Vélo, sécurité alimentaire, taxation des riches.. La sphère écolo pousse pour un « après » plus vert

mercredi 13 mai 2020
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : reporterre

Vélo, sécurité alimentaire, taxation des riches.. La sphère écolo pousse pour un « après » plus vert

12 mai 2020 / Hortense Chauvin et Lorène Lavocat (Reporterre)

La pandémie, en révélant les failles du fonctionnement néolibéral de notre société, a ouvert la voie aux appels et propositions pour un « monde d’après » différent. Les initiatives, issues des associations, des syndicats ou des partis politiques, se multiplient. Mobilité, agriculture, urgence sociale, éducation, santé, financement, Reporterre a recensé une partie des propositions récentes.

Le 16 mars dernier, Emmanuel Macron affirmait solennellement que « le jour d’après ne [serait] pas un retour au jour d’avant ». Le président s’en mordrait-il les doigts ? Car si le gouvernement semble bien décidé à privilégier le sauvetage des entreprises, associations, syndicats et partis l’ont pris au mot. Depuis quelques temps déjà se multiplient les appels et les propositions pour le « monde d’après ».
Rien que la semaine du 4 mai, pas moins de six initiatives ont vu le jour, portées par des ONG, des laboratoires d’idée (think tanks) ou des organisations politiques. Sans oublier l’offensive médiatique de Nicolas Hulot, le 6 mai, qui a déployé ses « 100 principes pour créer un élan collectif ».

Dernier en date, un recueil illustré intitulé Et si… ?, porté par Alternatiba, esquisse « ce à quoi pourrait ressembler le monde de demain si était mise en œuvre la métamorphose écologique et sociale de nos territoires ».

Un foisonnement d’initiatives tous azimuts… au risque de noyer le message ?

« Cette ébullition montre que nous sommes à un moment charnière, à un carrefour historique, assure Véronique Andrieux, directrice du WWF. La société française est prête, elle veut peser et faire entendre sa voix. »

Même son de cloche à France Nature Environnement : « Loin d’être dilué, notre message est de plus en plus présent, et repris, c’est le signe d’un changement qui s’opère », estime Arnaud Schwartz, président de la fédération. Côté politique, Alain Coulombel, porte-parole d’EELV, constate également une « accélération des convergences de propositions » : « Cette crise sanitaire met les organisations politiques et les ONG face à leur responsabilité, dit-il. Il nous revient de dessiner un arc de propositions pour l’après. »

La pandémie a mis un pied dans la porte du néolibéralisme, il s’agit désormais de l’ouvrir en grand.

« Cette crise rend recevables des propositions qui semblaient totalement inatteignables jusqu’à présent », analysait Nicolas Hulot dans l’entretien donné au Monde.

D’où l’offensive apparemment désordonnée de la société civile, qui espère enfin faire passer ses mesures écologiques et sociales. Et ce d’autant plus que les forces conservatrices se sont aussi mises en ordre de bataille et que nombre d’acteurs associatifs redoutent le « spectre de 2008 » : «  Il ne s’agit pas de retomber dans le soutien aux activités les plus émettrices en gaz à effet de serre, qui ne fera qu’exacerber le risque climatique en figeant le système économique sur le long terme », précisait le Réseau Action Climat dans une note parue mi-avril. Ainsi, pour le chercheur François Gemenne, « il est très important que les associations environnementales fassent entendre leurs voix actuellement, pour faire du contre-lobbying.

On observe une offensive des lobbies en ce moment, pour sauver l’économie d’avant. Le moment que nous vivons est au contraire l’occasion d’investir afin de faire advenir une économie décarbonée ».

Mais quel « monde d’après » nous dessine-t-on au juste ? Reporterre présente quelques-unes des mesures annoncées dans le « bouillonnement » de la semaine dernière.

Mobilité

Le secteur des transports est un des plus polluants : il est responsable de 29 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. Afin de réduire ses effets sur le climat, 70 associations proposent, dans un Appel commun pour la reconstruction publié le 7 mai, de conditionner le sauvetage des industries du secteur, notamment automobile et aéronautique, à leur respect de normes environnementales.

« Les aides publiques accordées à ces entreprises doivent être soumises à leur mise en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone », dit Marie Chéron, responsable « mobilité » au sein de la Fondation Nicolas-Hulot pour la Nature et l’Homme (FNH).

