Macron l’avait promis, il ne le fait pas : le budget n’a pas d’évaluation climatique

mercredi 17 octobre 2018
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : Reporterre

Macron l’avait promis, il ne le fait pas : le budget n’a pas d’évaluation climatique

16 octobre 2018 / Émilie Massemin (Reporterre)
Lundi 15 octobre, le projet de loi de finances 2019 est entré en discussion à l’Assemblée nationale. Lors du One Planet Summit de 2017, Emmanuel Macron et Nicolas Hulot avaient promis qu’il intégrerait les engagements climatiques de la France. Un an après, il n’en est rien.

Le projet de loi de finances (PLF) 2019 (PLF 2019) est-il compatible avec les engagements climatiques de la France ?

Alors que le texte est entré en discussion à l’Assemblée nationale lundi 15 octobre, la réponse est… qu’on n’en sait rien.

« On n’a pas de document synthétique qui nous permette de voir d’un côté les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, chiffrés notamment dans la stratégie nationale bas carbone [SNBC], et de l’autre l’évolution de la fiscalité, la disparition des niches fiscales anti-écologiques et les investissements pro et anti-climat », déplore Kevin Puisieux, responsable économie et finance à la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), contacté par Reporterre.

« Aujourd’hui, nous n’avons pas de ce document synthétique mais les équipes de Brune Poirson sont très mobilisées pour retracer le lien entre la SNBC et le PLF 2019 d’ici la fin de l’année. Car on aurait besoin de ce document synthétique pour suivre les dépenses réalisées en faveur de la transition énergétique », assure à Reporterre Bénédicte Peyrol, députée (La République en marche – LREM) de la troisième circonscription de l’Allier, coautrice d’un rapport du comité pour l’économie verte consacré à la fiscalité environnementale.

Pourtant, lors du One Planet Summit en décembre 2017, l’exécutif s’était engagé à deux reprises à décarboner ses futurs budgets à la hauteur de ses engagements. Pendant ce sommet avait été lancée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) l’initiative « Paris Collaborative on Green Budgeting », destinée à bâtir une méthodologie pour aider les gouvernements à aligner leurs budgets avec les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.

« Nous y contribuerons évidemment, pour montrer la répartition du budget chaque année en fonction des objectifs climatiques », avait annoncé le président de la République, Emmanuel Macron, dans son discours de clôture.

Coprésident d’un des quatre groupes de travail de la matinée, le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot avait promis de mener ce travail dès le projet de loi de finances 2019, sans attendre le dévoilement de la boîte à outils de l’organisation internationale. « Comme ce n’était pas dans un discours, c’est passé inaperçu pour beaucoup et nous avons davantage retenu l’engagement formel de la France de travailler à une méthodologie dans le cadre de l’OCDE. Mais il l’a bien annoncé », écrit à Reporterre Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat (RAC).

« Le dossier est coincé entre le ministère de la Transition écologique et solidaire et Bercy »

Aujourd’hui, une fois constatée l’absence de document synthétique final, il est difficile de savoir exactement où en est ce processus. Côté OCDE, « cela ne fait que commencer, indique M. Puisieux. En mai, ils en étaient encore à définir un début de position et les directions de l’organisation avaient du mal à s’entendre entre elles. Soyons francs, il va falloir plusieurs années pour que cette organisation multilatérale s’accorde sur des définitions communes, décide si le travail doit être mené sur tout le budget ligne par ligne ou seulement par blocs et s’entende sur ce qui est vert et ce qui ne l’est pas ».

Côté français, le grand flou règne sur qui est chargé de projet et qui en surveille l’avancement. Contactée par Reporterre, l’OCDE a commencé par dire qu’elle pensait qu’il était peut-être trop tôt pour que l’Hexagone ait intégré des idées de budgétisation verte dans son PLF 2019.

Puis, trois jours plus tard et après avoir lu le texte, un de ses porte-parole a indiqué que « la France avait déjà pris des mesures concrètes pour se rapprocher de l’objectif de budgétisation verte.

Par exemple, le gouvernement a mis en place une structure de reporting complète permettant de mener une analyse économique du climat et sa stratégie pour réduire les émissions de carbone est soutenue par une analyse économique du climat qui accompagne le budget général ». Mais le service presse du ministère de l’Économie et des Finances, qui pourtant pilote l’élaboration du budget, n’avait pas entendu parler de cette démarche et a fini par renvoyer Reporterre à l’hôtel de Roquelaure, siège du ministère de la Transition écologique, qui n’avait pas répondu à nos questions lundi soir.

