Rapport mondial : répression des droits syndicaux et des libertés économiques dans le monde entier.

jeudi 9 juin 2011
par  onvaulxmieuxqueca
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Rapport mondial : répression des droits syndicaux et des libertés économiques dans le monde entier.

8 juin 2011 : Rapport dans 143 pays – les Amériques demeurent la région la plus meurtrière - Germes du printemps arabe dans la répression contre les travailleurs/euses et le non-respect des droits économiques

La Colombie et les Amériques conservent la position dominante dans le sombre bilan en matière d’assassinats et de répression des travailleurs/euses participant aux activités syndicales, selon le dernier rapport annuel des violations des droits syndicaux, publié par la CSI lors de la 100e Conférence de l’OIT.

Le rapport annuel, réalisé dans 143 pays, brosse un tableau des peuples menant une lutte pour davantage de droits économiques et la liberté syndicale, à laquelle ont riposté de nombreux gouvernements et entreprises moyennant la répression, des licenciements, la violence, des menaces de mort et des assassinats.
Le rapport annuel, qui couvre l’année 2010, révèle :

90 assassinats de syndicalistes (49 rien qu’en Colombie) ;

75 menaces de mort recensées et au moins 2.500 arrestations ;

au moins 5.000 licenciements de syndicalistes en raison de leurs activités syndicales.

« Aux quatre coins du monde, les travailleurs/euses, les communautés et les populations s’efforcent de réclamer les droits fondamentaux à un travail décent et à une vie décente, et dans nombre de pays ils sont victimes de licenciements, de violence et, dans des cas extrêmes, d’assassinats par les gouvernements, les employeurs et les entreprises » a affirmé aujourd’hui la secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale, Sharan Burrow.

Les tendances mondiales mises en exergue dans le rapport incluent le non-respect des législations du travail par les gouvernements, le manque d’aide au financement de l’inspection ou de la protection, l’absence de droits et les abus à l’encontre des travailleurs/euses migrants dans le monde entier, et particulièrement dans les États du Golfe, et l’exploitation de la main-d’œuvre principalement féminine dans les zones franches d’exportation dans le monde.

Au Moyen-Orient, le rapport annuel de 2010 dépeint un tableau des gouvernements tentant de réprimer leur peuple engagé à s’efforcer d’améliorer leur vie sur le plan économique et à lutter pour celle-ci à travers une représentation syndicale, des salaires plus élevés et la négociation collective.

En Égypte, le rapport révèle des licenciements et des représailles de la part des employeurs, la violence policière et de nombreuses arrestations dans la mesure où de plus en plus de travailleurs/euses se sont affiliés à des syndicats indépendants et ont entamé des actions de grève.

En Tunisie, le rapport met en exergue le mouvement grandissant de protestations sociales liées à la lutte pour les droits économiques, auquel riposte le gouvernement en s’ingérant dans les affaires du mouvement syndical.

À Bahreïn, le rapport souligne le problème récurrent du chômage et des inégalités, et cette année la CSI suit de près les disparitions, les arrestations et la violence dont ont fait l’objet les syndicalistes indépendants au cours des derniers mois.

« Les syndicats indépendants sont indispensables pour améliorer le niveau de vie des travailleurs/euses ordinaires aux quatre coins du monde. Le rapport annuel de la CSI révèle que, dans leur lutte pour les droits fondamentaux à un travail décent et à une vie décente, de nombreux syndicalistes risquent leur vie pour le bien de leur communauté. »

Sharan Burrow a également lancé un avertissement aux organes directeurs mondiaux et au G-20.

« Le taux de chômage dans le monde augmente. Sans emplois dignes ni espoir pour l’avenir, les gouvernements risquent d’accroître l’instabilité politique. Les droits syndicaux sont essentiels à la démocratie, à la croissance économique et à un avenir civilisé », a affirmé Sharan Burrow.