Les voitures particulières représentent aujourd’hui près de 16 % des émissions françaises de gaz à effet de serre. Alors que le secteur automobile traverse actuellement une profonde crise, Marie Chéron suggère de mettre en place un « contrat de transition » avec l’industrie, qui permettrait de sauver des emplois tout en accélérant le virage du secteur vers l’électrique.

Elle propose notamment de mettre en place des prêts à taux zéro pour l’achat de véhicules électriques et de renforcer le bonus écologique.

Même son de cloche du côté du Shift Project. Le groupe de réflexion a publié, mercredi 6 mai, un plan de transformation de l’économie française, qui propose toute une série de mesures afin de décarboner l’économie dans un contexte post-Covid.

Sur la question automobile, les auteurs insistent sur la nécessité de favoriser l’écoconception des véhicules et de développer le recyclage au sein de la filière.

Autre piste pour diminuer l’effet environnemental des transports : construire une « ville des courtes distances », où la place de la voiture serait réduite et le recours à des moyens de transport sobres (comme le vélo) encouragé.

Afin d’atteindre cet objectif, le Réseau Action Climat a demandé au gouvernement de débloquer un fonds d’urgence pour le vélo de 500 millions d’euros, qui permettrait de « rendre la solution vélo accessible au plus grand nombre » et d’éviter un report modal des transports en commun vers la voiture individuelle lors du déconfinement.

La généralisation du télétravail est également présenté par le Shift Project comme une solution prometteuse pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées au transport, [à condition de maîtriser les effets rebonds associés à cette pratique.

Le journaliste Olivier Razemon, dans le recueil de textes Et si...? , abonde : « Plus encore que le télétravail, la “démobilité” doit primer : limiter les déplacements au nécessaire.

Cela n’est possible qu’à condition de relocaliser les services, les commerces, les ressources numériques, dans les villes, les quartiers, les bourgs. »

Sur la question de la mobilité longue distance, le Shift Project recommande de développer massivement l’usage du train, notamment à travers la mise en place de tarifications avantageuses. Afin de réduire l’attractivité de l’avion et de la voiture, les auteurs du rapport proposent également de multiplier le nombre de lignes de train longue distance et d’augmenter leur fréquence. Une refonte de notre mobilité qui pourrait aller de pair, selon les auteurs, avec une valorisation des déplacements touristiques sobres, c’est-à-dire moins lointains ou plus lents.

Agriculture et alimentation

« La crise du coronavirus a mis en lumière l’importance de la profession agricole et les questions d’indépendance alimentaire, observe Arnaud Gauffier, du WWF. Des voix s’élèvent notamment en faveur d’une relocalisation de la production alimentaire. » Rarement en effet les enjeux de résilience et d’autonomie n’auront été autant abordés.

Le 7 mai dernier, à l’initiative du WWF, plusieurs acteurs et observateurs du monde agricole ont ainsi planché sur la question de la « souveraineté protéique ».

Car, si notre pays compte nombre d’animaux, nous ne produisons qu’une petite partie des protéines végétales nécessaires à leur alimentation.

« On importe environ 4,8 millions de tonnes de soja directement ou indirectement chaque année en France », dit M. Gauffier.

Avec des conséquences non négligeables en matière de déforestation.

Pour y remédier, Pierre-Marie Aubert, expert agriculture à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), pousse pour une « transition protéique » : « Aujourd’hui, nous consommons 100 grammes de protéines par jour, dont les deux tiers venant de protéines animales, dit-il. Or, nous n’avons besoin, d’un point de vue nutritionnel, que de 50 g par jour, qui pourraient provenir aux deux tiers de protéines végétales. »

Autrement dit, l’avenir de l’agriculture passera par une diminution importante de notre consommation de viande. Et donc par une hausse de la production de légumineuses (lentilles, pois chiche…)

Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, prône le développement des élevages paysans et insiste sur l’importance de produire le plus localement possible les ressources nécessaires à l’alimentation du bétail : « Il faut revenir à un modèle de polyculture-élevage, avec une diversification des cultures sur la ferme ou sur un territoire, dit-il. Cet élevage pourra notamment valoriser des prairies, des surfaces en herbe où l’on ne peut pas faire pousser autre chose. »

Le tout via des changements de pratiques agronomiques, vers plus d’agroécologie.

