Les travailleurs de Ford en Russie s’apprêtent à faire grève

vendredi 21 juin 2013
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : industri All

Les travailleurs de Ford en Russie s’apprêtent à faire grève

20.06.2013

Le syndicat interrégional des travailleurs de l’automobile (ITUA) a prévu de faire grève le 24 juin chez Ford à Vsevolozhsk, Russie, sur la question des salaires et des conditions de travail.

Le syndicat ITUA affilié à IndustriALL Global Union signale que la direction de Ford à Vsevolozhsk, ville située à 25 km à l’est de Saint-Pétersbourg, a été informée de la grève prévue pour le 24 juin. La grève commencera à 8 heures 30 du matin.

Auparavant, durant les négociations collectives, les travailleurs et travailleuses ont rejeté une proposition de la direction portant sur une augmentation de 8,6 pour cent des salaires. Sur ce chiffre, 6,6 pour cent servent à compenser l’inflation, ce qui laisse seulement 2 pour cent d’augmentation en termes réels.

Le salaire mensuel moyen dans l’usine est d’environ 940 euros. Les travailleurs et travailleuses demandent une hausse qui porterait le salaire à 1.150 euros (50.000 roubles).

“Nous savons que le niveau réel de l’inflation en Russie est supérieur au taux officiel. La productivité de la main-d’œuvre est très élevée dans notre usine. Toutefois, nos salaires sont insuffisants pour donner une éducation décente à nos enfants, obtenir des soins médicaux de qualité et une retraite normale, de bonnes vacances et des logements confortables,” a déclaré Alexander Kashitizin, président de la section de l’ITUA chez Ford à Vsevolozhsk.

Kashitizin note que les bénéfices de l’entreprise sont en augmentation constante, et que la part du coût du travail est faible dans les dépenses générales.

Les autres questions dans l’usine concernent les mauvaises conditions de travail, la formation insuffisante en matière de santé et de sécurité, l’absence de pauses en été quand la température est élevée, comme le stipule la législation russe du travail. En novembre-décembre 2012, la main-d’œuvre de Ford a mené une grève du zèle pour protester contre les conditions de travail.

L’usine Ford à Vsevolozhsk, Russie, est connue pour le militantisme de sa section syndicale qui a fait grève à huit reprises depuis 2006.


Lire pour comprendre l’histoire ouvrière des Ford en Russie

Grève à Ford Russie

Carine Clément *

Le 20 novembre 2007 à minuit la chaîne de montage s’est arrêtée. Sur les 2200 salariés de l’usine Ford-Vsevolojsk (région de Saint-Pétersbourg), 1500 participent à la grève. La direction a réagi en interdisant l’entrée de l’usine aux ouvriers de l’équipe du du matin. Elle a même fait appel aux OMONs (les CRS russes) pour bloquer l’entrée. Depuis, chaque jour, des centaines d’ouvriers tiennent meeting permanent devant l’usine, veillant à ne pas laisser passer d’éventuels briseurs de grève.

Dans un élan d’enthousiasme, ils dansent et chantent. Les salariés de la cantine, en grève eux aussi, distribuent thé et sandwichs. Atmosphère euphorisante et enthousiasme de se retrouver ensemble uni au combat pour ses droits. La principale revendication des grévistes porte sur le niveau de salaire, dont ils demandent un relèvement de 30%. Pour le moment le salaire moyen dans l’usine tourne autour de 19000 roubles (550 Euros).

L’affaire fait beaucoup de bruit, en lien avec les mouvements massifs de grève en France et dans d’autres pays d’Europe – on peut entendre les ouvriers scander : « La France nous montre la voie à suivre, hourra ! », et également en lien avec les prochaines élections parlementaires, qui se tiendront le 2 décembre 2007.

Surtout, l’opinion publique et même les syndicats traditionnels de la Centrale FNPR, pourtant hostile par principe à tout conflit ouvert avec les directions d’entreprise, commencent à bouger. Une lettre publique signée par vingt sociologues du travail, demandant une libéralisation du Code du travail concernant la réglementation du droit à la grève, a été publiée par plusieurs journaux. Les syndicats et collectifs d’autres entreprises du pays, et également de l’étranger, envoient des messages de soutien.

