Gilets jaunes : 4570 personnes placées en garde à vue en un mois, un triste record

samedi 5 janvier 2019
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : Basta

Gilets jaunes : 4570 personnes placées en garde à vue en un mois, un triste record

par Sophie Chapelle 4 janvier 2019

Le mouvement des gilets jaunes bat tous les records en nombre d’interpellations, de personnes déférées en justice et de peines de prison ferme.
Si l’arrestation et le placement en garde à vue le 2 janvier d’Eric Drouet, l’un des leaders du mouvement, ont été très médiatisés, loin des caméras, détentions et sanctions pleuvent. En un mois, du 17 novembre au 17 décembre 2018, 4570 personnes ont été placées en garde à vue (1567 à Paris et 3003 en région), selon les chiffres du ministère de la Justice révélés le 3 décembre par RTL. 697 comparutions immédiates ont déjà eu lieu, pendant que 825 dossiers ont été classés sans suite [1].

A Paris, sur 214 comparutions immédiates, vingt-six peines de prison ferme ont été prononcées avec mandat de dépôt, ce qui signifie que les personnes condamnées ont été directement incarcérées. Dans les autres régions, 483 comparutions immédiates avec 190 mandats de dépôt ont été recensées [2]. Des centaines d’audiences sont encore prévues dans les prochaines semaines.

A Valence, des peines de prison ferme « pour l’exemple » ?

Parmi les personnes condamnés à de la prison ferme, figure le vidéaste Stéphane Trouille.

Il a été interpellé, avec trois autres personnes lors de la mobilisation des gilets jaunes à Valence le 8 décembre, accusés de « violences en réunion sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Tous les quatre assurent ne pas se connaître et ont un casier judiciaire vierge.

Avant le procès, Basta ! avait relayé le témoignage de leurs familles.

Le 26 décembre, le verdict est tombé : Stéphane Trouille est condamné à dix-huit mois de prison dont six avec sursis.

Les trois autres sont respectivement condamnés à douze mois dont six avec sursis pour Tom, dix mois dont six avec sursis pour Dylan, et neuf mois dont six avec sursis pour Maria. Tous les quatre sont frappés d’une interdiction de manifester pendant trois ans.

Que reproche t-on aux prévenus ?

Comme le rapporte le Canard Enchainé dans son édition du 2 janvier, « alors qu’un homme ceinture un manifestant au sol, des gilets jaunes s’attroupent. Un individu s’interpose. Ils interviennent, échangent quelques coups avec les deux sans gilet. Pas de chance, c’étaient deux policiers en civil ! Celui qui est à terre est le directeur départemental et l’autre est son chauffeur. Leurs brassards "police" étaient-ils visibles ? Sur la vidéo projetée à l’audience, ça ne saute guère aux yeux. »

Dans une lettre rendue publique au lendemain du jugement, Stéphane Trouille écrit : « Durant toute cette scène, qui dure environ 22 secondes, je n’ai à aucun moment entendu les policiers s’identifier et je n’ai à aucun moment vu leur brassard, pour le moins discret et difficilement décelable.

Alors OUI, j’ai bien exercé une violence sur un individu, pour protéger des Gilets jaunes, pour faire fuir des personnes que j’avais identifiées comme des agresseurs. Non, je n’ai pas, nous n’avons pas "cassé du flic", "bouffé du flic", "foutu en l’air du flic", comme les mass-médias le martèlent depuis le rendu du jugement, reprenant largement les termes dramatiques du procureur. »
Stéphane Trouille, l’un des condamnés, fait appel de sa décision

Quant à Maria, militante communiste de la Drôme, il lui est reproché de s’être emparée du bonnet du commissaire.

Selon l’Humanité, elle l’a fait, s’est-elle défendue, dans le but de « détourner son attention pour qu’il ne sorte pas son arme ». « Je n’ai jamais donné de coup à qui que ce soit. » Selon son avocat, le « contexte national » a « joué » dans ces lourdes condamnations.

Comme le note le Canard enchainé, le procureur a d’ailleurs commis des rapprochements avec des scènes de violences vues à Paris.

Pour rappel, la ministre de la Justice a fait parvenir aux procureurs une circulaire,
//circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2018/11/cir_44133.pdf

en date du 22 novembre, « relative au traitement judiciaire des infractions commises en lien avec le mouvement de contestation "dit des Gilets jaunes" ».

Il est notamment proposé d’alourdir les peines prononcées en y ajoutant l’« interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique […] pour une durée ne pouvant excéder 3 ans ». Des consignes de grande fermeté qui semblent avoir été suivies à la lettre par le Tribunal de Grande Instance de la Drôme.