Ces changements structurels demandent donc de « revoir le modèle agricole », dit le responsable paysan. Afin d’y parvenir, tous ces acteurs mettent en avant une sortie des accords de libre-échange mais aussi des incitations fiscales et des investissements de la part de l’État en vue de développer la filière protéines végétales en France.
Dans le recueil Et si… ?, l’ex-eurodéputé José Bové invite à se battre contre la réforme en cours de la Politique agricole commune (PAC) européenne, qui « prépare le renforcement de la concurrence entre les paysans des État-membres, ouvre également la porte aux Gafam[Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft] qui préparent une agriculture 2.0, où les tracteurs téléguidés par GPS, les robots, les datas et les drones envahiront nos campagnes ». Et de conclure : « Nous devons donc peser de tout notre poids pour définir des règles collectives globales fondées non pas sur la compétition mais sur la coopération (…) non pas sur le profit, mais sur l’entraide. »

Dans la même optique, le Shift Project conseille de donner aux collectivités les moyens « pour coordonner la construction de systèmes alimentaires territoriaux résilients » et « relocaliser les filières ».

Et parce qu’il faudra bien des gens pour porter la transition agricole, le groupe de réflexion pousse pour des politiques ambitieuses afin de « multiplier par trois le nombre d’actifs agricoles en une génération » : une vingtaine de fermes disparaît chaque jour en France et la population agricole devrait encore diminuer d’un quart d’ici 2030, si rien n’est fait.

Urgence sociale

« On est à la porte de très grandes difficultés sociales », constate Alain Coulombel, porte-parole d’Europe Écologie-Les Verts (EELV). Ce parti a publié, mercredi 6 mai, ses propositions pour « répondre à l’urgence sociale », selon les mots du secrétaire national, Julien Bayou : « La crise sanitaire a mis à jour et aggravé les inégalités, dit-il, ce qui était présent et invisible est à présent à vif. »

Il faut avant tout répondre à la crise sociale par des mesures de revenu, préconisent les écologistes : une allocation d’urgence de 500 euros par mois pour les bénéficiaires des minimas sociaux jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, ainsi que 300 euros par foyer pour les 1,6 à 1,9 million de personnes à revenus modestes ayant perdu plus de 30 % de leurs revenus. Sans oublier l’ouverture du revenu de solidarité active (RSA) aux 18-25 ans, une mesure qu’EELV souhaiterait voir pérenniser.

Pour faire face à la catastrophe du mal-logement, les Verts demandent un moratoire sur les expulsions, avec une prise en charge des loyers impayés par l’État. Ils proposent aussi une augmentation de 50 % du chèque énergie.

Selon EELV, les cantines ont également un rôle à jouer pour atténuer les difficultés croissantes d’accès à l’alimentation pour les plus précaires. « En cas de maintien de la fermeture des restaurants scolaires et universitaires, il faudrait proposer des paniers-repas aux jeunes et aux étudiants jusqu’à la fin de l’année scolaire », dit M. Coulombel.

Le parti écologiste recommande la mise en place d’un fonds d’urgence pour toutes les associations qui ont œuvré pendant le confinement « pour pallier les manquements de l’État », selon la sénatrice Esther Benbassa, qui revendique également la régularisation des sans-papiers et la fermeture des centres de rétention administrative, « dont plusieurs sont devenus des lieux de propagation du virus ». Un programme ambitieux, que les Verts ont estimé à 10,3 milliards d’euros.

« Le “quoiqu’il en coûte” prôné par le gouvernement ne doit pas s’appliquer qu’au sauvetage des entreprises, mais également pour faire face à la crise sociale », dit Eva Sas, porte-parole.

À moyen terme, différents auteurs du recueil Et si... ? ont pensé un futur marqué par plus de justice sociale. Membre de l’association Médiation nomade, Yazid Kherf imagine ainsi « que nous soyons capables de revoir notre capacité à vivre ensemble ».

