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Source : Mércé.hu

Existe-t-il une tradition d’éducation au mouvement en Hongrie ?

Barbara Gecsé
Vendredi 10 mars 2023

Le but de la pédagogie critique est la reconnaissance commune de l’oppression et la libération collective des peuples. La pédagogie de la libération l’est parce qu’elle est l’antichambre de l’auto-organisation. Si vous reconnaissez l’oppression et croyez que vous pouvez être libre, alors vous pouvez commencer à lutter collectivement pour votre liberté.

L’ École d’Affaires Publiques dispense depuis près de 10 ans une formation de pédagogie critique de six jours et réalise une éducation politique basée sur une approche pédagogique critique.

D’une part, la collection de textes intitulée "Pédagogie de la libération" fournit des connaissances théoriques sur les racines et l’esprit nationaux et étrangers de la pédagogie critique, et d’autre part, elle contribue à l’intégration du travail et de l’approche pédagogiques critiques dans les communautés en présentant différentes méthodes et pratiques.

Nous avons discuté avec Tessza Udvarhelyi, la rédactrice en chef du volume et la fondatrice de Közélet Iskolaja, de ce que la pédagogie critique signifie pour elle, quel est son pouvoir libérateur et pourquoi elle est nécessaire dans les mouvements.
Pédagogie critique à l’École de la vie publique

"Quand les gens demandent ce que fait l’École de la vie publique, je réponds toujours qu’elle s’occupe d’éducation politique. Je ne dis pas cela avec la pédagogie critique, car la pédagogie critique est plus une approche et une vision qui peut être appliquée de plusieurs façons."

La pédagogie critique a de nombreuses nuances, mais toutes travaillent contre les relations de pouvoir, l’oppression et l’injustice - la méthode est utilisée par l’École de la vie publique pour activer les gens dans la vie politique et publique. Une partie importante de l’éducation politique est qu’elle ne veut pas comprendre la société en général, mais son objectif fondamental est que les gens participent à la politique et à l’élaboration des affaires publiques au sens large.

La collection de textes reflète l’approche de l’École de la vie publique sur ce qu’est la pédagogie critique et présente le récit de ce qu’ils pensent être le rôle de la pédagogie critique au sens général et en Hongrie.

À travers des exemples nationaux et internationaux, la collection de textes résume ce que l’École de la vie publique considère comme une éducation politique, c’est-à-dire une éducation politique basée sur une pédagogie critique.

Paulo Freire, surnommée la mère de la pédagogie critique, dit que chacun devrait emporter avec lui l’esprit de la pédagogie critique, puis le transformer de manière à ce qu’il puisse fonctionner localement.

"Si vous maintenez un engagement envers la valeur fondamentale de la pédagogie critique - qui est, avant tout, une position de libération - alors cela peut se présenter de différentes manières. Il n’est même pas certain que l’on sache que ce que l’on fait est de la pédagogie critique (et cela n’est pas un problème).

Dans le cadre de l’éducation politique, il est très important pour moi de réfléchir à ce qui pourrait être et pas nécessairement toujours à ce qui est. Ce livre reflète un peu ce que je veux, quel type d’éducation au mouvement devrait être en Hongrie", a déclaré Tessza Udvarhelyi à notre journal.

La pratique de la pédagogie critique s’est développée lorsque Paulo Freire a appris à lire et à écrire aux agriculteurs analphabètes, afin qu’ils puissent reconnaître comment ils étaient opprimés et exploités, et qu’ils puissent interpréter ce qui se passait autour d’eux et, sur cette base, comprendre comment agir contre il. Freire appelle cela un éveil à la conscience de soi critique, lorsque vous vous regardez non seulement, mais aussi le monde qui vous entoure, et essayez de comprendre dans quel type de systèmes de pouvoir vous êtes intégré, et comment, si vous constatez que vous êtes en situation d’oppression, comment s’en affranchir en tant que collectif s’appuyant sur le travail.

Ági Fernengel (à gauche), directeur de l’École de vie publique et Tessza Udvarhelyi, fondatrice et bénévole permanente de l’École de vie publique
Photo : Béla B. Molnár / Facebook

"Pour qu’un mouvement soit fort, il faut qu’il ait des membres qui ont une conscience critique d’eux-mêmes, qui ne se soucient pas seulement d’eux-mêmes et de leurs propres problèmes individuels. Ils ne se blâment pas seulement pour ce qui se passe, ils voient au-delà de cela. Ils s’efforcent de comprendre les conditions sociales et croient en la possibilité de les changer."

Dans l’approche d’Udvarhelyi, la pédagogie n’est pas assez présente dans les mouvements hongrois : il n’y a pas assez d’élèves et pas assez d’enseignants . Ils ne sont pas assez traditionalistes dans le sens où ils sont conscients de leurs racines en examinant le passé du mouvement, et sur cette base ils déterminent où ils vont et ils ne mettent pas assez l’accent sur l’éducation, la formation et le développement de leurs membres.