Lire les communiqués sur les différentes régions :

Afrique

Communiqué de presse : Difficile d’être syndicaliste en Afrique
1er juin 2011 : Selon le rapport annuel des violations des droits syndicaux dans le monde publié aujourd’hui par la Confédération syndicale internationale, les difficultés liées aux activités syndicales sont loin d’avoir reculé en Afrique, en 2010, tant les droits syndicaux y ont été bafoués. La mise en œuvre des législations du travail, là où elles existent, reste toujours problématique. Plus de 500 personnes ont été arrêtées cette année et plus de 1.000 ont perdu leur emploi en raison de leurs activités syndicales.

Le Swaziland est l’un des pays les plus répressifs en ce qui concerne les droits syndicaux. L’état d’urgence y est en vigueur depuis 1973 et les libertés constitutionnelles sont suspendues.

Les rassemblements syndicaux, notamment lors des célébrations du 1er mai, y sont régulièrement sévèrement réprimés et peuvent avoir des conséquences mortelles.

Un travailleur est mort en garde à vue après avoir été arrêté lors des festivités du Premier mai. Sipho Jele était membre du Swaziland Agriculture and Plantation Workers’ Union (SAPWU) et du People’s United Demoractic Movement (PUDEMO).

Le Zimbabwe est sans conteste le pays le plus dangereux pour les syndicalistes sur le continent africain.

Le régime de Robert Mugabé pratique systématiquement la répression et la violation des droits syndicaux. Arrestations, détentions, violence et torture sont le triste quotidien des syndicalistes. Le 6 juin, par exemple, les chefs de la police à Harare ont interdit au Congrès des syndicats du Zimbabwe (Zimbabwe Congress of Trade Unions - ZCTU) de commémorer à Hwange Colliery la catastrophe minière de 1973 qui avait tué 427 mineurs. À Djibouti, l’Organisation internationale du travail (OIT) a exprimé sa profonde préoccupation face à l’absence totale de bonne volonté de la part du gouvernement pour régler plusieurs cas de violations des droits syndicaux.

En Afrique du Sud, les syndicalistes ont dû faire face à une répression sévère et à la violence de la police tout au long de l’année. Certaines manifestations ont également été réprimées avec des balles réelles en Zambie, en Mauritanie ou en Algérie.

Se syndiquer en Afrique n’est pas aisé. Au Soudan, le Code du travail ne reconnaît pas les libertés syndicales et il n’existe qu’une seule centrale syndicale contrôlée par l’État. Les restrictions juridiques entravent le syndicalisme indépendant, notamment au Botswana et au Lesotho. Quand les syndicats peuvent s’organiser librement, c’est la prolifération qui peut poser problème. En République démocratique du Congo, les employeurs et le gouvernement ont encouragé la formation de centaines de syndicats, ce qui a entraîné un affaiblissement du mouvement syndical. La formation de syndicats « jaunes », favorables à l’employeur, au Burundi ou en Éthiopie, est également dénoncée dans le rapport.

Certaines organisations syndicales ont été exclues des structures tripartites (au Mali ou en Mauritanie par exemple). Par ailleurs, les protocoles et les décisions tripartites ne sont pas respectés (en Namibie, au Bénin, au Togo ou au Malawi). Les grèves sont alors l’ultime recours pour forcer des négociations quand elles ne sont pas elles-mêmes réprimées avec force et violence (arrestations, harcèlement et licenciements).

Le non-respect du dialogue social et de la négociation collective ainsi que la difficulté de se syndiquer dans les zones franches d’exportation sont autant d’obstacles à surmonter. Au Nigéria, au Ghana, au Kenya, au Mozambique ou au Togo, de nombreux employeurs refusent de reconnaître les syndicats et il n’est pas rare que les travailleurs syndiqués soient victimes d’abus et de harcèlement.

« En dépit de toutes ces difficultés, des millions de femmes et d’hommes en Afrique maintiennent leur engagement en faveur de l’action syndicale ou en découvrent les bienfaits »

a déclaré Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI. « Tout doit être mis en œuvre pour que les droits syndicaux fondamentaux des travailleurs africains soient respectés ».
Amériques

Communiqué de presse : Amériques : impunité et climat de terreur pour les syndicalistes

1er juin 2011 : Le constat établi par le rapport 2011 de la CSI des violations des droits syndicaux dans les Amériques est sans appel. La situation des syndicalistes est loin de s’améliorer et l’impunité est toujours d’actualité pour les responsables des violations des droits syndicaux. Le continent américain est toujours le plus dangereux pour les syndicalistes, notamment en Colombie où 49 d’entre eux ont perdu la vie en 2010.

