A Dax, le procès de la BNP, championne de l’évasion fiscale

lundi 9 janvier 2017
par  onvaulxmieuxqueca
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Source Reporterre

A Dax, le procès de la BNP, championne de l’évasion fiscale

9 janvier 2017 / Baptiste Giraud (Reporterre)

Jon Palais, faucheur de chaises, doit être jugé lundi 9 janvier après-midi pour « vol en réunion » au tribunal de Dax. Les militants en profiteront pour rappeler le sens de leurs actions : lutter contre l’évasion fiscale. Rappel des faits.

Aujourd’hui, le procès de Jon Palais va se dérouler au tribunal de Dax. Les faucheurs de chaises (rassemblant les Amis de la Terre, ANV-COP21, Bizi !, Solidaires finances publiques et Attac), entendent y tenir celui de la BNP et des autres grandes banques, accusées d’évasion fiscale, symboliquement, dans les rues dacquoises.

Car l’évasion fiscale est une pratique très répandue chez les riches.

Des particuliers ou des entreprises possédant de grandes fortunes, alliés à des professionnels de la gestion de telles fortunes, s’organisent pour les dissimuler, de sorte qu’elles ne soient pas détectées par les États.

Ces sommes, qu’il s’agisse de revenus ou de capitaux, ne sont donc pas déclarées à l’administration fiscale, alors que c’est obligatoire, et échappent à l’impôt.

Elles sont ensuite cachées sur des comptes en banque situés dans des paradis fiscaux, pays qui n’exigent pas de publier ni les comptes ni le nom des détenteurs. Cela s’appelle l’évasion fiscale.

Chaque année, 60 à 80 milliards d’euros s’envoleraient illégalement de France, selon un rapport du syndicat Solidaires finances publiques paru en 2013.

Et si l’on considère les sommes accumulées et stockées dans les paradis fiscaux alors qu’elles devraient être déclarées en France, on arrive au chiffre de 600 milliards d’euros, selon les travaux de l’économiste Gabriel Zucman.

Or si tout cet argent était imposé, 30 à 50 % rentreraient dans les caisses de l’État, selon Antoine Peillon, journaliste à La Croix et spécialiste du sujet.

« Aujourd’hui il nous manque des ressources pour investir dans la transition écologique et les services publics, et en parallèle on a un énorme problème de concentration des richesses », constate Thomas Coutrot, économiste et membre d’Attac.

Redistribuer l’argent de l’évasion fiscale permettrait de répondre à ces besoins, et la manière la plus simple de redistribuer est de s’attaquer à la fraude fiscale.

« On n’a même pas besoin d’une réforme fiscale, rien qu’en appliquant les règles actuelles, on pourrait aboutir à une redistribution des richesses non négligeable », poursuit M. Coutrot.

Cela représenterait 20 à 40 milliards d’euros en plus dans les caisses de l’État chaque année, et même 200 à 300 milliards d’un coup si les avoirs stockés dans les paradis fiscaux étaient rapatriés.

Les faucheurs de chaises savent quoi faire de ces sommes : 40 milliards d’euros permettraient de rénover l’ensemble des foyers en situation de précarité énergétique, 35 milliards d’euros de convertir l’ensemble des parcelles agricoles en bio, tandis que fournir des repas 100 % bio dans les cantines du primaire, du secondaire, et des restaurants universitaires coûterait 1,4 milliards par an, selon leurs chiffres. Et chaque fois, des emplois seraient créés.

Les actions de désobéissance civile mettent en lumière l’évasion fiscale

Et la BNP dans tout ça ?

« A partir de septembre 2015, alors que la COP21 approchait et que les États n’arrivaient par à remplir le fonds vert pour le climat, nous avions lancé une campagne de harcèlement de la BNP » rappelle Thomas Coutrot. Pourquoi elle ?

« C’est la banque française qui détient le record de la présence dans les paradis fiscaux : 200 filiales selon le dernier décompte de la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires. »

Deux semaines avant l’ouverture de la COP21, les terribles attentats se sont déroulés le 13 novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis.

Dès le lendemain, la BNP appelait les faucheurs de chaises : « Ils nous ont dit que, vu l’état d’urgence, il serait extrêmement dangereux de continuer les occupations illégales de leurs agences. Nous leur avons répondu alors que nous étions prêts à arrêter s’ils retiraient leurs filiales aux Îles Caïmans » raconte Thomas Coutrot. Le 23 novembre, la direction nationale de la BNP a reçu une délégation de faucheurs : la banque a refusé de fermer ses filiales aux Caïmans, et les actions contre les agences BNP se sont poursuivies…

C’est six mois plus tard, en mai 2016, qu’une information est parvenue aux oreilles d’Attac : « La direction de BNP Paribas a annoncé le 3 mai dernier au Comité central d’entreprise la fermeture de ses filiales dans les îles Caïmans. C’est le résultat direct de la pression des Faucheurs de chaises sur les banques impliquées dans les paradis fiscaux » annonce alors fièrement l’ONG.

