Manifeste : 10 années d’occupation de l’usine Flaskô (Brésil)

mardi 25 février 2014
par  onvaulxmieuxqueca
popularité : 28%

Source : Alter autogestion
dimanche 16 février 2014

Manifeste : 10 années d’occupation de l’usine Flaskô (Brésil)

Le 12 juin 2003, nous, les travailleurs de Flaskô, avons décidé de prendre notre avenir en main, nous avons décidé de changer le destin que le capitalisme et les patrons nous imposent. Nous avons décidé de récupérer l’usine et de la mettre sous contrôle ouvrier. Pendant dix ans, nous avons lutté en défendant le mot d’ordre d’ « usine en faillite, usine occupée » et l’usine occupée aurait dû être nationalisée et mise sous le contrôle des travailleurs.

La force, qui nous a portée, était la même que celle qui, tout au long de notre vie, nous a fait transpirer du lever au coucher du soleil pour vendre notre force de travail et faire tourner les machines du capitalisme pour recevoir un salaire pour nous nourrir, vivre et élever nos enfants. Mais plus que cela, la force qui nous a portée se justifiait par le besoin d’en finir avec l’horreur que nous avons vécue à l’image de l’ensemble de notre classe.

Mais, le 12 juin 2003, notre force a également été renforcée par la certitude qu’une période devait s’achever. La période au cours de laquelle tout a été uniquement organisé dans l’intérêt des patrons. Cet espoir fut la victoire de Lula en tant que président, notre courage fut décuplé pour affronter le capital. Nous étions plus de trois cents à participer à l’assemblée ce jour-là. Nous constituions une force qui pouvait modifier les rails de l’histoire.

C’est pour cela que nous avons décidé de tout reconstruire. Ainsi, nous avons occupé l’usine et nous nous sommes prononcés pour garantir le droit au travail, notre principale forme de dignité.

Il n’y avait qu’un seul chemin, celui consistant à renforcer la lutte pour prendre les usines aux patrons, les réorganiser dans l’intérêt de notre classe et plus globalement de l’humanité : la vie et la solidarité entre les travailleurs, une vie sans exploitation.

Dès lors, nous avons organisé une nouvelle usine pour travailler. Nous nous sommes unis avec les Sans-Terre pour lutter pour la réforme agraire et la fin du latifundio. Nous avons crié : "quand la campagne et la ville s’uniront, la bourgeoisie ne pourra pas résister."

De même, nous nous sommes solidarisés avec les travailleurs exploités en impulsant la lutte pour le logement. Nous avons décidé de commencer à allier la conviction et l’action sur le terrain du patron qui, pendant des décennies, a saigné notre vie.

Nous avons récupéré le terrain et nous avons construit la Ville ouvrière où vivent aujourd’hui 564 familles. Nous avons également impulsé le projet de l’Usine de la Culture et du Sport, en réalisant des centaines d’activités, impliquant l’ensemble de la communauté, des enfants, des jeunes et des adultes, en garantissant l’accès à la culture, aux loisirs, etc.

En cela, à chaque étape franchie, nous avons contribué à créer un meilleur cru que celui de nos ennemis : les patrons et leurs représentants dans les gouvernements, y compris au sein du gouvernement Lula.

Quand la campagne de soutien au gouvernement vénézuélien s’est développée, la FIESP (Fédération des industries de Sao Paulo) s’est levée contre nous, en convoquant les entrepreneurs pour qu’ils se mobilisent contre notre lutte. Quand nous avons entrepris le travail d’articulation des usines récupérées en Amérique latine, l’OMC est intervenue et a essayé d’empêcher l’avancée de cette unité.

En 2007, l’Etat a décidé de nous attaquer. Plus de 150 policiers fédéraux ont pris possession des deux entreprises occupées Cipla et Interfibra à Santa Catarina, en expulsant les travailleurs pour y imposer un dirigeant réactionnaire chargé de remettre en cause les conquêtes sociales, légales et humaines que 5 années de contrôle ouvrier avaient garanties. Ils ont montré leur inquiétude quand ils ont déclaré expressément lors du procès : "imaginez que la mode se répande ".

Pourtant, ils n’ont pas hésité à utiliser la tactique de la criminalisation, en déployant une campagne de calomnies et en tentant de délégitimer l’ensemble de la classe ouvrière. Évidemment, ils ont utilisé le monopole des moyens de communication pour parvenir à leurs fins. Le magazine Veja a même affirmé que nous étions le "MST des usines." Très bien, c’est pour nous une fierté !

