Meurtre de Crépol : les mécanismes de la violence chez les jeunes
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Source : France-Culture
Les Matins
Meurtre de Crépol : les mécanismes de la violence chez les jeunes
Jeudi 23 novembre 2023
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-l-invite-e-des-matins/meurtre-de-crepol
Dimanche dernier, un adolescent de 16 ans est décédé suite à un affrontement entre bandes de jeunes à la sortie d’un bal de village. Nous nous interrogeons ce matin sur les mécanismes de violence entre bandes de jeunes.
Avec
• Marwan Mohammed Sociologue, chargé de recherche au CNRS (Centre Maurice Halbwachs).
Un éclairage sur la sémantique de la sociologie des banlieues
Si l’on parle couramment de rixes, pour qualifier les violences qui ont lieu entre des bandes de jeune, Marwan Mohammed préfère le terme "embrouille" dans son dernier ouvrage Y’a Embrouille : Sociologie des rivalités de quartier (Stocks Essais, 2023) : "le terme rixe est polysémique, elle peut renvoyer autant à des rivalités de quartier ou à une bagarre à la sortie d’une fête, mais sans pour autant être relié à un territoire."
Le sociologue revient également sur la notion de violences urbaines : "ce terme a une histoire, elle a émergé dans les années 1990 puis poussée par les services de renseignement de l’époque, qui se sont forgés une expertise autour des banlieues.
Derrière ces violences, il y a des règlements de compte, l’économie souterraine, puis des actions qui pouvaient relever du terrorisme.
C’est une catégorie fourre-tout. Il me paraît alors nécessaire de saisir la complexité de ces violences collectives pour les comprendre et agir dessus de manière efficace. Les violences honorifiques, les rivalités entre quartiers ne se règlent pas de la même manière que les violences sexistes et sexuelles que l’on aperçoit dans l’espace public. Ces violences diffèrent aussi des violences liées à l’économie souterraine."
Comment ces jeunes vivent-ils ces embrouilles ?
Marwann Mohammed explique qu’intégrer une bande et rentrer dans l’engrenage de l’embrouille permet à des jeunes d’accéder à une reconnaissance et de s’exprimer au travers de cette bande, dans la mesure où ces jeunes cumulent des marginalités et des handicaps sociaux tels que l’échec scolaire.
Le sociologue explique que ces embrouilles n’impactent pas seulement ces jeunes, mais également leur entourage et même leur environnement : "il suffit d’habiter dans tel ou tel territoire pour devenir la cible de vos rivaux, quand la situation est tendue, certains jeunes cessent d’aller à l’école de peur de se faire attraper, d’autres y viennent la boule au ventre. Et même ceux qui animent ces embrouilles voient leur liberté considérablement réduite. Ils deviennent obligés de sortir en bande, parfois armés. C’est une réelle charge mentale."
Il insiste également sur le faible lien entre ces rivalités de bandes et le trafic de drogue : "ce sont deux logiques différentes : le trafic de drogue a une logique d’économie criminelle qui a pour finalité le profit. Les rivalités de quartier ont pour finalité une distinction honorifique, un capital immatériel. Il peut même y avoir une certaine contradiction entre les deux."
Le drame de Crépol rentre-t-il dans les analyses de violences urbaines ?
Selon Marwann Mohammed, "à moins qu’il ne soit prouvé lors de l’enquête que le meurtre du jeune Thomas ait été commis dans le cadre de rivalités entre différentes bandes de jeune, ce drame ne rentre pas dans les mêmes configurations que ces rivalités de quartiers. Néanmoins, sans excuser l’acte, comment expliquer un tel déchaînement de violence ?"
La présence de vigile à l’entrée du bal interroge également : que révèle cette présence ? "le développement du marché de la sécurité privée s’est développé massivement en parallèle de l’explosion médiatique des enjeux de sécurité. Cela date de plusieurs décennies. Bien qu’avant dans les fêtes de village la sécurité n’était pas assurée par des entreprises de société privée, une forme de sécurité était toujours assurée, car il est habituel que des lieux de fête soient des lieux de bagarre".
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