ALGERIE/Khaled Drareni condamné à trois ans de prison ferme : L’opinion publique scandalisée

mardi 11 août 2020
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : El Watan

Khaled Drareni condamné à trois ans de prison ferme : L’opinion publique scandalisée


Les avocats du collectif de défense, rassemblés devant le tribunal Abane Ramdane, étaient consternés par un verdict jugé « inique et injuste ».

La sentence est tombée tel un couperet. Le journaliste Khaled Drareni a été condamné, hier, par le tribunal de Sidi M’hamed d’Alger à trois ans de prison ferme, et ses coaccusés, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, ont écopé de 2 ans d’emprisonnement, dont 4 mois ferme pour « atteinte à l’unité nationale » et « incitation à un rassemblement non armé ».

A l’annonce du verdict par la juge Wassila Ziyouche, Khaled Drareni a relevé la tête et fait le signe « V » de la victoire.

Les avocats du collectif de défense, rassemblés devant le tribunal Abane Ramdane, étaient consternés par un verdict jugé « inique et injuste ». « Khaled était poursuivi pour deux chefs d’inculpation, à savoir ‘‘incitation à attroupement’’ et ‘‘atteinte à l’unité nationale’’.

Dans un même dossier, il y avait eu 30 personnes poursuivies pour les mêmes faits.

Il y aura 3 dossiers par la suite : 27 personnes comparaissaient libres et 3 autres ont été envoyées devant le juge d’instruction. Lors de l’instruction, le juge insistait sur la profession de Khaled et sur sa couverture de la manifestation.

Aujourd’hui, on était surpris.

Pour les mêmes faits, les trois accusés sont condamnés différemment : Khaled écope de trois ans de prison ferme alors que les deux autres coaccusés sont condamnés à 4 mois ferme seulement (…) ; la condamnation a tout l’air d’un règlement de comptes, puisque dans d’autres affaires similaires pour les mêmes chefs d’inculpation, les peines ne dépassaient pas 18 mois », s’offusque Me Aïcha Zamit.

Des journalistes, des hommes politiques et des membres de la société civile ont qualifié le verdict d’« intolérable » et parlent d’un « lundi noir pour la presse » algérienne. Une pétition lancée en ligne par un collectif de journalistes dénonce le « traitement spécial » que subit le journaliste.

Pour les signataires, la peine de prison prononcée à son encontre est « la plus lourde » depuis l’indépendance contre un journaliste dans l’exercice de son métier.

« La place de Khaled Drareni n’est pas en prison », tranchent les signataires qui exigent « sa libération immédiate et sa réhabilitation ».

Le secrétaire général de l’ONG Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire, a dénoncé dans un tweet une « décision (qui) soulève le cœur et l’esprit par son caractère arbitraire, absurde et violent ».

Le président du RCD, Mohcine Belabbas, a considéré que la « répression politique par l’instrumentalisation de la justice et des magistrats a atteint le summum de l’intolérable et de l’entendement » avec la condamnation du journaliste pour des « accusations farfelues ».

« Au-delà des personnes injustement emprisonnées et privées de leur liberté, ce sont les valeurs et les causes qu’ils défendent que ce pouvoir cible en priorité. Rien que pour tout cela, la révolution entamée en février 2019 doit être menée jusqu’au bout. Il y va de l’avenir de l’Algérie », estime-t-il.

Le secrétariat permanent du bureau politique du Parti des travailleurs (PT) affirme partager « l’indignation, l’émoi et la consternation qui ont frappé la corporation des journalistes et au-delà les Algériennes et les Algériens attachés a la démocratie, suite à l’incompréhensible condamnation arbitraire » de Drareni.

« Pour le PT, il ne peut y avoir de démocratie sans pluralisme politique et sans liberté de presse.
La condamnation de Khaled Drareni équivaut à la condamnation de toute la presse et de toute opinion libre », souligne le parti qui joint sa parole à « l’exigence démocratique » de libération de Drareni et de tous les détenus politiques et d’opinion. Tout en exprimant son soutien « total et indéfectible » au journaliste « libre et indépendant Khaled Drareni », Ahmed Djeddaï du FFS souligne que la « condamnation surréaliste » est une « honte pour cette justice sans foi ni loi ».

