Aurélie Trouvé : « Nous avons l’alternative à l’extrême droite et à la droite des riches »

mercredi 12 mai 2021
par  onvaulxmieuxqueca
popularité : 44%

source :Reporterre
Entretien — Politique

Aurélie Trouvé : « Nous avons l’alternative à l’extrême droite et à la droite des riches »

Pour Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, la vitalité des mouvements sociaux contraste avec la faiblesse de la gauche et de l’écologie électorales.

Peut-être que les politiques pourraient s’inspirer de leur créativité et de leur élan de convergence s’ils veulent éviter l’arrivée de l’extrême-droite à l’Élysée.

Aurélie Trouvé est chercheuse et porte-parole de l’association Attac, qui fait partie du collectif Plus jamais ça, créé début 2020. Le collectif rassemble des syndicats, des associations écologistes et des organisations de solidarité.


Reporterre — Pourquoi avez-vous manifesté hier, à Paris, pour le climat ?

Aurélie Trouvé — Avec le collectif Plus jamais ça et des centaines d’autres organisations, nous voulions dénoncer la faiblesse de la loi Climat et le fait qu’elle ait été vidée de toute ambition écologique.

En réalité, seules 10 % des propositions de la Convention citoyenne ont été reprises par Emmanuel Macron.

Dans le texte de loi, aucune mesure concrète ne s’attaque au défi climatique ou aux intérêts des multinationales polluantes. Le gouvernement continue sa politique en faveur des plus riches et sert son électorat de droite à un an de la présidentielle. Il est complètement irresponsable d’un point de vue écologique et cette manifestation avait pour but de le faire apparaître clairement.

Plusieurs syndicats de travailleurs ont rejoint l’appel à manifester, est-ce inédit ?

En effet, la FSU, la Confédération paysanne, Solidaires et la CGT étaient présents dans le cortège.

Depuis la révolte des Gilets jaunes, l’urgence écologique et l’urgence sociale ne s’opposent plus. On sait qu’il faut s’attaquer aux deux, dans un même élan. Au sein du collectif Plus jamais ça, on promeut la création de millions d’emplois dans la transition écologique et dans les services publics. On défend cette idée dans la rue, ensemble. On vient d’ailleurs de remporter une victoire symbolique en faveur de l’usine de papier recyclé de la Chapelle Darblay.

La semaine dernière, avec les syndicats, on a occupé Bercy pendant une journée jusqu’à ce que le gouvernement s’engage à ne pas laisser cette entreprise fermer. Le coup de pression a fait avancer la situation. Quand on arrive à s’allier sur des sujets concrets, les organisations environnementales et les syndicats peuvent remporter de grandes batailles.

« Être dans la rue et occuper l’espace public comptent énormément dans le rapport de force », estime Aurélie Trouvé.

On a aussi parfois l’impression que le gouvernement s’en contrefiche. Hier Le Journal du dimanche affirmait qu’Emmanuel Macron renonçait à l’idée d’un référendum sur le climat alors que 115 000 personnes manifestaient dans la rue au même moment. À quoi sert-il encore de manifester ?

Le problème est que si on ne fait rien, on ne risque pas non plus d’avancer. Être dans la rue et occuper l’espace public comptent énormément dans le rapport de force. On l’a vu au moment des Gilets jaunes. Alors, ces marches pour le climat, évidemment, ne sont pas l’alpha et l’oméga, mais elles représentent des points de rencontre, des moments de conjonction entre les luttes. Elles mêlent une diversité de collectifs, des grandes organisations et des luttes plus locales contre la bétonisation ou les grands projets inutiles. Hier, étaient présents par exemple à Paris, les militants contre l’urbanisation du triangle de Gonesse. C’est important. On a besoin de se retrouver et de se compter. Plus il y a de monde dans la rue, plus ça peut faire frémir le gouvernement et plus ça peut peser dans les débats et les projets politiques.

« Il existe des mouvements sociaux avec de la vitalité mais la gauche et l’écologie restent faibles dans les urnes. »

Il ne vous aura pas échappé que des élections très importantes auront lieu dans un an. Avec le collectif Plus jamais ça, nous voulons montrer qu’on peut former un arc de force large avec des propositions radicales, écologiques et sociales. Aujourd’hui, il existe des mouvements sociaux avec de la vitalité mais la gauche et l’écologie restent faibles dans les urnes. Pour l’instant, elles ne représentent que trop peu l’espoir de conquérir le pouvoir et de transformer la société.

Cette défaillance de la gauche et des écologistes est-elle le principal problème aujourd’hui ?

Disons que dans le champ associatif et militant, les choses bougent.

On innove dans nos façons de lutter, de se parler, de se rassembler.

On a su dépasser des différences de cultures.