Des piquets de soutien à la grève ont été organisés à Saint-Pétersbourg et à Moscou. Le président de la FNPR, Mikhail Chmakov – allié de « Russie unie » aux élections [le parti de Poutine] – ose parler publiquement de la nécessité de réviser le Code du travail, adopté pourtant en 2001 par ses soins et ceux du parti du pouvoir.

En revanche, la direction de Ford Russie, pour le moment, déclare refuser toute négociation avant la cessation de la grève. Les grévistes ont été prévenus qu’ils ne seront pas payés. Ceux des salariés qui acceptent de signer une déclaration formelle de non-participation à la grève ont reçu la promesse de recevoir les deux tiers de leur salaire pour « chômage forcé ».

Sentant que la grève allait se prolonger, les grévistes réunis en assemblée générale le 22 novembre ont décidé à l’unanimité de se scinder en deux groupes :

l’un reprend le travail pour être rémunéré un minimum ; l’autre poursuit la grève et le meeting permanent à l’entrée de l’usine. « De toute façon, - explique Alexeï Etmanov, le président du syndicat de l’usine, ça ne suffira pas pour faire repartir la production et ne fera qu’aggraver les pertes financières dues à la grève. »

Le cas des « Fordistes » est assez unique et exemplaire pour la Russie. Un jeune syndicat sorti de la confédération traditionnelle FNRP il y a deux ans, un travail de terrain continu des leaders syndicaux pour faire comprendre aux ouvriers que le syndicat, c’est eux tous et non pas une agence de services en connivence avec la direction, une stratégie d’union syndicale offensive.

A l’initative du comité syndical de Ford est ainsi né cet été le Syndicat interrégional des travailleurs de l’automobile, regroupant des syndicats indépendants de plusieurs grandes entreprises, notamment l’usine Lada à Togliatti (où a eu lieu une grève – férocement réprimée – début août) et l’usine Renault-Autoframos à Moscou. C’est donc un cas exemplaire de syndicat combatif soutenu par la majorité des salariés.

C’est à la suite de la première grève des « Fordistes » (conclue par la signature d’un accord collectif), en février dernier, que le mouvement de grève a commencé à se développer dans le pays.

Des dizaines de cas de grèves ont été répertoriés depuis. La plupart du temps, du fait de la législation du travail régressive et de la répression patronale, elles se sont terminées par des licenciements, des sanctions disciplinaires et des condamnations pour « grève illégale ».

Derniers exemples en date : la grève des dockers du port de Tuapse (4-7 novembre 2007), puis de Saint-Pétersbourg (13-17 novembre 2007), et celle de la Poste de St-Pétersbourg (26 octobre 2007). Les deux premières ont été arrêtées par décision de justice.

La troisième – grève du zèle en fait – s’est terminée par le licenciement de trois responsables du syndicat des camionneurs de la Poste. Mais l’épidémie se propage malgré les répressions. Le 28 novembre est annoncée une grève des cheminots appartenant au syndicat indépendant RPLBJ.

La grève, même pas entamée, fait déjà l’objet d’un procès engagé par la direction. Les cheminots se déclarent néanmoins prêts à passer à l’acte. Les revendications portent sur la réglementation du salaire et sur le droit du syndicat minoritaire à participer aux négociations collectives.

Un vent de grèves souffle donc sur la Russie. Même si la dimension est moindre par rapport à ce que connaît la France, la radicalité du changement est à remettre dans le contexte russe, où les grèves avaient pratiquement disparu depuis le début des années 2000, date de l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Changement dans les mentalités, dans la conception de ce qu’est un syndicat, dans les pratiques solidaires qui se mettent en place.

Changement de génération aussi avec l’arrivée de jeunes ouvriers refusant de brader leur force de travail, revendiquant juste la reconnaissance de leur qualification et moins imprégnés par les représentations paternalistes traditionnelles vis-à-vis du patronat et des syndicats.

