Les Temps Modernes : Le droit des Rroms de vivre en France

mardi 22 avril 2014
par  onvaulxmieuxqueca
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Les Temps Modernes : Le droit des Rroms de vivre en France

Wikipedia : Gilles Devers est un avocat français, lyonnais, né en 1956, spécialiste du droit relatif aux pratiques de soin. Ancien infirmier hospitalier, enseignant le droit à l’Université de Lyon (Lyon 3)1.
Outre ses activités d’écrivain et de blogueur, Gilles Devers s’est rendu célèbre en janvier 2009 en initiant un collectif d’avocats dont il est le porte-parole ayant déposé une requête en justice auprès la CPI pour crimes de guerre lors de laguerre de Gaza de 2008-2009 (dépôt de la plainte le 22 janvier 2009), appuyé par l’Autorité palestinienne ; plus de 300 organisations internationales et une centaine d’avocats autour du globe2. La requête est en cours de traitement par le procureur responsable d’y donner suite3.

jeudi 17 avril 2014

Le droit des Rroms de vivre en France

Gilles Devers
Cette histoire des Roms commence à vraiment me chauffer. Ce que fait mon pays, La France, est illégal et ignoble : illégal car la France s’est inscrite dans un plan européen d’inclusion des Roms, plan cohérent et financé, qui a force obligatoire, et qu’elle refuse d’appliquer ; ignoble, car les dirigeants politiques, par un consensus parfait entre le PS, l’UMP et le FN, agitent la haine des pauvres, comme si la pauvreté était la source de nos malheurs.

Hier, le cafard de service était un petit marquis de la Hollanderie, Le Foll : « Il faut chercher à les faire retourner d’où ils viennent, en Roumanie ou en Bulgarie, et éviter qu’il y en ait qui reviennent ou qui viennent ».
Alors, Le Foll, s’il te plait, arrête tes conneries, qui sont cruelles car tu plonges des familles, des enfants, dans la misère. Calme-toi.

Les Rroms en France

On compte environ 15.000 à 20.000 Rroms migrants en France, ce nombre étant stable depuis plusieurs années. Plus de 90% d’entre eux viennent de Roumanie, plusieurs groupes de Bulgarie et quelques familles des pays de l’ex-Yougoslavie. La plupart de ces Rroms vivent avec leurs familles, y compris des enfants, enfants qui représentent le tiers de cette population.

Les Rroms migrants d’origine roumaine et bulgare, en tant que citoyens de l’Union, ont le droit d’accès au territoire français. Ils peuvent ensuite manifester la volonté de s’y installer, dans le cadre des politiques définies par l’Union européenne (Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, art. 6).

Pour la France, ce projet est entièrement réaliste. Si toute situation peut-être améliorée, d’autre pays européens ont obtenu de vraies réussites, notamment l’Allemagne avec 70.000 Rroms et l’Espagne avec 100.000 Rroms.

La situation bloque en France car les pouvoirs publics, pour s’attirer le vote xénophobe, refusent de mettre en œuvre les politiques européennes aux quelles sil se sont pourtant engagés.

Une politique européenne très claire

Devant la mauvaise volonté de France et de quelques autre Etats, la Commission européenne, en 2011, a défini une politique générale d’intégration des Rroms pour la période allant jusqu’à 2020 (COM(2011) 173 final, du 5 avril 2011).

Comme tous les Etats européens, la France a répondu en prenant des engagements par une communication du 6 janvier 2012 (Une place égale dans la société française : Stratégie du gouvernement français pour l’inclusion des Rroms dans le cadre de la communication de la Commission du 5 avril 2011 et des conclusions du Conseil du 19 mai 2011).

Aussi, le ministre machin ou le sous-ministre bidule ne vont pas nous gaver en inventant tous les jours de nouveaux plans pour les Rroms.
La France a pris un engagement devant l’Europe, et cette politique européenne est financée.

