15 mars France : Le récit de la grève des jeunes pour le climat

vendredi 15 mars 2019
par  onvaulxmieuxqueca
popularité : 40%

Source : Reporterre

Le récit de la grève des jeunes pour le climat

15 mars 2019 / Alexandre-Reza Kokabi et NnoMan (Reporterre)

Ce vendredi 15 mars, des manifestations et grèves pour le climat ont lieu partout dans le monde. À Paris, les étudiantes et étudiants sont partis par milliers de la place du Panthéon. Le matin, une action d’occupation a eu lieu à la Société générale. À Forcalquier, ce sont les enfants qui ont occupé la mairie pour le climat.

• Paris, reportage

À 13 heures, le vendredi 15 mars, les rues et les stations de métro avoisinant la place du Panthéon déversent un flot ininterrompu de milliers de collégiens, de lycéens et d’étudiants. « Les gamins, prennent les choses en main », chante à tue-tête la foule - en grande majorité composée de femmes - devant la bibliothèque Sainte-Geneviève. Les pancartes bariolées dévoilent des messages fleuris : « Arrête de niquer ta mer », « la Terre est plus chaude que Francky Vincent », « Error 404 : future not found » ou « Désolé maman, je sèche comme la planète ».

« Du haut de nos 14, nos 15 ou 16 ans, nous voulons crier fort que le climat, on ne s’en fout pas, dit Ella, 15 ans et en classe de seconde à Rambouillet. Les adultes sont égoïstes, ils font semblant de penser à la planète qu’ils nous laissent. Ce n’est plus possible. »

A quelques mètres, un collégien a accroché une peluche autour de son cou. Il tente de se mouvoir dans les rangs de plus en plus compacts autour du monument. Des clameurs montent par vagues sonores et vibrantes. Des voix sont déjà éraillées d’avoir trop chanté, alors que le cortège n’est pas encore formé.

« C’est de notre futur qu’il s’agit, on ne peut pas laisser notre planète se détériorer, disent Tilly et Elisa, 16 et 17 ans, d’un lycée à Saint-Germain-en-Laye. On craint vraiment pour nos vies tant les rapports scientifiques sont inquiétants. On aimerait apprendre plus de choses sur le changement climatique, pour mettre à profit notre éducation et participer a rendre la société plus adaptée à l’urgence. »

Le cortège s’élance à 13 h 30 en direction de Montparnasse. Destination finale : les Invalides.

Une heure plus tard, le boulevard du Montparnasse est empli de jeunes manifestants en sac à dos. Les plus jeunes trônent sur les épaules de leurs parents.

Des enceintes diffusent des mélodies allant de la techno aux Démons de minuit, en passant par du rap. Les corps se trémoussent et les sourires se dessinent sur les visages. Les mains claquent énergiquement quand vient le temps d’un clapping.

Boulevard du Montparnasse, vers 14 h 30.

Le cortège est bloqué boulevard des Invalides. Des black blocks font face à une rangée de CRS. Sans heurt, la marche redémarre une poignée de minutes plus tard.
A partir de 15h20, le cortège atteint l’hôtel des Invalides. Lou, Juliette et Maya, élèves de 5e dans un collège de Sèvres, portent fièrement leurs déguisements d’ours polaires. « On ne veut pas que nos enfants en parlent au passé comme on peut parler aujourd’hui des dinosaures », disent-elles.

Petit à petit, une partie des manifestants se disperse, quand d’autres se rassemblent en cercles festifs sur les espaces verts de l’esplanade des Invalides.

Roman et ses camarades du lycée Condorcet débriefent : «  Nous avons montré au gouvernement qu’on était puissants, capables de nous mobiliser et pas ignorants face aux questions climatiques », estime Roman, farouchement opposé « à notre modèle actuel de surconsommation, qui détruit notre planète ». « Le sérieux a changé de camp, pense l’un de ses amis. En portant ces messages, on se responsabilise plus que les adultes qui ont soif de pouvoir et d’argent. »

« Le sérieux a changé de camp. En portant ces messages, on se responsabilise plus que les adultes qui ont soif de pouvoir et d’argent. »

Au pied du pont Alexandre III, fermé par la police, un bus touristique est immobilisé par la foule. L’esplanade se vide lentement. Une trentaine de jeunes se pressent dans des pogos. Les manifestants - leur nombre est estimé à plus de 30.000 - reviendront-ils samedi pour la Marche du siècle ? Deux groupes de lycéens interrogés, en fin d’après-midi, n’en seront pas : les uns doivent passer le concours d’entrée à Sciences Po, les autres partent en week-end avec leur parents.


DES ÉTUDIANTS POUR LE CLIMAT ENVAHISSENT LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

Peu avant 9 heures ce matin-là, environ 140 étudiants, épaulés par des activistes de l’association ANV-COP21, ont fait irruption au siège de la Société générale, à La Défense. L’entrée s’est faite de façon fulgurante, au moment où les salariés entraient dans la banque pour y travailler.

Les étudiants se sont placés bras dessus bras dessous dans le grand hall, devant les tourniquets, et ont chanté « On est plus chauds que le climat » et « Et un, et deux, et trois degrés, c’est un crime contre l’humanité ».

Au début du blocage, une salariée de la Société générale s’emporte, tremblante de colère : « Allez autre part, laissez nous passer ! Laissez-nous libres, on est dans un pays démocratique ! » Les étudiants répliquent : « Non, vous n’êtes pas libres de détruire l’avenir ! » La salariée finit par forcer le passage, bousculant les étudiants à l’aide d’un de ses collègues, déjà de l’autre côté. Les autres salariés finissent par se rabattre vers des entrées annexes, qui leur permettent d’accéder à leur lieu de travail.