Pour ce faire, il espère qu’une police et une justice plus égalitaires voient le jour : « Imaginons qu’au lieu d’être la norme, l’enfermement soit l’exception. Qu’au lieu de mettre les gens derrière les barreaux, on leur rappelle qu’ils peuvent se rendre utiles, et on cherchera alors à faire grandir leurs qualités, au lieu d’attiser leurs défauts. »

Quant à l’avenir du travail, la sociologue Dominique Méda insiste pour une « relocalisation de nos productions et un investissement massif dans la transition écologique [qui] devraient permettre d’organiser une certaine autosuffisance des régions et des territoires tout en étant très créateurs d’emplois utiles » : une telle transformation nécessitera, selon la chercheuse, « d’organiser [le travail] autrement, autour d’unités de plus petite taille, au fonctionnement beaucoup plus démocratique », « de nouvelles normes internationales permettant d’éradiquer le dumping [moins-disant] social et environnemental », ainsi qu’une « revalorisation des emplois socialement utiles et un resserrement de l’échelle des revenus. »

Éducation

L’éducation aux enjeux environnementaux doit faire partie intégrante de la stratégie de décarbonation de la société, selon le Shift Project. À l’heure actuelle, l’écologie reste toujours à la marge au sein des programmes scolaires. Même constat au niveau universitaire : peu de formations accordent une importance suffisante à l’environnement.

D’où la nécessité, selon le groupe de réflexion, de placer l’environnement au cœur des programmes : « Il apparaît indispensable que les étudiants reçoivent un enseignement sur l’état de la planète et sur les enjeux de résilience et de sobriété auxquels notre société est désormais confrontée. »

Une ambition partagée par François Gemenne : « Nous avons besoin que les politiques et les citoyens soient sensibilisés aux enjeux environnementaux, souligne le chercheur. À ce titre, il est important de doter chaque citoyen d’une formation aux méthodes scientifiques, afin que tout le monde puisse comprendre comment la science fonctionne. »

« L’éducation à la nature permet l’établissement d’un lien affectif fort entre les personnes et leur environnement. Elle transforme ainsi notre rapport au monde et construit une société plus respectueuse des écosystèmes et des cycles naturels », enchérit l’écologue Dimitri de Boissieu dans une tribune publiée par Reporterre, dans laquelle il propose de taxer la publicité afin de financer des programmes d’éducation à l’environnement.

Outre la création d’un socle de formation à l’environnement commun à l’ensemble des étudiants, le Shift Project propose de réorienter la recherche finalisée (c’est-à-dire tournée vers des objectifs déterminés à l’avance) vers des projets compatibles avec la transition écologique. Il insiste également sur la nécessité de renforcer la recherche fondamentale, qui peut selon lui « aider à atteindre les objectifs de la transition, notamment en sciences humaines et sociales. »

Dans l’immédiat, la priorité est d’éviter le décrochage scolaire et l’accroissement des inégalités entre les élèves du primaire et du secondaire, selon EELV : le parti propose de mettre en place, à partir du moins d’août, un plan d’accompagnement scolaire à destination des élèves en difficulté n’ayant pas pu être suivis pendant le confinement.

À plus long terme, le chercheur en pédagogie et professeur Philippe Meirieu suggère de réinventer nos méthodes d’apprentissage : dans le recueil Et si...?, il propose de rendre les classes plus hétérogènes et de changer les méthodes d’évaluation afin de faire de l’école « le lieu de la recherche et de la découverte, de l’accès de toutes et tous au plaisir d’apprendre et à la joie de comprendre ».

Santé

La pandémie a mis en lumière le manque de moyens des hôpitaux publics et des personnels soignants.

À ce titre, les 70 associations signataires de l’Appel commun pour la reconstruction appellent à « revaloriser les métiers du soin, plus que jamais nécessaires », et investir massivement dans le système de santé. « Le “monde d’après” nous le voulons juste, centré sur l’intérêt du plus grand nombre et non sur la recherche du profit au bénéfice de quelques-uns », ajoutent 330 soignants et soignantes dans une tribune publiée fin avril.

Au-delà, le coronavirus a montré les liens entre la dégradation de l’environnement et la santé humaine. « La déforestation galopante, l’expansion incontrôlée de l’agriculture, l’agriculture intensive, l’exploitation minière et le développement des infrastructures, ainsi que l’exploitation des espèces sauvages ont créé une “tempête parfaite” pour la propagation des maladies de la faune sauvage à l’homme », rappellent quatre experts de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), le « Giec de la biodiversité ».

D’où la nécessité de renforcer la prise de conscience des interconnexions entre la santé du vivant, le dérèglement climatique et la santé humaine.

« Les liens entre écologie et santé ne sont pas suffisamment faits, assure Félix Ledoux, président de la Fédération nationale des étudiant.e.s en soins infirmiers.

Il faut sensibiliser les étudiants en santé aux enjeux climatiques. »

Un constat partagé par le Shift Project, qui souhaite que les personnels soignants puissent suivre une formation sur le sujet. Il est également essentiel, selon lui, de développer une médecine préventive attentive aux risques sanitaires que présentent la pollution et le dérèglement du climat.