Elle doit donc être mise en œuvre. Il n’y a ni à tergiverser, ni à financer, ni à brasser la mélasse xénophobe. Comme disait avant-hier, l’autre rigolo, la France a une signature et l’honore. Oui, mais pas pour les Rroms.

Le refus de la France de respecter ses engagements

La situation bloque en France du fait du refus des pouvoirs public de respecter leur engagement, et cela résulte d’un point très clair : la France refuse de mobiliser les fonds européens disponibles, et qui seraient amplement suffisant pour réussir l’inclusion des 15 000 Roms qui souhaitent vivre en France.

C’est un choix politique totalement pourri, mais il fait consensus entre le PS de l’UMP et le FN.

Alors, après c’est très simple. Vous venez à la télé prendre l’air outragé genre : « La France ne pas accueillir toute la misère du monde, nos budgets sociaux sont à secs, et ces gens doivent rentrer chez eux ». Là aussi, consensus entre le PS de l’UMP et le FN.

Pour la période 2007-2013, l’UE a programmé 26,5 milliards € pour l’intégration sociale, soit 9,6 milliards pour le FSE, et 16,8 milliards pour le FEDER, et au sein de ces prévisions, des fonds sont disponibles pour l’inclusion des Rroms dans les Etats européens, comme cela est explicité par une note « Les Rroms au sein du Fonds social européen 2007-2013 ».

La non-utilisation des fonds alloués par la France est régulièrement dénoncée par Madame Reding, Commissaire européen pour la Justice.

En septembre 2013, elle a clairement dénoncé la volonté de la France de pas mettre en œuvre son plan d’intégration des Rroms conclu avec l’UE (Le Point, 25 septembre 2013).

On retrouve la même analyse dans trois rapports récents, et du plus haut sérieux, qui tous confirment que non seulement cet argent n’est pas mobilisé, mais de plus il sera perdu car non affecté.

 Rapport de la Cour des Comptes sur l’utilisation des crédits du FSE, de février 2012, extrait du rapport annuel (p. 159 et p. 165 s.) ;

 Rapport du Sénateur M. Michel Billout, du 6 décembre 2012 (p. 63 s.) ;

 Rapport des députés Mme Marietta Karmanli et M. Didier Quentin, du 18 septembre 2013 (p. 73 s.).

Une organisation de l’échec

Cette « organisation de l’échec » est donc très simple : l’inclusion dans la société française étant financée par les fonds européens, il suffit de ne pas mobiliser ces fonds, et de dire que les services sociaux sont à secs. La cause : la xénophobie d’Etat contre les Rroms, par consensus entre le PS de l’UMP et le FN.

Ce blocage intentionnel a été bien décrit par le préfet Alain REGNIER, préfet délégué en charge notamment de l’inclusion des Rroms, un honnête homme (Le Monde, 29 septembre 2013). À la question « Quels sont les obstacles à l’insertion des migrants rroms ? », la réponse n’est pas que la solution serait impossible, bien au contraire.

« Au plan national, les familles rroms qui remplissent les conditions pour rester en France doivent pouvoir être éligibles au droit au logement opposable (DALO). Ce qui suppose qu’ils obtiennent des préfets un titre de séjour selon les mêmes critères que les autres ressortissants de l’Union européenne. Ils seraient ainsi soumis aux mêmes conditions que les autres ménages reconnus prioritaires parmi les mal-logés.

Les Rroms doivent pouvoir être dans les mêmes starting-blocks que les autres exclus. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Toute mon action vise à faire en sorte que cette population, avant tout victime du mal-logement, puisse être traitée selon le droit commun. Car il ne faut surtout pas de traitement ou filière spécifiques pour les Rroms, sous peine de renforcer encore la stigmatisation dont ils sont de plus en plus victimes ».

Des condamnations internationales unanimes

La xénophobie des gouvernements français est unanimement dénoncée dans le monde.

