova était donc d’abord une usine occupée ; après plus d’un an et demi de lutte et de réorganisation, l’usine est devenue une coopérative en novembre 2014.

La dernière bonne nouvelle, c’est l’acquisition des machines par les ouvriers, début février.

L’objectif, maintenant, c’est de réussir à survivre sans patron tout en étant créatif et libre dans la production, de travailler pour « gagner du temps libre » et de tisser des liens avec d’autres structures en lutte, que ce soit ici ou ailleurs dans le monde – nous nous considérons comme un petit élément d’un mouvement d’émancipation global des travailleurs.


Quels sont les liens avec le mouvement de Gezi ?

Même si le combat de l’usine a commencé avant, Özgür Kazova est un des plus importants héritages de la résistance du parc Gezi de Taksim.

La lutte s’est trouvée renforcée par le soutien des mobilisations de Gezi, notamment à travers les « forums de quartier » qui ont continué un certain temps, même après l’arrêt du mouvement à Taksim.

La tente de résistance des ouvriers de Kazova a servi de clinique pour les manifestants attaqués par la police.

Et puis il reste l’expérience collective d’un espace-temps révolutionnaire pendant les semaines d’occupation du parc Gezi  : le Kazova d’aujourd’hui reflète naturellement les valeurs et les intérêts de Gezi, autour par exemple de la création de nouveaux biens communs ou de nouveaux types de relations humaines.

Et toi, comment tu te situes par rapport au projet ?

Pour le moment, mon travail est plutôt du côté du développement du réseau, que ce soit pour la vente ou plus largement   :

on est en relation avec d’autres coopératives et d’autres mouvements sociaux – la fabrique autogérée de produits d’entretiens VioMe en Grèce, par exemple.

Je travaille beaucoup sur la « communication » – répondre aux messages, animer les réseaux sociaux, etc.

Au total, nous sommes onze à Kazova   : quatre ouvriers sont là depuis le premier jour, une autre a rejoint le groupe depuis trois mois, et il y a six « militants » impliqués quasiment à temps plein. Pour le moment, seuls les ouvriers sont payés mais si tout va bien, dès l’an prochain, nous arriverons à tous nous rémunérer.

Justement, que va-t-il se passer dans un avenir proche ? Les perspectives sont-elles positives ?

C’est difficile à dire, on est un peu au jour le jour. Özgür Kazova est une école de la société égalitaire et non hiérarchique  : chaque jour est important, chaque décision est critique.

Nous essayons d’être un exemple de victoire dans l’histoire du mouvement ouvrier international.

Concrètement, pour cet été, nous allons produire des T-shirts et des sweat-shirts  : les illustrations sérigraphiées sur les T-shirts seront dessinées par cinq artistes turcs à l’occasion d’un workshop.

Économiquement, comment ça se passe ?
Faut-il recréer des réseaux de vente depuis zéro ?
Sur quoi vous appuyez-vous ?

De manière générale, la coopérative s’inscrit dans un modèle de coopération économique égalitaire, à l’image des principes de l’alliance internationale des coopératives.
Côté résultats, pour le moment, le bilan est plutôt positif  ! Les ventes décollent bien, sur Internet surtout.

On a cinq points de vente à Istanbul et un à Ankara.

L’objectif est de les multiplier, autant en Turquie qu’à l’étranger  : nous avons des contacts en Grèce et en Catalogne, par exemple.

Une campagne de vente est en cours aux États-Unis, une tournée des grandes villes vient de se terminer en Italie…

On ne chôme pas ! Et plus globalement, l’objectif est quand même de sortir d’une économie uniquement de solidarité  : l’enjeu est maintenant de développer des stratégies de pérennisation de l’activité.

Au moment même de cet entretien, le 21 février, Selaatin Demirtas, président kurde du parti pour la paix et la démocratie (HDP) était à Kazova. Quant à Ezgi, elle s’est empressée de retourner discuter avec les futurs relais romains de Kazova. Elle était d’ailleurs présente à Marseille, à l’Équitable Café les 24 et 25 mars, pour raconter Kazova.

Chapeau bas, les tricoteurs  !


Comme un bruit qui court le samedi de 16h à 17h
Autogestion et vigilance citoyenne
Comment travailler sans actionnaires et sans patron ? la bonne


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