Un autre grand chantier à initier une fois passée la pandémie devra être la décarbonation du système de santé.

Son empreinte carbone est en effet importante, notamment en raison des très nombreux déplacements qu’il génère et de son utilisation massive de produits à usage unique.

Afin de diminuer le poids environnemental du secteur, le Shift Project propose, entre autres, d’améliorer l’accessibilité des services de santé par des moyens de transport sobres, de rénover les bâtiments hospitaliers et de réduire leur consommation d’énergie. Autre impératif pour construire un système de santé plus vert : réfléchir à des substituts au matériel jetable, notamment via la stérilisation des outils médicaux.

Relocaliser la production du matériel médical devrait également permettre de renforcer la résilience du secteur, et donc sa capacité à faire face à d’autres crises sanitaires.

Financement

Comment financer ces plans de reconstruction ?

Tout d’abord en évitant de soutenir des activités néfastes pour l’environnement ou la justice sociale, répondent en chœur les organisations.

Cette « conditionnalité » des aides au respect de critères écologiques et sociaux revient en effet dans toutes les propositions. Greenpeace souhaite même aller plus loin. Rapport à l’appui, l’ONG a appelé, jeudi 7 mai, à interdire par la loi la rémunération des actionnaires dès lors que celle-ci repose sur des activités néfastes pour le climat.

Pour Clément Sénéchal, de Greenpeace, « tant qu’il sera permis d’être à la fois “criminel du climat” et “as des dividendes”, il ne sera pas possible de faire émerger une économie décarbonée ». Et de poursuivre : « La relance de l’économie doit être l’occasion de transformer le contrat social qui lie les multinationales à la collectivité, d’instaurer un partage de l’effort efficace. »

« Partager les efforts », voilà aussi l’idée d’Attac. Mardi 5 mai, le mouvement a rendu publique une série de mesures fiscales qui permettraient de dégager, selon leurs calculs, 128 milliards d’euros par an « pour sortir de la crise tout en mettant fin à l’injustice fiscale ».

Parmi les mesures proposées qui pourraient être adoptées courant mai, quand le Parlement sera amené à voter une troisième loi de finances rectificative : prélever une contribution exceptionnelle sur le patrimoine des 1 % les plus riches ; rétablir et rénover l’impôt de solidarité sur la fortune [1] ; rétablir la progressivité de l’imposition des revenus financiers ; supprimer les niches fiscales inutiles et les exonérations antiécologiques ; instaurer la taxation unitaire des multinationales pour lutter contre l’évasion fiscale ; taxer l’ensemble des transactions financières.

Du côté de la Fondation Nicolas-Hulot, on prône une « mise en commun des moyens budgétaires européens, [qui] se fera par la mutualisation des dettes », afin de créer « un fonds européen de relance et de transformation écologique de plusieurs milliers de milliards d’euros ».

« La hausse de l’endettement public ne doit pas justifier le retour de politiques d’austérité, prévient encore la fondation. Ce fonds doit donc s’accompagner d’une révision du pacte de stabilité pour sécuriser les investissements massifs dont nous avons besoin ¬— partout en Europe — pour construire une économie sobre et résiliente. » De l’Europe au local, la FNH préconise également de doter les collectivités de moyens importants, afin de leur « permettre de rénover tous les bâtiments publics, de développer une mobilité durable accessible à tous et des systèmes alimentaires durables en circuits courts ».

Au-delà du financement, nombre d’organisations et de groupes de réflexion mettent en avant la question de la gouvernance : « En 2008, les citoyens n’ont pas été associés aux décisions, cela ne doit pas se reproduire, estime ainsi Rémi Rousselet de l’association Démocratie ouverte, proche des Gilets citoyens à l’origine de la convention citoyenne pour le climat. Pour construire le monde d’après, il ne faut pas une grande messe ni une petite plateforme… il faut un processus plus cadré, plus ambitieux, avec une mobilisation et une participation massive des citoyens. »

« On est là et ça ne se fera pas sans nous »

Jour après jour, la société civile organisée esquisse donc un ambitieux programme de transformation écologique et sociale.

La liste des propositions s’allonge, sans pourtant que les classes dirigeantes ne montrent d’empressement à se les approprier.

