Viktor Orbán, Ubu roi de Hongrie

jeudi 29 décembre 2011
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : Libération (mardi 27 décembre)

Viktor Orbán, Ubu roi de Hongrie

Récit

Le Premier ministre de droite populiste a fait voter une loi assurant à son parti les trois quarts des sièges au Parlement avec 25% des voix. Et accentue son contrôle des médias et de la justice.

Par FLORENCE LA BRUYÈRE Budapest correspondance

C’est une révolte du désespoir. Vendredi, peu avant Noël, plusieurs milliers de Budapestois en colère ont manifesté sur la place Kossuth qui abrite le Parlement, un imposant édifice néogothique. « Sortez, pourris ! » scandaient les manifestants, pour la plupart sympathisants écologistes ou de gauche, aux députés du Fidesz, le parti de droite populiste du Premier ministre, Viktor Orbán, qui détient la majorité des deux tiers à l’Assemblée.

« Honte ».

Les élus du Fidesz, tenus d’une main de fer par leur leader, votaient un paquet de lois qui, selon l’opposition, enterrent la démocratie. Le matin, une douzaine de députés du Parti libéral écologiste (LMP) étaient interpellés après s’être enchaînés devant le Parlement pour protester contre le vote. « C’est une honte pour la majorité au pouvoir que des gens en soient réduits à défendre la démocratie parlementaire avec leur propre corps », déclarait Gabor Scheiring, élu LMP.

Les législatives n’ont lieu qu’en 2014, mais la droite d’Orbán, qui n’exclurait pas un scrutin anticipé, a adopté vendredi une réforme de la loi électorale qui lui permettrait de remporter les trois quarts des sièges avec seulement 25% des voix.

Point besoin, comme en Russie, de bourrer les urnes ou d’empêcher certains électeurs de voter, les règles seront faussées dès le départ, alerte l’opposition.

« Cette loi va empêcher les citoyens de changer de gouvernement », critique Gabor Scheiring, qui dénonce aussi le fait que l’impôt sur le revenu à taux unique (16%), initié par le gouvernement cette année, a été inscrit dans la Constitution ce vendredi.

Un impôt injuste, entraînant une forte baisse de revenus pour les petits salariés - la majorité des Hongrois - et désastreux pour l’Etat, qui a perdu 500 milliards de forints (1,6 milliard d’euros) de recettes cette année, car les riches sont nettement moins taxés.

Graver cet impôt dans la Constitution, c’est le rendre très difficile à modifier à l’avenir. Viktor Orbán a admis vouloir « lier les mains des prochains gouvernements pendant dix ans ». Pire, son parti devrait voter cette semaine une loi qui supprime quasiment le débat parlementaire.

Depuis son retour au pouvoir en 2010, Viktor Orbán, ancien étudiant progressiste devenu par opportunisme un politicien ultra-conservateur, a multiplié les mesures autoritaires. Il y a un an, il faisait adopter une loi controversée sur les médias. Le service public a été transformé en outil de propagande.

Pour protester contre la manipulation de l’information, Balázs Nagy Navarro, journaliste à la télévision, fait la grève de la faim depuis le 10 décembre devant le siège de la chaîne, en compagnie d’autres reporters et de simples citoyens. « C’est une façon de laver la honte », dit Balázs Nagy Navarro. Les journalistes racontent qu’on leur impose les thèmes de reportage, les mots à utiliser.

Une propagande récompensée par le pouvoir. En avril, un jeune reporter, ancien attaché de presse du Jobbik, le parti d’extrême droite, réalisait un reportage truqué sur Daniel Cohn-Bendit, le présentant comme un pédophile. Une vengeance d’Orbán après que Cohn-Bendit l’eut comparé à un « Chávez européen ».

Quelques jours après, l’auteur du reportage, Daniel Papp, était promu directeur de l’information et rédacteur en chef des émissions du week-end.

Excepté ceux qui lisent Internet et la presse de gauche, la majorité des Hongrois ne sait pas grand-chose de la grève.

Car la loi sur les médias pousse même les chaînes privées à l’autocensure.« La situation est ubuesque », juge un journaliste. Coïncidence (ou pas), on joue la comédie burlesque d’Alfred Jarry au théâtre Babszinhaz de Budapest. Le metteur en scène a réécrit la pièce. Sur scène, Ubu, roi des Hongrois veut toujours plus de pouvoir, comme Orbán. Les comédiens font remplir des urnes aux spectateurs hilares puis s’écrient, triomphants : « Père Ubu, on a les quatre tiers… Hourra, on a les cinq tiers ! »

Juristes.

Après les médias, le parti populiste d’Orbán s’attaque à la justice.

En février, une loi a permis la révision des jugements condamnant les émeutiers d’extrême droite de 2006.

La majorité a ensuite abaissé l’âge de la retraite des juges, de 70 à 62 ans, se débarrassant de facto des 300 magistrats les plus chevronnés. Des « sanguinaires » de l’époque stalinienne, ont prétendu les médias de droite. Aucun d’entre eux n’était en poste dans les années 50.

Le plus inquiétant est la concentration de pouvoirs dans les mains de Tünde Hando, épouse d’un eurodéputé du Fidesz et marraine de l’un des enfants du Premier ministre.

Nommée pour neuf ans présidente de l’Office national de la justice (OBH), elle aura tout pouvoir de nommer les juges.

András Baka, président de la Cour suprême, un des plus éminents juristes européens - il a été juge à la Cour européenne de Strasbourg pendant dix-sept ans - fut le seul à critiquer ces mesures. Il a été démis de ses fonctions.

Un universitaire qui préfère rester anonyme soupire : « Avec la justice qui s’écroule, c’est la fin de la démocratie. Notre pays est en train de sortir du cadre légal européen. »


A lire nos articles que confirme l’article de Libération.

Budapest : Deux responsables du syndicat des journalistes de la télé en grève de la faim, licenciés abusivement.
http://onvaulxmieuxqueca.ouvaton.or...
Le 23 décembre 2011 a été une journée mouvementée devant le parlement de Budapest
http://onvaulxmieuxqueca.ouvaton.org/spip.php?article2072

En Hongrie les attaques anti-sociales et anti-démocratiques sont nombreuses, mais heureusement le mouvement social renaissant RESISTE et prend de nombreuses initiatives : le 23 décembre une étape…
http://onvaulxmieuxqueca.ouvaton.org/spip.php?article2052

Hongrie : sans « trêve » et avec détermination les protestations sociales et démocratiques continuent. Il est grand temps d’être solidaires avant que toute l’Europe ressemble à la Hongrie de Viktor Orbán.
http://onvaulxmieuxqueca.ouvaton.org/spip.php?article2083



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