Dans une déclaration rendue publique, le Rassemblement actions jeunesse (RAJ) condamne la volonté du régime de poursuivre sa politique de « musellement de toutes les voix libres et l’interpelle sur les répercussions dangereuses de cette approche sécuritaire qui peut y avoir dans la société ».

Par la voix de son vice-président, Saïd Salhi, la LADDH réitère sa demande « urgente » de la libération du journaliste Khaled Drareni et de l’ensemble des détenus d’opinion du hirak et le respect des droits humains et des engagements de l’Algérie auprès des mécanismes internationaux et régionaux de protection des droits humains et des défenseurs des droits humains. « Ils veulent nous casser, mais nous resterons forts, on se battra jusqu’au bout », tranche M. Salhi.


« Une porte refuse de s’ouvrir »

Dans une déclaration rendue publique, le Collectif Enseignants et ATS de l’université de Béjaïa affirme que le verdict « n’est qu’une énième preuve des agissements de ce pouvoir aux abois visant à casser la Révolution du sourire ».

« Considéré comme un exemple en matière de professionnalisme et d’honnêteté intellectuelle, la condamnation de Khaled Drareni relève d’une injustice flagrante et d’une tentative de mettre au pas tous ceux qui portent l’Algérie dans le cœur et refusent d’obtempérer aux instructions propagandistes d’un système en fin de vie », soulignent les rédacteurs.

Si Smaïl Lalmas, économiste, parle d’une « triste journée » pour la liberté de la presse et encore plus pour notre justice, le sociologue Nacer Djabi estime que le verdict est « un mauvais signal » adressé à tous les Algériens.

Arrêté le samedi 7 mars à Alger-centre alors qu’il couvrait une marche du mouvement populaire, le directeur du site Casbah Tribune et correspondant de la chaîne TV5 Monde a d’abord été placé sous contrôle judiciaire après sa garde à vue au commissariat de Cavaignac avec ses deux autres coaccusés.

Placé sous contrôle judiciaire, il sera présenté le 29 mars devant le tribunal de Sidi M’hamed afin d’exécuter la décision de la chambre d’accusation près la cour d’Alger (24 mars) qui a annulé son contrôle judiciaire. Le parquet a requis quatre ans de prison ferme et une amende de 100 000 DA ainsi que 4 ans de privation des droits civiques contre le détenu Khaled Drareni et ses coaccusés Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche.

Dans un post sur son mur Facebook, l’avocat Abdelghani Badi raconte un fait : . « J’ai visité cet-après midi Khaled Drareni à sa prison. Je l’ai trouvé souriant, résistant et stoïque. Il était étonné que la porte de la cellule qu’il occupe depuis plus de quatre mois ne voulait pas s’ouvrir qu’après un effort colossal de plus d’une heure.
Lorsque Khaled est revenu dans sa cellule après avoir écouté le verdict, les gardiens ont ouvert difficilement la porte. Cette dernière s’ouvrait et se refermait sans effort durant quatre mois. »

Les avocats de la défense comptent faire appel de la décision de la juge du tribunal correctionnel…


Source : El Watan

Condamnation de Khaled Drareni : Réprobation générale

Mustapha Benfodil
12 août 2020

Lundi noir pour la presse ! La condamnation, ce 10 août, de notre confrère Khaled Drareni à une peine de trois ans de prison ferme a été considérée quasi-unanimenent, en effet, comme l’une des journées les plus sombres de l’histoire de la presse algérienne. Nombreuses ont été les réactions de réprobation tant en Algérie qu’à l’étranger.

Jour de deuil que ce lundi 10 août. En condamnant Khaled Drareni à trois ans de prison, le pouvoir vient de renoncer, de la manière la plus brutale, à toute prétention de justice et de liberté », résume le chroniqueur Mustapha Hammouche dans l’édition de Liberté d’hier.