Pourquoi occuper la Société générale ?

Claire Renauld, étudiante, membre de YouthForClimate France, explique : « La Société générale est l’une des banques qui financent le plus massivement les énergies sales, et qui aident à exporter du gaz de schiste américain. Cette action est un coup de pression de notre part, étudiants : on les bloque comme ils bloquent notre avenir. »

Derrière elle, ses camarades chantent aux salariés de la Société générale : « Ne nous regardez pas, démissionnez ».
Des « Olas » sont lancées devant les tourniquets. Des étudiants, parvenus à accéder aux balcons, déploient une banderole « Les banques salissent notre avenir, bloquons-les ».

À 9 h 30, quatre policiers entrent. Ils restent dans une posture d’observation, constatant que l’opération se déroule sans violence.

Les étudiants promettent de rester jusqu’à la fin de la matinée. Ils s’époumonent et leurs cris résonnent dans le grand hall. Ils partiront d’eux-même pour rejoindre à temps la place du Panthéon et la marche.

Une étudiante se félicite du déroulé de l’action et remercie les salariés de la Société générale qui ont accepté de discuter et vont faire remonter leurs revendications à leur direction.


À FORCALQUIER : « SI ON DÉSOBÉIT ENSEMBLE, ILS VONT DEVOIR NOUS PRENDRE AU SÉRIEUX »

À Forcalquier, vendredi 15 mars 2019.

• Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence), reportage

Ce vendredi 15 mars au matin, un brouhaha inhabituel de voix, d’agitation et de rires enfantins a résonné dans les escaliers en colimaçon menant à la salle du conseil de la mairie de Forcalquier.

Passé le pas de la porte et comme un pied de nez au gouvernement en place, c’est dans la ville (5.000 habitants) du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, si paisible de coutume, qu’une quarantaine de collégiens assis sur le sol manient ciseaux, rouleaux de ruban adhésif et feutres Poscas.

L’ambiance est à la bonne humeur mais les slogans multicolores des pancartes tels que « Nous sommes tous des animaux en voie de disparition », « Marseille sous l’eau, c’est bientôt » ou « Donnez-nous un vrai Minis’Terre » font transparaître l’amertume de ces jeunes en grève.

« Si on ne fait rien, notre vie n’a plus beaucoup de sens. On va faire quoi si on reste dans notre collège à ne rien faire, que l’on grandit pour vendre des trucs ? On ne va rien changer.

Alors qu’en se mobilisant ensemble, on peut changer les choses », dit Garance, élève de troisième.

À côté d’elle, sa camarade Amandine enchérit : « Oui, on se mobilise car ce monde sera le nôtre demain. C’est la faute des humains si on en est là, on en est à s’autodétruire. Si on désobéit ensemble, ils vont devoir nous prendre au sérieux. »

Les pancartes terminées, les collégiens descendent sur la place du Bourguet, devant la mairie, rejoindre les enfants de l’école maternelle Fontauris, déguisés pour l’occasion. Comme un symbole, les enfants entonnent un chant, devant le regard ému et parfois médusé de certains passants, et des clients amassés devant l’étal d’un camion vendant du poisson.

« Arrêtons là le gâchis, contentons-nous de l’essentiel, on sait bien que ça suffit », tonnent en cœur des enfants de 3 à 6 ans alors qu’une voiture de patrouille de gendarmerie passe, comme désarmée.

Cette mobilisation apparemment inoffensive s’est pourtant confrontée au rapport de force si apparent de notre société ces derniers mois. Comme l’explique Marinette, élève de 4e, « la principale du collège [Henri-Laugier, à Forcalquier] a adressé un mot à tous les collégiens et à leurs parents pour interdire la mobilisation, donc beaucoup ne sont pas venus. Mais si on a des heures de colle à cause de notre grève, on a déjà pensé ensemble à ce que l’on écrirait sur nos carnets. Sûrement quelque chose comme : “Absence pour indigestion à cause d’ingestion de glyphosate.” »

Après un pique-nique commun, ce sont les quatre écoles de Forcalquier, privées comme publiques, qui continueront d’organiser des ateliers tout l’après-midi pour l’occasion.

• À Dijon :

À Dijon.
• À Lyon :

À Lyon.
• À Lille :

À Lille.

Puisque vous êtes ici…
… nous avons une petite faveur à vous demander. Dans une période où les questions environnementales sont sous-représentées dans les médias malgré leur importance, Reporterre contribue à faire émerger ces sujets auprès du grand public. Le journal, sans propriétaire ni actionnaire, est géré par une association à but non lucratif. Nous sommes ainsi totalement indépendants. Personne ne dicte notre opinion. Cela nous permet de couvrir des évènements et thèmes délaissés par les autres médias, de donner une voix à ceux qui ne sont pas audibles, et de questionner les puissants en les mettant face à leurs responsabilités.
Il n’y a jamais eu autant de monde à lire Reporterre, mais nos revenus ne sont pourtant pas assurés. Contrairement à une majorité de médias, nous n’affichons aucune publicité, et nous laissons tous nos articles en libre accès. Vous comprenez sans doute pourquoi nous avons besoin de demander votre aide. Reporterre emploie une équipe de journalistes professionnels, qui produit quotidiennement des informations, enquêtes et reportages. Nous le faisons car nous pensons que notre vision, celle de la préservation de l’environnement comme sujet majeur de société, compte — cette vision est peut-être aussi la vôtre.
Si toutes les personnes qui lisent et apprécient nos articles contribuent financièrement, la vie du journal sera pérennisée. Même pour 1 €, vous pouvez soutenir Reporterre — et cela ne prend qu’une minute. Merci.
https://reporterre.net/spip.php?page=don


Commentaires