Ces changements sont liés également aux évolutions socio-économiques. Une croissance économique stable, une élévation des profits et des salaires du management, une inflation galopante – tous ces facteurs s’accumulent pour faire monter le mécontentement. A cela s’ajoutent les incidences de la mondialisation en Russie.

Les conflits du travail touchent particulièrement les multinationales, les ouvriers voyant comment fonctionnent les syndicats des autres pays et mesurant l’écart entre leurs salaires et ceux des ouvriers d’autres pays.

Enfin, le facteur-clé est fourni par la seconde vague (après celle du début des années 1990) de création de syndicats indépendants, constitués le plus souvent par la base, à partir d’un noyau d’ouvriers plus conscientisés que la moyenne.

En bref, si ce n’est pas comparable aux mouvements qui embrasent la France, les germes d’un changement de tendance sont indéniables. Et ni les élections, ni les répressions n’y feront rien. Les transformations, essentiellement qualitatives, sont bien plus profondes.

* Carine Clément est sociologue et dirige l’Institut de l’Action Collective (Moscou). Nous avons déjà publié sur les grèves en Russie des articles de Carine Clément, entre autres le 18 août 2007.
(24 novembre 2007)


suite

Russie : Victoire chez Ford

http://onvaulxmieuxqueca.ouvaton.org/spip.php?article3282


Grève chez FORD
Un exemple exceptionnel des nouvelles revendications en Fédération de Russie.

Grève à Ford Russie

Le 20 novembre à minuit la chaîne de montage s’est arrêtée. Sur les 2200 salariés de l’usine Ford-Vsevolojsk (région de Saint-Pétersbourg), 1500 participent à la grève.

La direction a réagi en interdisant l’entrée de l’usine aux ouvriers du poste du matin. Elle a même fait appel aux OMONs (les CRS russes) pour bloquer l’entrée.

Depuis, chaque jour, des centaines d’ouvriers tiennent meeting permanent devant l’usine, veillant à ne pas laisser passer d’éventuels briseurs de grève. Dans un élan d’enthousiasme, ils dansent et chantent. Les salariés de la cantine, en grève eux aussi, distribuent thé et sandwichs. Atmosphère euphorisante et enthousiasme de se retrouver ensemble uni au combat pour ses droits.

La principale revendication des grévistes porte sur le niveau de salaire, dont ils demandent un relèvement de 30%. Pour le moment le salaire moyen dans l’usine tourne autour de 19000 roubles (550 Euros). L’affaire fait beaucoup de bruit, en lien avec les mouvements massifs de grève en France et dans d’autres pays d’Europe – on peut entendre les ouvriers scander « la France nous montre la voie à suivre, hourra ! », et également en lien avec les prochaines élections parlementaires, qui se tiendront le 2 décembre.

Surtout, l’opinion publique et même les syndicats traditionnels de la Centrale FNPR, pourtant hostile par principe à tout conflit ouvert avec les directions d’entreprise, commencent à bouger. Une lettre publique signée par vingt sociologues du travail, demandant une libéralisation du Code du travail concernant la réglementation du droit à la grève, a été publiée par plusieurs journaux. Les syndicats et collectifs d’autres entreprises du pays, et également de l’étranger, envoient messages de soutien.

Des piquets de soutien à la grève ont été organisés à Saint-Pétersbourg et à Moscou. Le président de la FNPR, Mikhail Chmakov – allié de « Russie unie » aux élections – ose parler publiquement de la nécessité de réviser le Code du travail, adopté pourtant en 2001 par ses soins et ceux du parti du pouvoir.

En revanche, la direction de Ford Russie, pour le moment, déclare refuser toute négociation avant la cessation de la grève. Les grévistes ont été prévenus qu’ils ne seront pas payés. Ceux des salariés qui acceptent de signer une déclaration formelle de non-participation à la grève ont reçu la promesse de recevoir les deux-tiers de leur salaire pour « chômage forcé ».

