Darius, lynché à seize ans

mercredi 18 juin 2014
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : l’Humanité

Darius, lynché à seize ans

Pierre Duquesne

Mercredi, 18 Juin, 2014

Un pan de mur vole au-dessus de la cité des Poètes. Le balai des grues est la seule agitation visible, en ce mardi midi, dans ce quartier de Pierrefitte-sur-Seine, en pleine rénovation.

Les rues, délimitées par des grosses pierres, bordées de grillages provisoires, débouchent parfois sur un terrain vague ou sur des préfabriqués.

Au milieu du ballet incessant des camions et des ouvriers du BTP, un cortège de poussettes se faufile jusqu’à l’entrée de l’école Eugène-Varlin.

Sous l’immense portrait de l’ouvrier typographe, une dizaine de femmes discutent. Il y a des mères et des employées de l’école. La plupart d’entre elles ignorent tout du terrible fait divers qui s’est déroulé à quelques mètres de là. Elles ne sont qu’une ou deux à avoir eu l’info par la radio.

Pour les autres, ce sont les journalistes, venus en nombre de Paris, qui leur racontent précisément ce qu’il s’est passé vendredi dans ce quartier de Seine-Saint-Denis.

L’adolescent est retrouvé inconscient, dans un chariot de supermarché
Tout a commencé de l’autre côté de la nationale 1, en fin d’après-midi. Une douzaine d’individus traversent cette artère qui coupe la ville du nord au sud. Ils pénètrent dans un mini-bidonville face à la cité.

Un ancien pavillon des années 1960, laissé à l’état d’abandon, où des Roumains s’étaient réfugiés depuis plusieurs semaines après avoir été expulsés d’un squat de la ville voisine d’Aubervilliers.

Dans ce campement fait de bric et de broc, les agresseurs enlèvent Darius, un adolescent de seize ans, et l’emmènent de force dans une Clio.

Le jeune Rom sera retrouvé quelques heures plus tard, inconscient, dans un chariot de supermarché, abandonné le long de la nationale.

Dans le coma, l’adolescent était hier soir toujours entre la vie et la mort.

D’après une source policière, il a été violemment roué de coups par des personnes qui le soupçonnaient d’avoir cambriolé un appartement du quartier.

L’auteur de cette tentative de vol avait été mis en fuite par un habitant, qui a ensuite donné une description semblant incriminer Darius.

«  Quelques heures plus tard, un groupe restreint s’est présenté sur le campement et a enlevé le gamin  », a rapporté un enquêteur pour qui les traces de suie retrouvées sur le jeune homme laissent entendre que l’agression aurait eu lieu dans une cave.

«  Ah… on va encore dire du mal de nos jeunes, de notre quartier, de la Seine-Saint-Denis  », redoutait, dès la mi-journée, une des femmes rencontrées devant l’école.

Au même moment, une pluie de réactions tombait dans les rédactions. La première est venue de la place Beauvau.

«  Il appartient exclusivement aux forces de sécurité de faire respecter l’ordre public  », a rappelé le ministre de l’Intérieur.

Prudent, Bernard Cazeneuve a «  condamné avec la plus grande fermeté les violences infligées à un jeune adolescent  ».

Une prudence qui contraste avec les dizaines de communiqués sur «  le lynchage d’un adolescent Rom  », et l’émotion suscitée par une telle agression dans un contexte de libération de la parole xénophobe et raciste.

La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) a dénoncé «  une République dans le coma  » et rappelé une étude de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, selon laquelle 85 % des Français pensent que les Roms exploitent leurs enfants et 78 %, qu’ils vivent essentiellement de vols et de trafics.

Preuve, selon l’association, «  que les préjugés les plus grossiers précèdent les actes les plus abjects  ».

Cette agression est «  la terrifiante conséquence de plusieurs années de politiques publiques inefficaces et de prises de paroles d’élus, de représentants de l’État mais aussi de nombreux médias, entretenant et surfant sur un climat malsain  », a aussi réagi le collectif Romeurope.

La concentration sur un même territoire d’habitants pauvres et l’extrême misère des populations Roms «  créent souvent de nombreux conflits et tensions de voisinage  », a aussi déploré Hervé Bramy, secrétaire départemental du PCF 93, quand Médecins du monde rappelait une «  hausse des violences avec les riverains  ».

Et c’est vrai que certains habitants de la cité des Poètes, à l’instar de Sofia, ne se cachent pas pour dire que le jeune Darius «  l’avait bien cherché  ».

Sans complexe, cette femme dénonce même «  les Roms qui viennent faire leurs excréments à proximité des places de parking  » et déplore même leur «  puanteur  ».

Beaucoup d’autres, néanmoins, évoquent un «  règlement de comptes  », sans y donner forcément un caractère raciste.

«  Il est tombé sur la mauvaise personne quand il a fait son vol, et il l’a payé  », explique, énigmatique, un jeune qui tient le mur.

«  La violence, ici, elle n’est pas arrivée avec des Roms, confie à voix basse une mère venue chercher sa fille à la maternelle. J’ai deux filles au collège et je ne les laisse pas sortir toutes seules. De telles violences peuvent se manifester entre les jeunes eux-mêmes.  » Une version confirmée, hier, en fin d’après-midi, par la procureure de la République de Bobigny, Sylvie Moisson : «  Ce drame n’est pas réductible à une tension entre deux communautés (…), c’est avant tout un acte de barbarie, un lynchage imputable à un groupuscule d’individus.  » Une action menée par un petit groupe animé par un désir de «  vengeance privée  ».

À Pierrefitte, la famille de Darius a en tout cas levé le camp. Seul un chien veillait aux quelques objets abandonnés dans la précipitation, comme cette vieille gazinière gisant devant la maison désaffectée. Une entreprise était déjà sur place hier matin pour la raser au plus vite. Ceux qui y avaient trouvé refuge sont déjà repartis «  en errance  ».


Source : Romeurope

Paris, le 17 juin 2014

Les médias rapportent depuis lundi soir le terrible lynchage d’un jeune de 16 ans vivant dans un bidonville de Pierrefitte-sur-Seine (93).

Entre la vie et la mort depuis vendredi, cet adolescent aurait été séquestré puis roué de coups par des personnes le soupçonnant d’un cambriolage.

Les auteurs de ces actes barbares doivent être identifiés et répondre de leurs actes devant la justice.

Ce fait divers est la terrifiante conséquence de plusieurs années de politiques publiques inefficaces et de prises de paroles d’élus, de représentants de l’État mais aussi de nombreux médias entretenant et surfant sur un climat malsain.

Face aux enjeux posés par la résurgence des bidonvilles dans notre pays, dans lesquels sont cantonnées des familles le plus souvent d’origine roumaine ou bulgare, la réponse n’a été que l’absurde ou l’abject.

La destruction continuelle et intensive des bidonvilles ne fait que rendre les difficultés des familles qui y vivent encore plus compliquées à traiter.
Cette misère entretenue ne suscite que l’indifférence et fait prospérer un racisme qui touche toute la société française.

Ce drame doit entraîner une prise de conscience ainsi qu’un positionnement clair et différent, au plus haut niveau quant à l’urgence de la mise en place d’une politique radicalement différente pour sortir les familles des bidonvilles et de la misère.

Il faut d’urgence poser des actes forts pour arrêter la spirale des violences, sous peine que d’autres drames se produisent.

Rien ne peut justifier et encore moins autoriser de tels actes


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