«  Ne pensons pas que nous sommes sans histoire. La Hongrie a une tradition de pédagogie critique, d’éducation au mouvement et d’apprentissage. Mais nous manquons souvent de capacité à imaginer : nous ne sommes pas les pionniers, mais déjà 100 ans plus tôt, les mêmes personnes ont fait la même chose ou quelque chose de similaire, dont nous pourrions beaucoup apprendre. Et ce n’est pas de la faiblesse, mais de la force pour continuer ce que nos prédécesseurs ont commencé."
Pour cette raison, la collection de textes fournit un aperçu historique de la pédagogie critique et de l’éducation au mouvement en Hongrie sur la base de l’histoire du mouvement hongrois.
Nous pouvons lire sur le développement de l’éducation des adultes en Hongrie, sur les lieux de travail et les personnalités culturelles des années 1920, comme la colonie Horányi, la colonie Gödi, les chœurs ouvriers ou l’œuvre de Lajos Kassák, ainsi que sur les collèges populaires. qui a commencé avant la Seconde Guerre mondiale.

Quel est le rôle de la pédagogie critique dans les mouvements ?

Lorsqu’on lui demande pourquoi la pédagogie critique est étroitement liée aux mouvements, Udvarhelyi répond :
"La pédagogie critique peut très bien être pratiquée au sein des mouvements sociaux, car il y a encore une impulsion naturelle de reconnaissance de l’injustice là-bas. Y a-t-il des injustices ? Faisons quelque chose ? Faisons quelque chose !"
Et la pédagogie critique, dit Udvarhelyi, aide, soutient, approfondit cette reconnaissance et aide ensuite à transformer tout cela en action.

Tessza Udvarhelyi, éditrice du livre La pédagogie de la libération
Photo : Tessza Udvarhelyi / Facebook

La pédagogie critique est une institution d’autoformation des mouvements, elle doit être présente dans les organisations sociales pour qu’elles puissent fonctionner de manière stable avec une base large sur le long terme, résister à la fois aux attaques et aux ennuyeuses, éventuellement sans histoire, moins périodes pleines d’action. Udvarhelyi pense que les mouvements dont les pratiques n’intègrent pas l’auto-éducation et l’auto-développement collectif échoueront ou s’affaibliront après un certain temps.

"La réflexion et l’apprentissage doivent jouer un rôle primordial dans les mouvements. S’adresser à de nouvelles personnes ne peut pas se baser sur le plus grand nombre possible de militants, car ils pourront distribuer beaucoup de tracts. Nous devons nous efforcer d’avoir autant de personnes que possible conscientes d’elles-mêmes, qui croient qu’elles sont des êtres humains à part entière et qu’elles méritent ce qu’elles méritent. L’appartement est disponible, la nourriture est disponible, la vie digne est disponible - très peu de gens vivent comme ça en Hongrie aujourd’hui."

Selon Udvarhelyi, la pédagogie critique est en deux étapes : elle consiste en la réflexion et l’action.

"Le simple fait de penser sans agir n’est pas une pédagogie critique pour moi, le simple fait de reconnaître l’oppression mais de ne rien faire pour y remédier n’est pas non plus une pédagogie critique pour moi."
Freire dit qu’il n’y a pas de "pédagogie neutre"

Atelier avec le personnel de l’école Közélet, lors de la présentation du livre Une pédagogie de la libération
Photo : Béla B. Molnár / Facebook

Dans la collection de textes, en plus du passé du mouvement hongrois, des exemples internationaux montrent ce que c’est quand il y a une école derrière le mouvement, qui renforce ses aspirations.

Ces écoles du mouvement sont l’école du mouvement des sans terre au Brésil (MST), les aspirations autonomistes des zapatistes , le Highlander Center , qui fonctionne depuis près de 100 ans , et l’ école de la démocratie en Inde.. L’histoire de la pédagogie critique pourrait également être écrite en parlant de la façon dont l’éducation publique peut être plus démocratique et libératrice - ce serait une autre histoire, également existante, de la pédagogie critique. Cependant, les institutions du mouvement présentées dans ce recueil de textes sont des exemples de la façon dont des aspirations collectives à grande échelle peuvent être renforcées avec des outils pédagogiques.

"Si tout un système scolaire est basé sur une pédagogie critique, c’est merveilleux, mais c’est très difficile à imaginer en Hongrie aujourd’hui - cela nécessite un environnement politique complètement différent.

Mais je crois que la pédagogie du mouvement devrait faire partie intégrante des mouvements.

L’École de la vie publique s’efforce d’être potentiellement une école pour tous les mouvements progressistes et de les aider à apprendre, à se développer - et finalement à atteindre leurs objectifs."

Les deux derniers chapitres du livre décrivent les méthodes utilisées en pédagogie critique sans prétendre à l’exhaustivité, telles que la production vidéo participative, le théâtre forum, le cirque social, la recherche-action participative, etc. L’essence de la collection d’exercices qui clôt le livre est qu’il a été écrit par des anciens du cours de pédagogie critique de l’école publique.

C’est aussi l’une des composantes très importantes de l’approche :

personne n’est juste étudiant ou juste enseignant, tout le monde est à la fois élève-enseignant et enseignant-élève .

Image en vedette : Tessza Udvarhelyi, fondatrice de l’école Közélet Photo : Béla B. Molnár / Facebook