Sentant que la grève allait se prolonger, les grévistes réunis en assemblée générale le 22 novembre ont décidé à l’unanimité de se scinder en deux groupes : l’un reprend le travail pour être rémunéré un minimum, l’autre poursuit la grève et le meeting permanent à l’entrée de l’usine.

« De toute façon, - explique Alexeï Etmanov, le président du syndicat de l’usine, ça ne suffira pas pour faire repartir la production et ne fera qu’aggraver les pertes financières dues à la grève ».

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Le cas des « Fordistes » est assez unique et exemplaire pour la Russie.

Un jeune syndicat sorti de la confédération traditionnelle FNRP il y a deux ans, un travail de terrain continu des leaders syndicaux pour faire comprendre aux ouvriers que le syndicat, c’est eux tous et non pas une agence de services en connivence avec la direction, une stratégie d’union syndicale offensive. A l’iniative de comité syndical de Ford est ainsi né cet été le Syndicat interrégional des travailleurs de l’automobile, regroupant des syndicats indépendants de plusieurs grandes entreprises, notamment l’usine Lada à Togliatti (où a eu lieu une grève – férocement réprimée – début août) et l’usine Renault-Autoframos à Moscou.

C’est donc un cas exemplaire de syndicat combattif soutenu par la majorité des salariés. C’est à la suite de la première grève des « Fordistes » (conclue par la signature d’un accord collectif), en février dernier, que le mouvement de grève a commencé à se développer dans le pays. Des dizaines de cas de grèves ont été répertoriés depuis. La plupart du temps, du fait de la législation du travail régressive et de la répression patronale, elles se sont terminées par des licenciements, des sanctions disciplinaires et des condamnations pour « grève illégale ».

Derniers exemples en date : la grève des dockers du port de Tuapse (4-7 novembre), puis de Saint-Pétersbourg (13-17 novembre), et celle de la Poste de St-Pétersbourg (26 octobre).

Les deux premières ont été arrêtées par décision de justice. La troisième – grève du zèle en fait – s’est terminée par le licenciement de trois responsables du syndicat des camionneurs de la Poste. Mais l’épidémie se propage malgré les répressions. Le 28 novembre est annoncée une grève des cheminots appartenant au syndicat indépendant RPLBJ.

La grève, même pas entamée, fait déjà l’objet d’un procès engagé par la direction. Les cheminots se déclarent néanmoins prêts à passer à l’acte. Les revendications portent sur la réglementation du salaire et sur le droit du syndicat minoritaire à participer aux négociations collectives. Un vent de grèves souffle donc sur la Russie.

Même si la dimension est moindre par rapport à ce que connaît la France, la radicalité du changement est à remettre dans le contexte russe, où les grèves avaient pratiquement disparu depuis le début des années 2000, date de l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine.

Changement dans les mentalités, dans la conception de ce qu’est un syndicat, dans les pratiques solidaires qui se mettent en place. Changement de génération aussi avec l’arrivée de jeunes ouvriers refusant de brader leur force de travail, revendiquant juste reconnaissance de leur qualification et moins imprégnés par les représentations paternalistes traditionnelles vis-à-vis du patronat et des syndicats.

Ces changements sont liés également aux évolutions socio-économiques. Une croissance économique stable, une élévation des profits et des salaires du management, une inflation galopante – tous ces facteurs s’accumulent pour faire monter le mécontentement. A cela s’ajoutent les incidences de la mondialisation en Russie.

Les conflits du travail touchent particulièrement les multinationales, les ouvriers voyant comment fonctionnent les syndicats des autres pays et mesurant l’écart entre leurs salaires et ceux des ouvriers d’autres pays. Enfin, le facteur-clé est fourni par la seconde vague (après celle du début des années 90) de création de syndicats indépendants, constitués le plus souvent par la base, à partir d’un noyau d’ouvriers plus conscientisés que la moyenne.

En bref, si ce n’est pas comparable aux mouvements qui embrasent la France, les germes d’un changement de tendance sont indéniables. Et ni les élections, ni les répressions n’y feront rien. Les transformations, essentiellement qualitatives, sont bien plus profondes.

Carine Clément

http://convoisyndical.free.fr/?-Russie-


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