Espagne, Logements...médias : Si Se Puede ! Quand le peuple fait reculer les banques

mercredi 12 décembre 2018
par  onvaulxmieuxqueca
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On vaulx mieux que ça

Un livre à lire absolument, pour connaître cette lutte essentielle pour le logement digne, mais aussi pour comprendre les manœuvres d’une grande partie des médias espagnoles , par des partis politiques « protecteurs » des banques relier par certains syndicats de police…cela ressemble étrangement à la France.


Source : Entre les lignes entre les mots
Un petit livre utile sur les résistances à la spoliation par les banques, sur le droit au logement et sur l’auto-organisation des citoyen-ne-s.
Didier Epsztajn


Source : Regard

Espagne : « 3,5 millions d’appartements vides, des milliers de gens sans toit ! » 500.000 expulsions depuis 2008, un système d’hypothèque inique, un gouvernement complice des banques… Pourtant, la résistance citoyenne s’organise : désobéissance civile, occupations et recours. Rencontre avec Ada Colau, porte-parole de la Plate-forme des affectés par l’hypothèque (PAH).


Nous sommes en Espagne au temps de la crise.

Beaucoup ne peuvent plus payer leur hypothèque et perdent leur logement, mais des irréductibles se mobilisent : la "Plate-forme des affectés par l’hypothèque" (PAH) compte maintenant deux-cents antennes dans tout le pays. Ce mouvement de résistance citoyen a déjà stoppé plus d’un millier d’expulsions et a permis de reloger tout autant de personnes. Ada Colau, sa porte-parole, explique comment la plate-forme résiste encore et toujours à l’emprise des banques.

Son livre Si Se Puede ! Quand le peuple fait reculer les banques sort en français ce jeudi.

Regards. Chaque semaine, de nouveaux visages rejoignent les assemblées de la Plate-forme des affectés par l’hypothèque (PAH). Y a-t-il encore des personnes menacées de perdre leur logement en Espagne ?

Ada Colau. Bien sûr ! Et ces personnes ne peuvent pas compter sur l’État espagnol qui sauve les banques au lieu de protéger les citoyens. Lorsqu’elles ne peuvent plus payer leurs hypothèques, beaucoup vont chez des parents pour ne pas se retrouver à la rue. Seulement, avec la crise, le chômage a frappé les familles et les prestations sociales arrivent à terme. Il devient maintenant difficile de payer les loyers, ce qui laisse prévoir une nouvelle vague d’expulsions.

L’Espagne compte déjà plus de 500.000 cas d’expulsions. Comment a-t-on pu en arriver là ?

Cette situation résulte d’une politique d’incitation à l’achat de biens immobiliers : de la part du gouvernement avec des avantages fiscaux, de la part des banques avec des crédits à taux d’intérêt très bas. Lors de l’explosion de la bulle en 2008, 90% de la population espagnole accédait à un logement en devenant propriétaire. Et tous ces contrats bancaires avaient été conclus sans expliquer aux gens ce qui se passerait s’ils ne pouvaient pas payer leur hypothèque.

Or avec les exécutions hypothécaires, ils peuvent perdre leur maison tout en conservant leur dette, et même faire perdre leur maison aux personnes qui se sont portées garantes de leur solvabilité. C’est terrible de constater à quel point les gouvernements démocratiques ont radicalisé une politique qui a commencé sous le franquisme, avec un ministre du logement qui disait « Nous allons convertir ce pays de prolétaires en pays de propriétaires ».

« À Madrid, des logements sociaux ont été vendus à Goldman Sachs »

Au milieu de ces drames familiaux, la PAH représente un espoir pour beaucoup..
Il est vrai que beaucoup de personnes concernées se tournent maintenant vers la PAH. Même des travailleurs des services sociaux de l’administration qui se sentent "impuissants" face à la situation renvoient les gens vers la PAH.

Pour faire face à l’urgence de la situation, la PAH demande la dation en paiement (ndlr. c’est-à-dire l’annulation de la dette après saisie du bien). L’Espagne est le seul pays de l’UE dans lequel, si tu ne payes pas ton hypothèque, non seulement tu perds ta maison, mais en plus ta dette ne s’annule pas et continue de grimper.

Cet endettement à vie s’accompagne d’un phénomène d’exclusion sociale : plus de compte en banque, d’abonnement téléphonique, etc. C’est non seulement une violation du droit au logement, mais c’est surtout anti-économique : comment veux-tu que le pays sorte de la crise si toi-même tu ne peux pas en sortir ? Nous voulons que les gens aient droit à une seconde chance. C’est pour cela que nous demandons la dation en paiement, c’est le minimum pour que les gens puissent recommencer leur vie.

Que deviennent tous les biens immobiliers saisis auprès des victimes de l’hypothèque ?

Les banques les rachètent lors de ventes aux enchères, en général à 60% du montant de la mise à prix car il y a peu d’autres candidats à l’achat.

Elles préféreraient ensuite revendre ces logements que de les louer, mais comme 25% de la population est au chômage, il y a très peu de gens avec des capacités économiques. Actuellement, près de 3,5 millions d’appartements sont vides dans le pays, alors même que des milliers de gens sont sans toit !