Cependant, nous, les travailleurs les plus courageux de Flaskô, avons décidé de résister. Et avec la force et la solidarité que nous avons reçues de l’ensemble du Brésil et du monde entier en unissant la plupart des centrales syndicales et plusieurs partis politiques dans un large spectre, dans le but de constituer un front unique, nous avons agi à chaque étape dans une dynamique de lutte des classes. Si d’un côté, nous ne pouvions jamais garantir combien de temps nous durerions, en raison de l’instabilité quotidienne, nous avions la certitude que nous gagnerions. Parce que nous savions que nous devrions seulement perdre nos courants et croire en la victoire.

Aujourd’hui, 10 ans se sont écoulés. Deux gouvernements de Lula sont passés. Et la moindre avancée vers le socialisme que nous pouvions espérer avec ce gouvernement s’est envolée. Le premier gouvernement Lula a refusé d’apporter une solution, malgré les diverses propositions qui lui ont été présentées, de la revendication de la nationalisation sous contrôle ouvrier à la proposition que le BNDES (Banque national de développement économique et social) a présenté. Lula disait que la ligne n’était pas "dans le menu". Mais nous constaté que le menu des travailleurs différait sensiblement de celui des grands capitalistes, puisque la même étude du BNDES a été utilisée pour le gouvernement pour ce qui est d’Aracruz Celulose, JBS FriBoi, le Groupe Votorantim, etc. Le deuxième gouvernement a décidé d’attaquer notre mouvement en le criminalisant et en poussant la lutte des usines occupées à l’asphyxie.

L’actuel gouvernement de Dilma veille à empêcher l’adoption des projets de lois que nous avons présentés au Sénat. Comme nous l’avons déjà fait savoir, deux projets se distinguent : l’expropriation de l’usine transformée en propriété sociale contrôlée par les travailleurs et l’autre projet stipule que chaque usine abandonnée puisse être expropriée et transmise aux travailleurs pour une gestion démocratique.

Pour cela, depuis dix ans, nous sommes passés à l’offensive à plusieurs reprises. Nous avons renforcé la pression sur le gouvernement Dilma - PT et sur le Sénat Fédéral, pour qu’ils approuvent immédiatement la déclaration d’intérêt social d’expropriation de Flaskô. Il s’agirait d’une décision politique permettant d’accorder un outil efficace pour la lutte ouvrière.

Et nous avons la certitude que nous pouvons gagner parce qu’il ne s’agit pas uniquement d’une usine résistant au capitalisme, mais d’une usine occupée résistant pour la défense des bases historiques de la classe ouvrière vers le socialisme. C’est ce que l’on peut observer lors de cette rencontre aujourd’hui, où s’exprime, une grande démonstration d’unité de classe, avec plusieurs délégations internationales, diverses organisations populaires (de la campagne et de la ville), des dizaines de syndicats et des délégations d’étudiants.

L’importance croissante d’une conjoncture tout à fait intéressante, de crise du capitalisme, de montée des masses, de ré-articulation des mouvements sociaux dans le monde entier, qui de plus, touche maintenant plus directement au Brésil. La bourgeoisie devra réprimer, criminaliser mais les contradictions seront de plus en plus fortes et exprimeront le besoin de construction d’une autre société, qui ne sera plus fondée sur l’exploitation de la force de travail.

Nous savons qu’il n’y a pas de socialisme dans un seul pays et qu’il ne survivra encore moins dans une seule usine occupée. Pour cela, comme nous l’avons démontré au cours de ces 10 ans, seule l’unité de classe, au-delà des frontières nationales, permettra une sortie réelle pour la lutte de la classe ouvrière vers la transformation de cette société.

Ainsi, la lutte continuera et nous avons besoin de toute la solidarité de classe qui s’est exprimée avec Flaskô jusqu’à aujourd’hui. Dans ce sens, nous avons convoqué tous ceux qui sont engagés dans la lutte de la classe ouvrière pour son émancipation, pour unifier nos luttes et nos batailles dans la prochaine période. Nous lançons immédiatement l’invitation pour la Caravane à Brasilia le 23 octobre 2013, pour la convocation d’une audience publique où nous discuterons des projets de loi renvoyés et des perspectives pour les usines occupées et la garantie des conquêtes sociales de la classe ouvrière.

Vive les 10 ans d’occupation de l’Usine Flaskô ! Vive la solidarité internationale de la classe ouvrière !

Sumaré / SP, Brésil, le 15 juin 2013.

Tous les travailleurs de Flaskô et toutes les organisations présentes à cette rencontre ont approuvé unanimement cette lettre.
Plus d’informations sur : www.fabricasocupadas.org.br
http://www.fabricasocupadas.org.br/site/index.php/manifesto

Traduction Richard Neuville


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