29 mars 2019 Algérie : Répression : Les « coups de cœur » du pouvoir

vendredi 29 mars 2019
par  onvaulxmieuxqueca
popularité : 47%

 Source : ElWatan.com

Répression : Les « coups de cœur » du pouvoir

Tous les moyens étaient bons pour bloquer, dissuader et rendre difficiles les marches. Fini le recours à la force. Mais face à la volonté du peuple, les tentatives ont échoué. El Watan Week-end revient sur les nouvelles tendances du gouvernement en matière de répression.

Internet brouillé

Depuis le début du mouvement contre le régime actuel et pour une nouvelle République, à la veille et chaque vendredi, jour de grande protestation, des coupures répétitives d’internet et la forte baisse de débit sont dénoncés à travers le pays.

On pourrait imaginer la chose comme une pure coïncidence, comme on pourrait aussi la considérer comme la tendance DZ de la répression 2.0.

En tout cas, parmi les internautes algériens, c’est surtout la deuxième hypothèse qui est la plus suspectée.

Selon ces derniers, si le réseau internet est brouillé un peu partout en Algérie chaque vendredi, c’est pour limiter l’accès aux réseaux sociaux, au fort partage de vidéos et photos des rassemblements et manifestations contre le gouvernement Bouteflika.

Chose qui n’a visiblement pas affecté la propagation des appels, des vidéos et des photos qui ont été relayés à travers le monde. A cet effet, le premier accusé, Algérie Télécom, n’a pas manqué de nier toute implication et dégagé une quelconque responsabilité dans cette histoire.

Pour sa part, l’organisation internationale Netblocks, spécialisée dans la lutte contre la censure et la surveillance du web, a affirmé que le réseau internet a été perturbé dans plusieurs régions d’Algérie, notamment Alger et ses environs depuis la veille du 22 février dernier.

« L’Observatoire Internet NetBlocks a identifié plusieurs perturbations internet régionales en Algérie à compter du vendredi 22 février 2019, alors que les Algériens étaient sortis dans la rue pour manifester. Les données indiquent que plusieurs réseaux ont été hors ligne de manière intermittente à partir de 20h UTC jeudi (21 février, ndlr), affectant plusieurs régions d’Alger et ses environs.

Des perturbations régionales spécifiques ont été identifiées à Bordj Menaïel, à Tizi Ouzou et à l’est de Chlef… Jeudi soir, des missions diplomatiques étrangères ont émis des alertes pour avertir que des manifestations pourraient avoir lieu dans tout le pays le vendredi 22 et le 24 février 2019.

Plusieurs utilisateurs ont corroboré les pannes et signalé des problèmes de connexion à internet au cours des jours précédents… », explique l’organisation sur son site officiel.

Fermeture des pages Facebook, cyberattaque et fake news

Plusieurs administrateurs de pages et groupes Facebook, journalistes, militants, influenceurs l’ont dénoncé depuis le début du mouvement populaire. Signalements en série, fermeture des pages et comptes, suppression de publications et vidéos, piratage, réduction de possibilité d’interactivité… la cyberattaque a atteint son pic sur la sphère DZ des réseaux sociaux.

Premières cibles, les pages du contre-pouvoir, leurs administrateurs, profils, publications et événements appelant à manifester contre le système et soutenant le mouvement populaire.

L’origine ?
Pour quel but ?
Pourquoi à ce moment précis ?
Des rumeurs, il y en a, mais rien ni personne ne les a confirmées jusqu’à présent. La plus répandue des hypothèses : celle du gouvernement qui mène une opération pour contrer la révolte sur les réseaux sociaux afin de déstabiliser la mobilisation et l’efficacité du hirak.

D’ailleurs, au sujet de cette histoire, la boîte de communication Innomedia-Novasup, à sa tête Ahmed Karim Benmansour, neveu et fils de la sœur des frères Bouteflika, et son associé Ryad Oussedik, est dans le collimateur. Selon certains hommes d’affaires proches du clan Bouteflika qui préfèrent garder l’anonymat par peur de représailles, l’agence serait à l’origine de la cyberattaque.