Les pratiques antisyndicales se normalisent, notamment en raison de la faible protection des droits syndicaux par les gouvernements et les tribunaux.
Les attitudes visant à contourner les droits syndicaux se développent :
solidarisme (établissements d’associations dépendantes de la direction) au Salvador, en Équateur ou au Costa Rica ; contrats de protection (faux accords collectifs créés par le patronat) au Mexique ; ou encore le recours à la main-d’œuvre temporaire en Colombie ou au Honduras.

Les tactiques utilisées par les employeurs pour réprimer les activités syndicales, telles que la création de syndicats, la négociation collective ou le recours à la grève, sont multiples : licenciements arbitraires, discrimination et campagnes antisyndicales.

Au Venezuela, de nombreux travailleurs ont perdu leur emploi pour avoir participé à des activités syndicales. La négociation collective, en raison de l’absence de mesures législatives contraignantes, est quasiment inexistante dans de nombreux pays.

Depuis des années, le continent américain est réputé pour sa dangerosité en qui concerne l’exercice des droits syndicaux. Si les assassinats y sont légion, principalement en Colombie, au Guatemala (10), au Panama (6), au Brésil (3) et au Honduras (3), il y a eu également un nombre impressionnant d’enlèvements (plus d’une centaine), de menaces de mort, d’attaques et de violations de domicile. Plus d’un millier de travailleurs ont été agressés lors de manifestations et environ 300 licenciés.

En Colombie, 20 cas d’attentats ou de tentatives de meurtre ont été recensés, en particulier contre des adhérents des syndicats du secteur minier. Même si la crise économique et financière a eu, en Amérique latine, de profondes répercussions sur l’économie, le rapport dénonce l’attitude de nombreux gouvernements qui utilisent le prétexte de la crise pour saper les droits syndicaux et les droits des travailleurs.

Plus de 55% des assassinats en raison de l’exercice d’activités syndicales dans le monde ont lieu en Colombie, le pays le plus dangereux au monde pour les syndicalistes.

Malgré le vote de nouvelles lois visant à renforcer la protection contre la discrimination antisyndicale et l’ingérence dans les affaires syndicales, la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire. L’impunité dont jouissent les auteurs et les commanditaires de ces violations rend les persécutions systématiques et empêche l’éradication du climat antisyndical.

L’Amérique centrale n’est pas en reste : au Panama, plus de 700 personnes ont été blessées, une centaine arrêtées et 6 tuées lors de la répression brutale des manifestations contre la loi Chorizo.

Le Guatemala est en passe de rattraper la Colombie en termes de dangerosité.

Outre la culture antisyndicale développée par les employeurs et tolérée par les autorités, on peut parler pratiquement de chasse à l’homme pour les syndicalistes. Assassinats, menaces de mort et détentions sont devenus monnaie courante. Les organisations syndicales sont systématiquement victimes de campagnes de dénigrement et d’exclusion des espaces du dialogue social.

Au Honduras, les tensions n’ont jamais été aussi vives depuis le coup d’État de 2009. La violence et le climat antisyndical se sont installés. Les menaces et les attentats contre des membres du Front de résistance, dont des dirigeants d’organisations syndicales et de mouvements populaires, ont été fréquents et trois syndicalistes ont été assassinés.

Au Bélize, au Costa Rica, au Honduras ou au Salvador, il est rare que les droits syndicaux soient respectés ou même octroyés au sein des zones franches d’exportation et les gouvernements de ces pays ne font rien pour garantir leur application.

La sous-traitance et l’externalisation à des sociétés tierces demeurent une entrave majeure à la syndicalisation et à la négociation collective.

Au rayon des notes positives, malgré la position antisyndicale de la compagnie DHL dans la région, le Sindicato de Empleados de Líneas Aéras de Panamá (SIELAS) a réussi à négocier une convention collective au nom du personnel.