Pour l’ancien chroniqueur Sid Ahmed Semiane, nous sommes face à une « justice hors-la-loi », une « justice de la vengeance, de la peur et de la terreur » qui représente « une menace pour le pays », a réagi SAS sur sa page Facebook.
Il faut dire que l’émotion, la sidération et la colère sont loin d’être retombées après le choc de cette lourde peine à laquelle personne ne s’attendait. Le traitement réservé à Khaled continue ainsi de susciter de vives réactions d’indignation et de solidarité au niveau national et international.

Des médias du monde entier se sont fait l’écho du verdict prononcé contre notre confrère.

« Un journaliste algérien condamné à 3 ans pour avoir couvert des manifestations », titre Le New York Times. « En Algérie, la colère après la condamnation du journaliste Khaled Drareni », écrit de son côté le journal Le Monde.

Nous devons l’avouer : le verdict nous a sonnés. Désarçonnés. Laissés sans voix. Le sort infligé à Khaled Drareni a forcément de quoi susciter l’incompréhension et la colère quand on connaît les qualités de ce garçon.

Khaled est le parangon du professionnalisme et de la probité. Pour l’avoir suivi depuis ses débuts à travers tous les médias où il a travaillé, et pour l’avoir côtoyé tout au long de la couverture du hirak, nous pouvons témoigner de ses hautes exigences morales et intellectuelles dans l’exercice de notre métier.

Ce n’est pas une formule convenue : Khaled Drareni est vraiment un reporter hors pair. Et il est, à n’en pas douter, l’un des journalistes les plus talentueux, les plus brillants, les plus professionnels et les plus intègres que compte la presse algérienne.
Un journaliste qui a l’Algérie chevillée au corps et au cœur, un journaliste patriote qui porte dans ses tripes la flamme incandescente de Novembre, lui, le fils d’un ancien combattant de l’ALN ; lui le neveu du chahid Mohamed Drareni, son valeureux oncle tombé en martyr en 1957 à Sour El Ghozlane, comme il le raconte lui-même et qu’il a toujours cité en exemple, voyant dans son combat pour la libération de l’Algérie une intarissable source d’inspiration et un modèle de résistance. D’ailleurs, Mohamed est son autre prénom.

Le jugement rendu ce lundi est d’autant plus insupportable que rien ne le justifiait, le dossier de Khaled Drareni, comme n’ont eu de cesse de le répéter ses avocats, étant vide et les charges retenues contre lui n’ayant aucun fondement.

« Ça n’a rien de juridique, ça n’obéit à aucune logique ! Tout le monde nous dit comment ça se fait, mais on ne sait pas.

C’est de l’acharnement contre Khaled Drareni », assène l’avocate Aouicha Bekhti, à la sortie du tribunal, dans une déclaration à notre confrère Zoheïr Aberkane.

Et de marteler : « On veut lui coller une affaire d’atteinte à l’unité nationale. En quoi Khaled Drareni porte-t-il atteinte à l’unité nationale ? C’est terrible ! »

« C’est de l’acharnement contre un jeune journaliste qui est vraiment un exemple de la presse qu’on voudrait. (…) Mais enfin, ce n’est pas possible ! C’est un jeune brillant ! Au lieu de l’honorer, on le jette en prison et on lui met trois ans ferme ! » fulmine Me Bekhti.

« Khaled garde le moral »

L’infatigable avocate lui a rendu visite hier en compagnie de Hakim Addad à la prison de Koléa. Une visite qui est venue confirmer si besoin est l’état d’esprit irréprochable et le mental d’acier de Khaled, comme en témoigne notre ami Hakim Addad dans un post sur sa page Facebook : « Sous un ciel bien gris et bien triste, j’ai accompagné en cette matinée la vaillante avocate engagée Aouicha Bekhti, mon amie, lors de sa visite à Khaled Drareni à la prison de Koléa. Khaled se porte bien, garde un bon moral et est toujours accompagné de son sourire et de son humour.

Aouicha l’a informé de l’élan de solidarité national et international qui s’est déclenché depuis hier (lundi, ndlr) ainsi que de l’appel de l’infâme verdict, qui a été déposé ce matin.