Le 29 août 2012, quatre rapporteurs spéciaux de l’ONU ont dénoncé la politique de la France vis-à-vis des Rroms, qui ont estimé la situation française assez grave pour publier une dénonciation des quatre rapporteurs concernés contre « Ces évictions et expulsions alimentent inévitablement le climat d’hostilité déjà préoccupant à l’égard des Rroms en France » : François Crépeau, rapporteur spécial sur les droits des migrants ; Rita Izsak, rapporteure sur la question des minorités ; Raquel Rolnik, rapporteure sur le droit au logement ; Mutuma Ruteere, rapporteur sur le racisme.

De très nombreux organismes publics font les mêmes critiques :

 Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, Avis sur le respect des droits des « gens du voyage » et des Rroms migrants au regard des réponses récentes de la France aux instances internationales, 22 mars 2012 ;

 Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, Rapport 2010-2011, Les Rroms, boucs-émissaires d’une politique sécuritaire qui cible les migrants et les pauvres, février 2012 ;

 Observatoire régional de santé d’Ile-de-France, Situation sanitaire et sociale des “Rroms migrants” en Ile-de-France, janvier 2012 ;

 Centre européen des Droits des Rroms, rapport pour la Commission européenne concernant la légalité de la situation des Rroms en France, septembre 2010 ;

 Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), Rapport sur la France, 29 avril 2010, CRI(2010)16 ;

 Amnesty International, rapports de 2011 et 2013 ;

 Médecins du Monde, rapport sur les conditions de vie des Rroms en France), juillet 2011 ;

 Romeurope, rapport de février 2010 sur la non-scolarisation en France des enfants Rroms migrants.

Des condamnations en justice permanentes

Du fait du consensus PS-UMP-FN, l’ambiance est bonne en France pour tomber sur les Rroms, coupables de tous nos maux. Salauds de pauvres ! Mais dès qu’on s’adresse aux juridictions internationales, la France est condamnée comme voyouse.

Il faut dire que cette xénophobie d’Etat va à l’exact encontre de l’excellente jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme :

« Du fait de leur histoire, les Rroms constituent un type particulier de minorité défavorisée et vulnérable. Ils ont dès lors besoin d’une protection spéciale. Cela implique d’accorder une attention spéciale à leurs besoins et à leur mode de vie propre tant dans le cadre réglementaire considéré que lors de la prise de décisions dans des cas particuliers, non seulement dans le but de protéger les intérêts des minorités elles-mêmes mais aussi pour préserver la diversité culturelle qui est bénéfique à la société dans son ensemble » (CEDH, 16 mars 2010 [GC] Oršuš et autres c. Croatie, n° 15766/03, §§ 147 et 148).

Le Comité Européen des droits sociaux a souvent condamné la France pour sa politique xénophobe :

 Centre européen des Droits des Rroms c. France, n° 51/2008, 19 octobre 2009 ;

 Centre sur les droits au logement et les expulsions (COHRE) c. France, n° 63/2010, 28 juin 2011 ;

 Forum européen des Rroms et des Gens du Voyage c. France, n° 64/2011, 24 janvier 2012 ;

 Médecins du Monde International c. France, n° 67/2011, 11 septembre 2012)

Le CEDS a demandé à La France d’être honnête :

« L’un des principaux éléments de la stratégie globale de lutte contre l’exclusion sociale doit être la mise à disposition de ressources suffisantes, qui doivent être affectées aux objectifs de la stratégie. Enfin, il faut que les mesures répondent qualitativement et quantitativement à la nature et à l’ampleur de l’exclusion sociale dans le pays concerné » (CEDS, Centre européen des Droits des Roms c. France, n° 51/2008, 19 octobre 2009, §§93-94).

La CEDH est régulièrement amenée a condamner la France pour sa pratique de destruction de camps Rroms (CEDH, Winterstein, n° 27013/07, 17 octobre 2013, § 121).

Alors, deux questions à l’andouille Le Foll : tu attends quoi pour mettre en œuvre la politique à laquelle la France s’est engagée, et tu attends quoi pour mobiliser les fonds sociaux européens, réservés et alloués, qui permettront de régler le problème ?
Tant de malhonnêteté, ça me rend malade.

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