« Le dossier est coincé entre le ministère de la Transition écologique et solidaire et Bercy, explique M. Puisieux. À Bercy, c’est le bureau de l’environnement qui suit, mais son agenda est très très long. » De manière générale, le troisième — et non le moindre — artisan du projet de loi de finances, le Premier ministre, renâcle dès qu’il s’agit de renforcer la fiscalité écologique, d’après le responsable économie et finances de la FNH. « Il y a un gros verrou au niveau de Matignon. Par exemple, une taxe sur les hydrofluorocarbures [HFC, des gaz notamment utilisés dans les systèmes de réfrigération, les aérosols et la fabrication de mousses isolantes et qui engendrent un effet de serre extrêmement puissant] avait été proposée, qui aurait pu être soutenue par la majorité à l’Assemblée nationale. Mais Matignon a dit non, et le rapporteur général a suivi. »

La question sociale ne doit pas être évacuée

Il reste donc du pain sur la planche avant de confronter le budget de la France et ses objectifs climatiques.

Mais, mettre des colonnes de chiffres côte à côte ne doit pas être une fin en soi, prévient Mme Créach.

« Si on aboutit seulement à un document qui dit qu’il y a des incohérences dans le budget… on le sait déjà.

Un rapport de la Cour des comptes a soulevé une incohérence entre le fait de consacrer de l’argent à la rénovation énergétique à travers le crédit d’impôt pour la transition énergétique [CITE] et de continuer à favoriser les secteurs les plus polluants par le biais de niches fiscales accordées aux énergies fossiles. »

Le RAC a lui-même lancé un observatoire climat-énergie pour contrôler que la France respecte bien ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre, inscrits dans la SNBC et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Résultat, en 2017, nous avons émis 6,7 % de gaz à effet de serre de plus que prévu.

« La question est alors de savoir comment se remettre dans les clous. Parce qu’à chaque fois qu’on dévie des objectifs, il ne se passe rien, poursuit Mme Créach. Nous souhaitons que dès l’année prochaine, l’Élysée ou Matignon impose à chaque ministère de définir une feuille de route budgétaire et réglementaire tenant compte du climat. »

« On reste cantonné au périmètre de ce qu’on considère comme logiquement lié à l’environnement mais on n’a pas le début d’une analyse de l’impact climatique des autres politiques, abonde M. Puisieux. Par exemple, chaque année, on dépense dix milliards d’euros pour orienter l’épargne privée vers une cinquantaine de niches fiscales.

Or, il n’a jamais été évoqué qu’on puisse passer au scanner du climat cette énorme dépense. »

Enfin, la question sociale ne doit pas être évacuée, insiste le responsable économie et finance de la FNH.

En effet, aujourd’hui, la majeure partie de la hausse des recettes de la taxe carbone sert à financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), ce cadeau fiscal accordé aux entreprises sans contrepartie. « Or, des millions de Français vont être mis en difficulté par la hausse du prix des carburants.
L’argent récolté doit aider ces gens soit à changer de mode de transport, soit à rénover leur logement pour dépenser moins en chauffage. » « Plus la fiscalité verte augmente et moins les solutions pour la transition énergétique sont soutenues, moins cette fiscalité verte sera bien vécue », alerte Mme Créach.


QUELLES SONT LES MESURES ENVIRONNEMENTALES DU PLF 2019 ?

Ces propositions sont issues du projet de loi dévoilé le 24 septembre dernier par le gouvernement. Il a déjà été quelque peu modifié par la commission des finances de l’Assemblée nationale.

• Énergies fossiles
o Poursuite de la hausse de trajectoire de la taxe carbone et de la convergence de la fiscalité entre le diesel et l’essence. Cela se traduira par une hausse de la fiscalité de 6,50 centimes d’euro par litre pour le diesel et de 2,9 centimes d’euro par litre pour l’essence.
o Suppression de la niche fiscale sur le gazole non routier dont bénéficient certains secteurs d’activités comme le bâtiment ou la logistique. Gain espéré pour l’État, un milliard d’euros dès 2019.
• Rénovation énergétique des bâtiments
o Proprogation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), jusqu’en 2019, avec un budget en baisse (800 millions d’euros). Report d’un an de sa transformation en prime.
o Prorogation de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) simplifié jusqu’à fin 2021.
o Augmentation du montant moyen du « chèque énergie » de 150 à 200 euros par an en 2019.
o « Sécurisation » des financements de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) afin de poursuivre l’objectif de 75.000 rénovations thermiques par an.

• Énergies renouvelables
o Investissements de 7,3 milliards d’euros en 2019 dans des projets d’énergies renouvelables à travers le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », soit une hausse de 1,3 %.

• Transports
o Maintien de la prime à la conversion de 1.000 euros, doublée pour les ménages non imposables.
o Maintien aussi de la prime à l’achat d’un véhicule électrique (6.000 euros). Objectif du gouvernement, se débarrasser des 500.000 véhicules polluants d’ici la fin du quinquennat.

• Déchets
o Refonte de la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP-d) incluant une trajectoire de hausse sur les déchets stockés ou incinérés et la réduction à 5,5 % du taux de TVA applicable à certaines opérations de prévention et de valorisation des déchets.

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