Ils ont donc 45 jours maximum pour qu’ait lieu le jugement en appel. Khaled salue tout le monde, il garde espoir et reste un battant. Prenons son exemple et faisons de même » écrit l’ancien président du RAJ.

Parmi les nombreuses actions de solidarité qu’il convient de relever, cette pétition lancée pour exiger la libération de notre confrère, et qui a récolté des milliers de signatures. Parmi ses premiers signataires, deux hautes figures de la Révolution : Louisette Ighilahriz et Lakhdar Bouregaâ.

On peut consulter cette pétition avec toutes les signatures sur le site de Casbah Tribune, le journal électronique fondé par Khaled Drareni. (Voir : http://casbah-tribune.com/pour-la-liberation-de-khaled-drareni/?fbclid=IwAR13JSootexkDOri0gQkK2MWbvTSjbQFLVQfPhoURBC4Kvf_YLXcJuN-N1o)
« Khaled Drareni a été condamné à trois ans de prison ferme par le tribunal de Sidi M’hamed. Son crime : exercer son métier de journaliste dans le respect des règles de la déontologie, notamment dans sa couverture continue du hirak depuis le 22 février 2019. Ses coïnculpés dans le même dossier, avec les mêmes chefs d’accusation infondés, ont été condamnés à des peines inférieures à la période de détention provisoire.

Le traitement spécial que subit le journaliste Khaled Drareni est insupportable », peut-on lire dans le texte de la pétition qui ajoute : « L’acharnement diffamatoire contre lui a été alimenté par une interférence présidentielle à charge dans cette affaire.
Elle a débouché sur la peine de prison la plus lourde jamais prononcée depuis l’indépendance contre un journaliste pour son travail. La place de Khaled Drareni n’est pas en prison. Nous, signataires de cette pétition initiée par un groupe de journalistes, exigeons sa libération immédiate et sa réhabilitation. »

« Une décision d’un autre âge »

Parmi les autres réactions enregistrées également, celle du Collectif de la société civile pour une transition démocratique qui relève d’emblée que « rien dans l’acte d’accusation ni dans le dossier à charge ne justifie au regard du droit algérien un jugement aussi inique ».

« Nous, organisations et citoyen.ne.s membres du Collectif de la société civile pour la transition démocratique, exprimons avec force notre consternation et notre révolte face à cette décision qui bafoue les règles et les principes les plus élémentaires d’un Etat de droit.

Nous réaffirmons notre pleine solidarité avec Khaled Drareni et exigeons sa réhabilitation et sa libération immédiate », déclare ce collectif dans un communiqué, avant de souligner : « L’injustice qui frappe Khaled Drareni est là pour nous rappeler, si besoin était, que le hirak, le mouvement citoyen, est plus que jamais nécessaire pour qu’émergent enfin en Algérie un Etat de droit et une démocratie. »

Notons enfin cette déclaration de Abdelaziz Rahabi postée sur sa page Facebook à travers laquelle il pointe les abus à répétition du pouvoir judiciaire à l’endroit de nombreux militants.

« La privation de liberté d’activistes politique du hirak ou exerçant dans un autre cadre par le biais de la justice, est une décision d’un autre âge qui est inacceptable à notre époque et ne sert pas la démarche qui milite pour une sortie pacifique et consensuelle de la crise multidimensionnelle que traverse l’Algérie », dénonce M. Rahabi.

Et d’insister sur le fait que « la finalité de la justice n’est pas la restriction des libertés individuelles et collectives, mais la protection des droits et libertés fondamentales contre toute violation ».

« Malheureusement, notre système judiciaire n’est toujours pas parvenu à s’affranchir des pratiques de l’ancien système dans sa quête d’une justice véritablement indépendante sans laquelle il ne peut y avoir de transition démocratique », regrette l’ancien ministre de la Communication, avant de conclure : « La justice algérienne se doit aujourd’hui de prendre conscience de la part de responsabilité historique qui lui incombe dans la réussite ou l’échec du passage à la gouvernance démocratique à laquelle on aspire. »


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