Stéphane Trouille a pour sa part décidé de faire appel de la décision qui lui paraît « complètement démesurée par rapport aux faits réels, ne prenant aucunement en compte la plaidoirie de la défense malgré quatre heures d’audience. Il est difficile de ne pas la considérer comme une sanction pour l’exemple, pour étouffer l’ardeur et les contestations actuelles contre l’État et les politiques menées par le gouvernement », déplore t-il [3]. Dans l’attente de ce procès, un festival en soutien aux quatre inculpés de Valence est prévu du 11 au 13 janvier à Saillans (plus d’informations ici). https://www.facebook.com/events/618586185246297/

Quant à Eric Drouet, il sera jugé le 15 février pour « organisation d’une manifestation sans déclaration ». Il risque une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende.

A lire également : 3300 arrestations, 1052 blessés, un coma, un décès : l’engrenage d’une répression toujours plus brutale
https://www.bastamag.net/gilets-jaunes-repression-arrestations-blesses-grenades-LBD-garde-a-vue
Photo : Lors de « l’Acte V » des gilets jaunes, à Paris, le samedi 15 décembre 2018 / © Serge d’Ignazio
Notes
[1] A Paris, 449 personnes ont vu leur procédure classée sans suite (sur 1567), contre 374 sur 3003 en régions.
[2] Voir cet article de France Info
https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-216-personnes-incarcerees-entre-le-17-novembre-et-le-17-decembre-2018_3127885.html
[3] Le communiqué de Stéphane Trouille est à lire en intégralité sur le site de CQFD
http://cqfd-journal.org/Communique-de-Stephane-Trouille?fbclid=IwAR2llZFr1Ql7dFF29zw7LO56tNPovwgObbipzUIogx7tBUtKVWbwMA8ItqQ


Source l’Humanité

Gilets jaunes. Maria, condamnée à trois mois de prison pour l’exemple

Vendredi, 28 Décembre, 2018
Audrey Loussouarn

Interdite de manifestation pour trois ans, la militante PCF semble faire les frais d’un « contexte national » et politique.

« Il s’agit d’une peine qui tient compte des circonstances particulières de commission des faits après une audience longue et une instruction circonstanciée. »

Ces mots voilés de l’avocat de Maria B., Me Beaux, révèlent en substance le caractère exceptionnel de la condamnation de la militante PCF mercredi soir.

Accusée d’avoir participé à l’agression du directeur départemental de la sécurité publique lors d’un rassemblement de gilets jaunes à Valence (Drôme), le 8 décembre (voir notre édition du 26 décembre), elle a été condamnée à neuf mois d’emprisonnement, dont six assortis du sursis simple, avec interdiction de manifester pendant trois ans.

« Comment ne pas interpréter (cette) décision comme la volonté de porter atteinte au droit de manifester ? » interroge la fédération du PCF de la Drôme. Car, « à l’évidence, la logique qui avait prévalu pour mettre en détention préventive (les) quatre manifestants (qui comparaissaient ce jour-là — NDLR), à savoir faire un exemple, a continué à être la ligne suivie par le procureur de la République ».
« Nous sanctionnerons et nous livrerons à la justice »

Ces « réquisitions répressives », selon l’avocat de Maria, s’élevaient à douze mois de prison, dont six avec sursis.

Les quatre prévenus – qui écopent de peines allant jusqu’à un an de prison ferme – n’avaient pas de casier judiciaire. Seulement, pour le procureur, ils voulaient « bouffer du flic » – « flic » qui, le 8 décembre, portait une tenue de civil, un brassard et son arme de service.

Si Me Beaux pointait avant l’audience un « contexte national » qui a « joué » dans cette instruction, le procureur ne s’en est pas caché mercredi, faisant un lien avec les « actes dégueulasses » commis à Paris sur trois policiers à moto.

« Nous serons intraitables », prévenait le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, à la veille de la mobilisation du 1er décembre, précisant que, « dès qu’il y aura des dégâts, des provocations, nous sanctionnerons, nous interpellerons et nous livrerons à la justice ».

Les nombreuses comparutions immédiates – que les quatre prévenus de la Drôme ont refusées pour préparer leur défense – et les condamnations de gilets jaunes, dont le seul tort, pour certains, avait été de prévoir un équipement spécifique pour manifester, ont suivi. Ici, l’acte reproché à Maria est de s’être emparé du bonnet du commissaire dans le but de « détourner son attention pour qu’il ne sorte pas son arme », s’est-elle défendue : « Je n’ai jamais donné de coup à qui que ce soit. » Détenue pendant douze jours, elle pourrait échapper à un nouvel emprisonnement si le juge d’application des peines en décide ainsi.
Audrey Loussouarn


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