Le rapport 2011 de la CSI insiste sur le fait que la tendance en Amérique est clairement à l’opposition à la syndicalisation.

Aux États-Unis, il est légal pour les employeurs de faire des campagnes de dissuasion et d’intimidation qui empêchent les travailleurs d’exercer pleinement leurs droits syndicaux. Fin 2010, la loi sur le libre choix de l’employé (Free Choice Act) a été quasiment enterrée avec la victoire des républicains au sein de la Chambre des représentants. Au Canada, les syndicats ont introduit des plaintes à l’OIT suite au refus des gouvernements fédéral et provinciaux de modifier leur législation pour y inclure la notion de négociation collective. Tant aux États-Unis qu’au Canada, le recours aux briseurs de grève reste une pratique largement étendue.

« Le continent américain est le plus dangereux au monde pour les syndicalistes. Il est temps que ça change. La démocratie passe par le respect des droits syndicaux. Le syndicalisme est un contre-pouvoir légitime et nécessaire pour l’exercice de celle-ci » a déclaré Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI.

Asie

Communiqué de presse : La répression antisyndicale s’aggrave en Asie-Pacifique

8 juin 2011 : Le rapport des violations des droits syndicaux dans le monde, publié aujourd’hui par la Confédération syndicale internationale (CSI), révèle que, durant toute l’année 2010, employeurs et dirigeants de la région Asie-Pacifique ont de nouveau privilégié la violence et la répression face aux demandes de dialogue social des syndicats.

Près de 1.000 syndicalistes asiatiques ont été blessés et pratiquement autant de militants ont été arrêtés. Par rapport à 2009, la CSI enregistre également une augmentation du nombre de syndicalistes asiatiques assassinés (12 en 2010, contre 10 en 2009) ainsi que du nombre de menaces de mort contre les syndicalistes.
2010 a été particulièrement cruelle au Bangladesh.

Des protestations ont eu lieu tout au long de l’année dans le secteur de la confection, donnant souvent lieu à une répression violente. Six militants des droits des travailleurs ont été tués par la police et des casseurs à la solde du patronat, des dizaines d’autres ont été blessés lors d’interventions policières pour briser les grèves.

Comme les années précédentes, les Philippines sont l’un des pays où la violence s’est avérée la plus meurtrière : trois dirigeants syndicaux philippins ont été assassinés en 2010.

En Inde, c’est la police qui a tué deux travailleurs alors qu’ils protestaient contre la mort d’un collègue.

Au Pakistan, le 6 août, un dirigeant syndical du secteur du tissage et un autre militant syndical ont été assassinés dans les locaux du syndicat juste avant le début d’une grève.

Dans la majorité des pays asiatiques, des syndicalistes et des militants des droits des travailleurs ont été arrêtés, souvent pour avoir pris part à des protestations et à des grèves.

Plus de la moitié des quelque 900 arrestations déplorées en Asie en 2010 ont eu lieu en Inde. Au Vietnam, trois militants syndicaux ont été arrêtés pour avoir distribué des prospectus antigouvernementaux et avoir organisé des grèves. Ils ont été condamnés à des peines de prison allant de sept à neuf ans. De très nombreuses arrestations ont eu lieu au Bangladesh, en Corée du Sud et au Pakistan.

Le rapport annuel de la CSI dénonce le recours des employeurs ou des autorités à des casseurs pour agresser les dirigeants ou militants syndicaux. Outre le Bangladesh et la Chine, cela a notamment été le cas en Inde et aux Philippines.

En Inde, le 25 août, des malfrats ont attaqué 60 travailleurs de Viva Global (VG), un fabricant de vêtements, suite à une campagne pour améliorer les conditions de travail. 16 femmes ont été gravement battues. L’un des malfrats est un sous-traitant parfois utilisé par VG.

La répression antisyndicale se traduit souvent par le licenciement des travailleurs actifs dans la défense de leurs droits.

Au Cambodge, 817 travailleurs du secteur de la confection ont été renvoyés ou suspendus suite à une grève nationale en septembre.