Est-ce que des mécanismes de relogement ont été mis en place ?

Absolument pas ! Non seulement l’État n’évite pas les expulsions, mais il ne garantit pas le relogement des personnes en difficultés. Les entités régionales ou Comunidad, responsables de la question du logement, vendent même des logements sociaux à de grands investisseurs étrangers pour obtenir de l’argent à court terme. À Madrid, des logements sociaux ont ainsi été vendus à Goldman Sachs, un investisseur qui n’hésite d’ailleurs pas à recourir aux expulsions. Je crois que seule la Grèce avait moins de logements sociaux que l’Espagne en Europe. Et le peu que nous avions, voilà qu’ils le vendent ! Il y a là de multiples violations du droit au logement...

« On a une démocratie séquestrée, avec un gouvernement qui fait les lois pour les banques et non pour les citoyens »

La PAH demande aussi l’arrêt des expulsions...

Non seulement la PAH a réuni l’an dernier un million et demi de signatures pour une initiative législative populaire, mais aussi les juges, le Parlement européen, la Cour de justice de l’Union européenne et même les Nations unies se sont prononcés en faveur d’un moratoire des expulsions, au nom du droit au logement comme devant l’urgence de la situation. Seulement, le gouvernement espagnol continue à légiférer en faveur des banques.

On observe une collusion entre les milieux bancaires et gouvernementaux ?

|Il y a là un phénomène de "porte giratoire" entre les ministères et les conseils d’administration des banques. -

Prenez par exemple l’actuel ministre de l’Économie, Luis de Guindos, il vient du secteur financier.

Président exécutif de Lehman Brothers quand la banque d’affaires américaine a coulé, puis président exécutif de la banque Mare Nostrum qui fut sauvée avec les deniers publics, ce ministre traîne derrière lui toute une histoire d’échecs dans le secteur financier.

Et c’est lui qui est aujourd’hui au ministère de l’Économie pour nous dire comment sortir de la crise.

C’était la même chose sous Aznar avec Rodrigo Rato, qui fut directeur de Bankia et membre du conseil consultatif international de Banco Santander.

Bref, en Espagne, on a maintenant une démocratie séquestrée, avec un gouvernement qui fait les lois pour les banques et non pas pour les citoyens.

La PAH a emprunté toutes les voies du système pour ses revendications. Et maintenant ?

La PAH a interpellé les mairies, les entités régionales ou Comunidad, les partis. Nous avons fait des propositions législatives, déposé des recours devant les juges, etc. Mais le Parlement espagnol ignore ses citoyens.

Maintenant, la population est obligée de recourir à la désobéissance civile pour défendre ses droits, c’est-à-dire l’arrêt des expulsions pour cause de contrats à clauses abusives et le relogement des personnes en difficultés.

Une solution envisagée est par exemple de mettre en location à des tarifs sociaux les appartements vides détenus par des banques, elles-mêmes sauvées par l’argent des contribuables.

Au final, tout le monde en sortirait gagnant : les appartements se maintiendraient en bonne conditions et les personnes ne seraient pas à la rue.

« Nous avons obtenu qu’une centaine de municipalités taxent les appartement vides des banques »


Y a-t-il des chances pour que les banques acceptent la négociation ?

Ce n’est pas évident quand vous voyez que l’année dernière, l’État espagnol n’a pas changé la loi sur les crédits hypothécaires, mais a au contraire réformé celle sur le marché locatif en libéralisant les loyers et en réduisant à zéro les impôts sur les sociétés pour les grands investisseurs étrangers…

La PAH tire sa force de la légitimité que lui donnent les 90% de la population derrière elle, et notre stratégie restera la même : interpeller les administrations pour qu’elles répondent à l’intérêt général, utiliser la désobéissance civile pour négocier avec les banques et garantir le droit au logement, interpeller les institutions internationales, etc.

Quels enjeux les élections européennes recèlent-elles pour vos revendications ?

Beaucoup de juges en profitent pour dénoncer à nouveau le maintien des expulsions en Espagne auprès de la Cour de justice de l’UE.

Cette dernière avait qualifié en février 2013 la loi sur les hypothèques en Espagne d’« illégale » au regard des droits fondamentaux. Ce jugement a eu le mérite de déclencher des prises de décision au cas par cas.

En début d’année, nous avons par exemple obtenu qu’une centaine de municipalités acceptent de taxer les appartement vides des banques, afin d’inciter à des locations comme logements sociaux. C’est l’urgence de la situation qui a fait plier pas mal de mairies, submergées par les demandes de logements qui viennent de la population... Nous espérons une nouvelle intervention de la Cour de l’UE et nous poursuivons nos différentes actions pour mettre fin aux expulsions, avec par exemple l’occupation des banques. Le législatif est un moyen, la désobéissance civile en est un autre quand le législatif ne fonctionne pas.

Si Se Puede ! Quand le peuple fait reculer les banques , par Ada Colau et Adrià Alemany, Éd. Les petits matins, 8,5 euros. Sortie le 17 avril.
 


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