Épisode 2/7 : Clichy-sous-Bois, vingt ans après : quel héritage politique ?
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Source : France Culture
Épisode 2/7 : Clichy-sous-Bois, vingt ans après : quel héritage politique ?
Par Ouafia Kheniche ⸱ Publié le lundi 27 octobre 2025
En 2005, trois semaines de violences embrasent la France. À l’époque, les habitants des quartiers se mobilisent pour tenter d’apaiser la situation. Une démarche politique mais vingt ans plus tard, que reste-t-il de cet engagement citoyen dans les quartiers populaires ?
Vingt ans plus tard, que reste-t-il de cet engagement citoyen dans les quartiers populaires ?
En octobre 2005, la mort de Zyed, 17 ans, et Bouna, quinze ans, déclenchent à Clichy sous Bois tristesse et colère. D’abord dans la ville, puis un peu partout en France, dans les quartiers populaires. A l’époque, Mohamed Mechmache, éducateur, tente avec d’autres de ramener le calme dans les rues de sa ville. Rapidement, il sent la nécessité de donner la parole aux habitants et crée le collectif AC le Feu.
"Quand on dit émeutes, on disqualifie toute revendication politique. Et nous, quand on a entendu une bonne partie de ces politiques qui n’arrêtaient pas de faire du matraquage sur le mot "émeutes", nous on a dit on va au contraire donner un sens à ce qui s’est passé et on va démontrer que ce n’était pas juste une "émeute", mais bien une colère sociale. On est parti faire le Tour de France pendant six mois. On a recueilli plus de 200 000 doléances. On a demandé à être reçus à l’Assemblée nationale. A l’époque, Monsieur Debré, qui était président de l’Assemblée nationale, nous avait demandé de laisser toutes nos doléances chez le gardien. Nous n’avons pas été entendus, et maintenant on paye les pots cassés. Et donc on restera ce fameux réservoir de coupables."
Une absence de réponse politique face à une colère sociale profonde
Cette fin de non-recevoir aura des conséquences. Au moment de la mort de Naël, un jeune homme tué en 2023 à Nanterre par un policier. Marie-Hélène Bacqué, professeur émérite à l’université Paris Nanterre :
"La mort de Naël n’a pas du tout été suivie d’une prise en compte politique. Et j’ai été frappée par le fait que, par exemple, des éducateurs de rue que je connais depuis longtemps, disaient : "cette fois, nous, on descendra pas dans la rue pour faire le tampon" parce qu’on en peut plus. Non, ça c’est complètement inutile. On nous prend pour des imbéciles. Donc oui, c’est assez catastrophique, y compris en tant que chercheur. J’ai vécu exactement la même chose. Après les révoltes, on nous a demandé si on acceptait d’être reçus à l’Elysée par Monsieur Macron ou par son cabinet. Finalement, on n’a pas été reçus et on nous a demandé de faire un résumé en une page de nos recherches. Et je crois qu’aujourd’hui il y a un vrai enjeu politique à ce que bien les classes populaires aient enfin une place dans le champ politique."
"J’ai 33 ans, j’ai été soumis à 24 contrôles de police"
Salim Idrissi fait de la politique en Seine et Marne où il est né et travaille à Clichy sous Bois. Ce diplômé de Sciences Po Paris a choisi d’intégrer les services publics de la ville où sa mère est née et où vit toujours une partie de sa famille. Politiquement, il revendique l’héritage du collectif AC Le Feu. Né il y a 20 ans.
"À cette époque là, j’ai treize ans. Je suis de la génération de Ziad et Bouna est donc forcément issu d’une minorité visible comme eux ayant été soumis à des contrôles de police comme eux. Ce drame, forcément, marque. Et ça conduit aux prémices de mon engagement militant et de mon engagement politique. J’ai 33 ans, j’ai été soumis à 24 contrôles de police. Pour moi, aujourd’hui, j’ai une frustration par rapport aux contrôles au faciès et aux contrôles de police. Mais est ce que j’ai les moyens de faire vivre, de transformer cette frustration en combat et de la faire vivre, à l’Assemblée nationale, au conseil municipal ou au sein du gouvernement ?"
Aux Prochaines élections municipales Salim Idrissi est candidat sans étiquette à Chelles.