Ayant son siège dans une bâtisse de plusieurs étages au quartier La Colonne, à Hydra, la boîte a installé une sorte d’armée numérique sur les réseaux sociaux, composée de plusieurs dizaines de jeunes recrutés et rémunérés grassement pour créer et gérer des faux comptes. Leur principale mission : perturber, déstabiliser et affaiblir le mouvement populaire.

Par ailleurs, d’après la même source, le plan d’action de ces faux profils se résume en la création d’un maximum de faux comptes, la diffusion d’un maximum de fake news tous les jours afin de semer le doute, la panique et manipuler le peuple, la récupération des pages de millions d’abonnés, la fermeture des pages du contre-pouvoir et le piratage des admis…

Suspension Métro-Tram tous les vendredis

Selon les informations publiées dans le quotidien El Khabar du lundi 25 mars, c’est sur les instructions du wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, que ça se passe. Chaque vendredi depuis le début des manifestations contre le gouvernement Bouteflika le 22 février dernier, les liaisons du métro et du tramway de la wilaya d’Alger sont suspendues quelques heures avant la prière du vendredi jusqu’au soir, dans le but d’empêcher les manifestants d’atteindre le centre de la capitale.

D’ailleurs, selon les infos relayées par la même source, cette décision aurait causé plus de 1.8 milliard de dinars de perte à l’entreprise Métro d’Alger.

Intimidations des employés du secteur public

« Coups de cœur » du gouvernement en matière de répression : semer la peur, menaces, sanctions et intimidations sur les employés du secteur public. Depuis le début du hirak, des victimes, il y en a eu.

Parmi les tout récents, les magistrats qui ont rejoint le mouvement populaire il y a deux semaines en manifestant devant la Cour suprême à Alger pour une nouvelle République. C’est ce qu’affirme un document de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH).

Selon la Ligue, les juges de la cour de Tipasa se sont retrouvés sous la menace de mesures conservatoires de la part de la présidente de la cour. « Des suspensions et des mutations seraient en préparation contre eux. Cette présidente reproche aux juges leur ralliement à la cause du peuple et d’avoir tenu un rassemblement pacifique devant la cour, le dimanche 17 mars 2019 », explique le communiqué de LADDH.

Par ailleurs, le secteur des médias n’est pas en reste.

Après la vague de démissions des journalistes et techniciens des chaînes de télévision et de radio, publiques et privées, les sit-in et manifestations des employés du secteur se multiplient pour dénoncer la censure et réclamer un traitement libre et transparent du mouvement populaire.

Cette semaine encore, une vidéo d’une minute 25 secondes a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Elle montre Tarek Loumassine, journaliste à la radio nationale Chaîne 3, en train de prendre la parole lors d’un énième sit-in des professionnels de l’EPTV, tenu lundi dernier au boulevard des Martyrs.

Encore une fois, le journaliste a dénoncé la pression et la répression opérées par les responsables de l’entreprise publique sur les employés. « Il faut que l’on soit tous ensemble parce qu’aujourd’hui le problème de la radio nationale n’est pas le journaliste, le réalisateur ou encore le technicien…

Si on doit recevoir des consignes, qu’ils aient le courage de nous les faire par écrit… Parce qu’ils ont peur de l’écrit… J’ai eu la chance, il y a quelques jours, de voir un de mes collègues défendre de bon matin la diffusion d’un emballé, on l’a appelé pour lui dire tel sujet ne passera pas », a dénoncé Tarek Loumassine.

Concernant le collègue en question, il s’agirait du journaliste de la même station, Brahim Mazouz, qui a au final réussi à publier son emballé après 15 minutes de bagarre par téléphone avec sa responsable. « Aujourd’hui, chacun a ses prérogatives et sa responsabilité. Le chef d’édition, le rédacteur en chef, le directeur de la chaîne, le directeur de l’information… mais on a tous la même mission.

On ne va rien lâcher, il faut qu’on se batte, qu’on mette en place un charte pour la déontologie, une ligne de conduite et la ligne éditoriale de la radio, ce ne sont pas les responsables qui la font, mais nous, les journalistes », a-t-il ajouté.


Commentaires