En Thaïlande, des membres et dirigeants syndicaux ont été licenciés sous de faux prétextes de vol et de négligence. Les enseignes les plus prestigieuses tombent dans les mêmes travers répressifs.

Aux Maldives par exemple, l’hôtel de luxe Shangri-La Villingili Resort n’a pas hésité à licencier 14 syndicalistes le 14 avril car ils avaient protesté contre le licenciement arbitraire de quatre collègues.

Une autre tendance généralisée à travers la région Asie-Pacifique est le recours croissant aux contrats temporaires, comme au Cambodge, en Corée du Sud ou en Nouvelle-Zélande.

Dans de nombreux cas, le travailleur employé sous contrat temporaire n’ose pas faire valoir le respect de ses droits, par crainte de ne pas voir ce contrat renouvelé. S’élever pacifiquement contre cette tendance peut s’avérer dangereux.

Au Pakistan, le vice-président du syndicat des travailleurs de l’entreprise Mari Gas a été enlevé et torturé du 9 au 11 mars pour son rôle dans des manifestations appelant à la régularisation des travailleurs et à l’abolition du travail contractuel.

Le rapport annuel de la CSI dénonce de nombreux cas de harcèlement, de menaces et de discrimination contre les travailleurs et travailleuses membres de syndicats indépendants.

En Corée du Sud, des fonctionnaires syndiqués ont été à ce point harcelés par les autorités que leur syndicat n’a plus pu fonctionner.

En Thaïlande, pays où les employeurs affichent une conduite ouvertement antisyndicale, le gouvernement va jusqu’à dispenser des formations sur la surveillance des syndicats.
Le rapport montre aussi que la création de syndicats jaunes est l’une des techniques d’affaiblissement des syndicats indépendants les plus fréquemment utilisées en Asie. C’est le cas notamment au Cambodge, en Corée du Sud, en Indonésie et aux Philippines.

Certains pays asiatiques, comme la Corée du Nord et la Birmanie, continuent à interdire dans la pratique toute activité syndicale indépendante.

En Chine, au Laos et au Vietnam, la législation prévoit un système de monopole syndical.
Le rapport annuel de la CSI révèle toutefois qu’en dépit des peines de prison contre quiconque tente d’organiser un syndicat indépendant, de plus en plus de syndicats de base d’entreprise voient le jour en Chine.

Le nombre de grèves a également continué d’augmenter en 2010 en Chine, surtout dans les entreprises privées, malgré les répressions brutales de la police ou de « gros bras ».

Monde Arabe

Communiqué de presse : Monde arabe : situation sociale et syndicale très sombre en 2010, à la veille de l’étincelle tunisienne 1er juin 2011 : Sur fond de très sévères restrictions à la liberté d’association, les droits syndicaux sont restés largement violés dans le monde arabe en 2010. Ajoutés aux politiques autoritaires privant les populations de leurs libertés fondamentales et à la précarisation constante du marché de l’emploi, les trop nombreux cas de violations exposés dans ce rapport permettent de saisir le caractère explosif de la situation prévalant en 2010. Les travailleurs migrants en particulier ont continué à souffrir de discrimination et de conditions de travail souvent inhumaines. Malgré les promesses répétées d’amélioration dans une série de pays, les avancées concrètes en 2010 y ont été excessivement maigres.

« Le monde arabe en 2010 est resté une zone particulièrement sombre en matière de droits syndicaux. Du bassin minier de Gafsa en Tunisie aux zones industrielles d’Égypte, la contestation sociale grandissante relevée par ce rapport éclaire tant la désespérance sociale que la courageuse mobilisation des acteurs syndicaux de terrain qui joueront un rôle clé dans la révolution tunisienne, comme en Égypte ensuite.

Ce rapport éclaire les causes et acteurs des révolutions et du vent d’aspiration au changement qui continue de balayer toute la région malgré la répression qui ensanglante le Bahreïn, la Libye et la Syrie », a déclaré Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI. « La lutte pour le respect des droits syndicaux est un des socles indispensables du combat pour la démocratie et la justice sociale dans le monde arabe », conclut Sharan Burrow.