On a créé du collectif. On a pu l’observer contre la réforme des retraites, sur le climat, ou lors de la marche pour la liberté — et clairement, oui, cela tranche avec la difficulté de se rassembler sur des bases radicales dans le camp de la gauche et de l’écologie électorales. Je crois que la société civile est en avance par rapport au politique.

Un des objectifs du collectif « Plus jamais ça » est de peser sur le champ électoral avec le poids de nos idées.

Nous voulons mettre en avant un projet anti-productiviste et anti-néolibéral. Notre projet se veut radical au sens où il vient critiquer les racines du système. Malgré notre diversité, on avance ensemble en s’appuyant sur des groupes locaux et sur leurs luttes.

« Pour nous, dit Aurélie Trouvé, la dette Covid doit être payée par une contribution exceptionnelle des plus riches et des multinationales. »

Cette alliance est essentielle et je crois personnellement qu’il va falloir la pousser encore plus loin, et converger aussi avec les milieux antiracistes, le mouvement féministe et ceux qui défendent une nouvelle approche de la démocratie.

L’extrême-droite est aux portes du pouvoir avec Marine Le Pen.

Le danger est imminent. Il va falloir réfléchir à des grandes mobilisations pour bloquer son avancée et affirmer que nous avons des projets de société alternatifs à l’extrême droite du RN et à la droite des riches d’Emmanuel Macron.

À quoi ressemblerait ce projet de société alternatif ?

Il repose sur trois idées phares : « une planète vivable pour demain », « un emploi digne pour tous », « une démocratie et une égalité réelles ». La valeur cardinale qui nous réunit est la justice, qu’elle soit environnementale, fiscale, sociale ou contre l’impunité policière dans les quartiers.

Concrètement, on appelle à créer des millions d’emplois dans la transition et à mieux répartir le temps de travail avec la semaine de 32 heures.

On souhaite lancer un plan d’investissement public très important et conditionner tout euro public versé aux entreprises à des contreparties écologiques et sociales. On veut mettre en place une révolution fiscale.

Pour nous, la dette Covid doit être payée par une contribution exceptionnelle des plus riches et des multinationales. À très court terme, on se mobilise aussi pour exiger le renforcement de la protection sociale pour les plus précaires, l’abandon de la loi sur l’assurance chômage et la mise en place d’un RSA jeune.


C’est maintenant que tout se joue…
La communauté scientifique ne cesse d’alerter sur le désastre environnemental qui s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale dans le traitement de l’actualité.
Contrairement à de nombreux autres médias, nous avons fait des choix drastiques :
• celui de l’indépendance éditoriale, ne laissant aucune prise aux influences de pouvoirs. Reporterre est géré par une association d’intérêt général, à but non lucratif. Nous pensons qu’un média doit informer, et non être un outil d’influence de l’opinion au profit d’intérêts particuliers.
• celui de l’ouverture : tous nos articles sont en libre accès, sans aucune restriction. Nous considérons que s’informer est un droit essentiel, nécessaire à la compréhension du monde et de ses enjeux. Ce droit ne doit pas être conditionné par les ressources financières de chacun.
• celui de la cohérence : Reporterre traite des bouleversements environnementaux, causés entre autres par la surconsommation, elle-même encouragée par la publicité. Le journal n’affiche donc strictement aucune publicité. Cela garantit l’absence de lien financier avec des entreprises, et renforce d’autant plus l’indépendance de la rédaction.
En résumé, Reporterre est un exemple rare dans le paysage médiatique : totalement indépendant, à but non lucratif, en accès libre, et sans publicité.
Le journal emploie une équipe de journalistes professionnels, qui produisent chaque jour des articles, enquêtes et reportages sur les enjeux environnementaux et sociaux. Nous faisons cela car nous pensons que la publication d’informations fiables, transparentes et accessibles à tous sur ces questions est une partie de la solution.
Vous comprenez donc pourquoi nous sollicitons votre soutien. Des dizaines de milliers de personnes viennent chaque jour s’informer sur Reporterre, et de plus en plus de lecteurs comme vous soutiennent le journal. Les dons de nos lecteurs représentent plus de 97% de nos ressources. Si toutes les personnes qui lisent et apprécient nos articles contribuent financièrement, le journal sera renforcé. Même pour 1 €, vous pouvez soutenir Reporterre — et cela ne prend qu’une minute. Merci.
Soutenir Reporterre
https://reporterre.net/dons
Précisions
Source : Gaspard d’Allens pour Reporterre
Photos : .chapo : Aurélie Trouvé en compagnie de Philippe Martinez à la marche climat du 9 mai 2021. © Anna Kurth/Reporterre
. Autres photos de la marche climat du 9 mai © Anna Kurth/Reporterre


Commentaires

Agenda

Array

<<

2024

 

<<

Avril

 

Aujourd’hui

LuMaMeJeVeSaDi
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
293012345
Aucun évènement à venir les 6 prochains mois