Depuis, la banque explique que ses deux filiales aux Caïmans ont été fermées en 2015, et deux succursales sur quatre également.

Resteraient donc, selon leur document de référence 2015, deux autres succursales. Le service communication de la BNP, joint par Reporterre, a répondu que l’une était en cours de fermeture.

La désobéissance civile non violente a-t-elle payé ?

« Cette mobilisation est le seul moyen pour continuer de sensibiliser le public et essayer de faire bouger les lignes, car rien d’autre n’a fonctionné » assure Antoine Peillon. Le fait que cette répression s’abatte sur un militant est le signe d’une inquiétude de l’État et des grandes banques. »

D’autant plus qu’un second militant est poursuivi : Florent Compain, président des Amis de la Terre, est convoqué le 11 avril au tribunal de Bar-le-Duc pour y être jugé pour « vol en réunion » suite à une action à la BNP de Nancy en novembre 2015.

Marion Saras, du service communication de la BNP, nous explique que la banque privilégie toujours « le dialogue », mais que « face à des formes de violences vécues comme de véritables agressions, traumatisantes, avec des gens qui crient, chantent, jurent », elle fait appel à la loi « pour que l’envahissement de nos agences cesse ».

« Il est difficile de savoir quelle est la stratégie de la BNP », avoue Thomas Coutrot. « Ils portent plainte systématiquement après nos actions, mais jusque-là il n’y avait jamais eu de poursuites.

Maintenant, j’ai l’impression qu’ils montent en gamme : ils sont dans une stratégie d’intimidation, même si ça peut se retourner contre eux. »

Car les militants devraient profiter de ce procès pour mobiliser et faire du bruit à Dax.

Une après-midi revendicative et festive est prévue au Carreau des Halles, non loin du tribunal, avec notamment Edgar Morin, José Bové, Martine Billard (Parti de gauche), Jean-François Julliard (Greenpeace), Alain Deneault, HK et les Saltimbanks.

Les réponses à l’évasion fiscale existent, il suffit de les mettre en œuvre
Avant cela, dans la matinée de lundi, une table ronde réunira certains des candidats à la présidentielle ou leurs représentants. « C’est au pouvoir politique de forcer maintenant les banques à cesser l’évasion fiscale. Nous voulons mettre sous pression les candidats, qu’ils soient contraints par l’opinion publique d’annoncer des mesures effectives », annonce Thomas Coutrot.

Yannick Jadot, Sandrine Charnoz pour Benoît Hamon, Pierre Larrouturou, Corinne Morel-Darleux pour Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou et Jean Lassalle devront donc répondre aux revendications des faucheurs de chaises.

Celles-ci consistent avant tout à renforcer les moyens de l’administration fiscale et de la justice.

« Aujourd’hui la pénurie d’emplois ne nous permet plus de détecter la fraude fiscale. Nous n’utilisons pas toutes les possibilités législatives à cause d’un manque humain dans l’administration fiscale, les douanes et la justice », assure Vincent Drezet, membre du bureau national de Solidaires Finances Publiques.

Également indispensables, la coordination entre les services de l’État et la suppression du « verrou de Bercy » qui donne au ministère des finances un droit de veto sur la poursuite des fraudeurs.

« L’administration française, à travers le renseignement intérieur, est parfaitement au courant dans le détails de toutes ces procédures », selon Antoine Peillon.

« Sur UBS, l’évasion fiscale de grandes fortunes était connue de tous les services de renseignements. Le souci c’est qu’il n’ont jamais rien envoyé à la justice, pour des raisons politiques de corruption. Pour permettre, très certainement, à des responsables politiques de connaître les procédures d’évasion fiscale de personnalités richissimes, de manière à les faire chanter : si vous ne contribuez pas à ma campagne, les services fiscaux vont commencer à tousser. »

Enfin, « la clé du système » selon Antoine Peillon, ce sont les différents moyens qui permettent de rendre anonymes les propriétaires d’entreprises ou de capitaux, via des sociétés-écrans.

Un certain nombre de pays, y compris européens (Royaume-Uni, Luxembourg, Pologne, Chypre, Roumanie, Monaco, Andorre), autorisent ces sociétés dont ils ne connaissent pas l’identité des propriétaires véritables. Cette question, pourtant simple à régler en interdisant les sociétés-écrans, n’entraîne aucune mobilisation politique. Ce qui montre encore une fois, pour Antoine Peillon, « l’hypocrisie politique sur le sujet ».

Source : Baptiste Giraud pour Reporterre
Photos :
. chapô : Procès de la BNP dans le quartier de La Joliette, à Marseille, le 9 décembre 2016. © FDC FaucheursDeChaises (Flickr)
. Siège BNP : Amis de la Terre
. Palais : En novembre 2015. © Marie Asier/Reporterre
. Bercy : Wikimedia (Pierre Rudloff/(CC0)


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