Le rapport détaille ainsi la répression par le régime Ben Ali de la contestation sociale préalable à la révolution, en particulier dans la région de Gafsa.
Par exemple, le 25 novembre, les instituteurs de Gafsa protestaient contre l’injustice toujours de mise dans le bassin minier de Redeyef (non-réintégration de nombreux enseignants militants syndicaux, maintien en détention de manifestants de 2008, surveillance et harcèlement constant des familles).
Trois semaines plus tard, l’immolation d’un jeune sans emploi à Sidi Bouzid allait être à l’origine d’une série de manifestations aux quatre coins du pays, auxquelles ont très activement participé les fédérations régionales de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), avant de gagner la capitale et d’aboutir à la chute du régime Ben Ali.

En Égypte, malgré les vagues de licenciements par les employeurs et la répression constante du régime à l’égard des premiers syndicats indépendants, la vague de révolte ouvrière lancée en 2006 est toujours active en 2010. Ainsi, à l’usine textile Tanta Linen, dont les ouvriers se mettront massivement en grève durant la révolution contre Moubarak, l’année 2010 avait déjà été émaillée de nombreux conflits sociaux détaillés dans le rapport.

En Irak, où la législation du travail date de l’époque de Saddam Hussein, les syndicats du secteur public sont interdits depuis de nombreuses années, tout comme au Koweït. Bien qu’une nouvelle législation soit en cours de préparation, elle n’a pas encore été adoptée. Par ailleurs, le syndicat des électriciens a été démantelé et le président du syndicat des journalistes a subi une seconde tentative d’assassinat.

Ailleurs, les limites imposées à la liberté d’association entraînent, dans de nombreux cas, la mise en place d’entraves sévères à la négociation collective et au droit de grève. Les grèves, lorsqu’elles sont légales, sont souvent difficiles à concrétiser.

En Jordanie et au Yémen, une autorisation des autorités est nécessaire, alors qu’aux Émirats arabes unis et en Palestine, elles peuvent tout simplement décider de l’annuler.

En particulier dans les économies pétrolières du Golfe, les migrants constituent une part très importante de la population active (plus de 70% aux Émirats arabes unis ou au Koweït).

Pour la plupart confinés dans les emplois les moins payés et les plus difficiles, notamment dans la construction, beaucoup sont victimes de confiscation de passeport, de retard ou de non-paiement de salaire, voire de travail forcé. Empêchés de s’organiser syndicalement, ils n’ont aucun recours pour défendre leurs droits fondamentaux au travail. À Bahreïn, fin juillet, 115 travailleurs migrants indiens, non payés depuis trois mois, se trouvaient bloqués, sans nourriture, sans eau ni électricité, dans un camp de travail à Tubli.

Les travailleuses domestiques migrantes, privées de protection juridique, sont particulièrement exposées, notamment à des agressions physiques et à des abus sexuels.

Le 11 novembre, le corps de Kikim, une travailleuse domestique indonésienne de 36 ans, était retrouvé dans une poubelle à Abha (Arabie saoudite), torturée à mort par ses employeurs.
En août, une travailleuse domestique sri-lankaise souffrait de 24 clous enfoncés dans le corps par son employeur, également en Arabie saoudite, un pays qui emploie 1,5 million de travailleuses domestiques. Le rapport souligne toutefois l’avancée positive de la Jordanie qui a étendu la protection juridique au travail domestique en 2008.

« Ce rapport atteste année après année du peu de cas accordé aux travailleurs migrants, massivement exploités et privés de leur liberté d’association. Ce constat désolant est un élément essentiel d’explication de la tragédie que vivent des milliers de migrants pris aujourd’hui dans le tourbillon des révoltes et de la répression, en particulier en Libye, au Bahreïn et au Yémen », dénonce Sharan Burrow.