Pour Rémi Rousselet, de Démocratie ouverte, le « monde d’après » n’adviendra pas par la seule volonté — minime — des dirigeants : « Il faut que les citoyens se mobilisent massivement. » Mais comment agir dans une société régie par un nouveau paradigme de mise à distance physique ? Rassemblements, manifestations, désobéissance civile… le répertoire d’actions des mouvements sociaux est actuellement réduit à peau de chagrin.

« On peut construire une mobilisation forte en ligne, un peu sur le modèle de l’Affaire du siècle [Lancée fin 2018, la pétition contre « l’inaction climatique de l’État » avait recueilli plus de deux millions de signatures], pense M. Rousselet. Cette communauté de signataires peut ensuite solliciter, interpeller les élus et décideurs. Il faut montrer qu’on est là et que ça ne se fera pas sans nous. »

« Le gouvernement ne bouge que sous la pression, affirme aussi Eva Sas, porte-parole d’EELV. Multiplier les propositions, montrer que l’on peut faire autrement, c’est notre manière de mettre la pression, de pousser à une prise de conscience. »

Julien Bayou se montre moins optimiste, arguant qu’« il existe peu de raison d’imaginer que le gouvernement prenne la mesure des changements », tout en défendant la démarche : « Ce n’est pas parce qu’on n’est pas entendus qu’il faut s’arrêter de hurler, dit-il.

Il y a une attente phénoménale, un besoin énorme de justice sociale et d’écologie. » La sénatrice Esther Benbassa observe aussi un « bouillonnement souterrain qui peut éclater à nouveau à tout moment » : « On sort de plusieurs mois de mobilisation sociale inédite, avec les Gilets jaunes, le mouvement contre la réforme des retraites… Tout ne s’est pas arrêté avec le confinement, dit-elle. Quoique fasse le gouvernement, ça ne passera pas comme une lettre à la poste. »

« On est là et ça ne se fera pas sans nous »

Jour après jour, la société civile organisée esquisse donc un ambitieux programme de transformation écologique et sociale. La liste des propositions s’allonge, sans pourtant que les classes dirigeantes ne montrent d’empressement à se les approprier.

Pour Rémi Rousselet, de Démocratie ouverte, le « monde d’après » n’adviendra pas par la seule volonté — minime — des dirigeants : « Il faut que les citoyens se mobilisent massivement. »

Mais comment agir dans une société régie par un nouveau paradigme de mise à distance physique ?

Rassemblements, manifestations, désobéissance civile… le répertoire d’actions des mouvements sociaux est actuellement réduit à peau de chagrin.

« On peut construire une mobilisation forte en ligne, un peu sur le modèle de l’Affaire du siècle [Lancée fin 2018, la pétition contre « l’inaction climatique de l’État » avait recueilli plus de deux millions de signatures], pense M. Rousselet. Cette communauté de signataires peut ensuite solliciter, interpeller les élus et décideurs. Il faut montrer qu’on est là et que ça ne se fera pas sans nous. »

« Le gouvernement ne bouge que sous la pression, affirme aussi Eva Sas, porte-parole d’EELV. Multiplier les propositions, montrer que l’on peut faire autrement, c’est notre manière de mettre la pression, de pousser à une prise de conscience. » Julien Bayou se montre moins optimiste, arguant qu’« il existe peu de raison d’imaginer que le gouvernement prenne la mesure des changements », tout en défendant la démarche : « Ce n’est pas parce qu’on n’est pas entendus qu’il faut s’arrêter de hurler, dit-il. Il y a une attente phénoménale, un besoin énorme de justice sociale et d’écologie. » La sénatrice Esther Benbassa observe aussi un « bouillonnement souterrain qui peut éclater à nouveau à tout moment » : « On sort de plusieurs mois de mobilisation sociale inédite, avec les Gilets jaunes, le mouvement contre la réforme des retraites… Tout ne s’est pas arrêté avec le confinement, dit-elle. Quoique fasse le gouvernement, ça ne passera pas comme une lettre à la poste. »
Source : Hortense Chauvin et Lorène Lavocat pour Reporterre

Dessin : © Étienne Gendrin/Reporterre

Photos :
. vélo : © Justine Guitton-Boussion/Reporterre
. fromages : © Victor Point/Reporterre
. maraude : © Christoph de Barry/Reporterre
. enfant : © Dimitri de Boissieu
. hôpital : © Patrick Hertzog/AFP


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