Europe

Communiqué de presse : Europe : les mesures d’austérité affectent les travailleurs

3 juin 2011 : Les mesures d’austérité prises par de nombreux gouvernements en Europe pour combattre les importants déficits dus à la crise économique et financière mondiale ont eu des conséquences néfastes pour de nombreux travailleurs/euses. Voilà en substance la conclusion de la section « Europe » du rapport 2011 des violations des droits syndicaux dans le monde publié aujourd’hui par la Confédération syndicale internationale.

L’Europe, présentée il y a quelques années encore comme le modèle à suivre en matière sociale, peine à se relever des effets de la crise économique et financière.

Les baisses de salaires, les réformes des retraites ou encore les réductions budgétaires ont suscité de grands mouvements de protestation, tels que des grèves générales en Espagne, en Grèce, au Portugal et en France.

La crainte de perdre son emploi a poussé de nombreux travailleurs/euses à taire les violations des droits syndicaux dont ils étaient victimes. L’augmentation du travail précaire est en partie responsable de la baisse du taux de syndicalisation. Au Belarus, 90% de la population est employée à court terme.

En Ukraine et en Russie, la situation reste délicate :

les employeurs tentent de limiter les droits de leurs salariés en essayant de modifier le Code du travail, et les autorités juridiques entravent l’action des syndicats et les mettent sous pression. Bien que la loi interdise de refuser l’enregistrement des syndicats, il n’est pas rare que ceux-ci aient des difficultés à le faire. Le rapport de la CSI met en exergue des entraves à l’organisation syndicale légitime dans les États nouvellement indépendants, où la représentation syndicale a connu de profondes transformations au cours de la dernière décennie.

La Géorgie est en passe de devenir la brebis galeuse de l’Europe en matière de droits des travailleurs. Travailleurs et travailleuses contraints à des conditions de travail insalubres et dangereuses, militants syndicaux sommairement licenciés et dirigeants syndicaux persécutés et menacés ; c’est l’existence-même des organisations syndicales indépendantes qui se trouve menacée.

La Turquie est le théâtre de nombreuses violations des droits syndicaux.
Rien qu’en 2010, près de 350 syndicalistes ont été licenciés en raison de leurs activités syndicales. Une mission, mandatée par l’Organisation internationale du travail, s’est rendue à Ankara afin d’aider le pays à adopter des mesures constructives pour protéger les droits syndicaux, mais n’a pas été reçue par le ministre du Travail.
Le rapport de la CSI souligne, une fois de plus, le caractère antisyndical du régime politique du Belarus.

La situation relative aux droits syndicaux s’est encore dégradée. La réélection en décembre 2010 du président Lukashenko pour un quatrième mandat a déclenché de nombreuses manifestations qui se sont soldées par l’arrestation de centaines de manifestants, dont dix militants syndicaux.

En Turquie ou en Serbie, des responsables syndicaux ont subi des maltraitances physiques et psychologiques ;

en Moldavie, des dirigeants syndicaux qui réclamaient des salaires impayés ont été arrêtés, accusés de délits criminels et détenus ;

en Bosnie-Herzégovine, les autorités publiques ont radié un syndicat local suite à une grève motivée par des salaires impayés et le licenciement de responsables syndicaux.

Il n’est pas rare non plus que des syndicalistes soient forcés de quitter leur organisation et de rejoindre des syndicats « jaunes » favorables à l’employeur. Les recours pour les travailleurs licenciés sont problématiques, les actions en justice peuvent durer jusqu’à deux ans et les réintégrations sont rares, notamment en Estonie, en Lituanie ou en Albanie.

Partout en Europe, le dialogue social s’est affaibli de manière significative et rend le travail syndical très compliqué.
Le droit de grève, action ultime, droit essentiel et reconnu, est également souvent restreint, notamment au niveau des services essentiels au sein desquels les grèves sont interdites.

Au Royaume-Uni, les procédures pour lancer une grève sont tellement contraignantes que les employeurs peuvent faire arrêter une grève.

Dans de nombreux pays européens, les droits syndicaux des fonctionnaires sont violés de manière significative.

« L’Europe doit redevenir le modèle social qu’elle était » a déclaré Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI, en ajoutant « La crise économique et financière ne doit plus servir de prétexte pour saper les droits syndicaux ».


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