Guerrières de la paix : “Leur courage nous oblige” : Hanna Assouline porte la voix des femmes qui veulent la paix en Israël et Palestine

mardi 17 octobre 2023
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : ChEEk

“Leur courage nous oblige” : Hanna Assouline porte la voix des femmes qui veulent la paix en Israël et Palestine

par Faustine Kopiejwski
Publié le 11 octobre 2023 à 11h36
Mis à jour le 13 octobre 2023 à 13h03

Documentariste et fondatrice du mouvement Les Guerrières de la paix, Hanna Assouline, de retour du Proche-Orient avec une délégation de 25 femmes, revient sur le rôle des femmes dans le conflit israélo-palestinien.

En 2022, Hanna Assouline fondait avec une dizaine de femmes les Guerrières de la paix.

Ce mouvement, dont le nom fait écho au premier documentaire de la réalisatrice, qui suivait des femmes israéliennes et palestiniennes du groupe pacifiste Women Wage Peace, œuvre pour la bonne entente des deux communautés en France et participe aux rassemblements et actions à l’international pour la paix dans la région.

De retour d’un voyage en Israël et Palestine à la veille des attentats perpétrés par le Hamas le 7 octobre, Hanna Assouline nous parle de l’importance des femmes dans le processus de paix.


Tu est rentrée à Paris la veille de l’attaque du Hamas. Que faisais-tu en Israël et Palestine ?

Je viens de passer six jours là-bas avec une délégation des Guerrières de la paix, à la rencontre des militantes engagées pour la paix des deux côtés.

On a participé mercredi dernier à une grande marche historique, L’Appel des mères, avec des femmes du monde entier.

Nous sommes aussi allées dans les kibboutz frontaliers avec Gaza, où ont eu lieu les attaques.

On était mercredi encore au kibboutz Beeri avec Vivian Silver, une activiste pour la Paix extraordinaire qui est aujourd’hui otage du Hamas à Gaza.

On est en lien avec tous·tes les militant·es sur place qui sont dans un état de sidération, de deuil, d’inquiétude vis-à-vis de l’engrenage de la violence.

Es-tu surprise par la nette division qui se dessine dans les réactions sur les réseaux sociaux ?

Oui et non.

Je suis optimiste de nature alors j’espère toujours qu’un jour, face à l’atrocité qui est devant nos yeux, on sera capable d’une indignation commune au nom de notre humanité.

Et à chaque fois je suis déçue. Et en même temps, je ne suis pas surprise, car cela fait des années que ça dure.

Il y a cette double peine quand le conflit israélo-palestinien s’embrase : on est à la fois triste et malheureux·se pour les proches et pour les civils qui meurent et, dans le même temps, ce débat français ultra clivé met la boule au ventre.

En 2023, as-tu l’impression que ce débat est plus polarisé que jamais ?

Il l’a toujours été mais oui, je trouve qu’on a franchi un cap cette fois-ci.

Qu’il y ait autant de complaisance pour des actes injustifiables, une telle relativisation de la violence et une telle incapacité à avoir de l’empathie, même dans nos milieux militants antiracistes, de la part de gens intelligents, me semble fou.

C’est le résultat d’une déshumanisation des Israélien·nes, qui seraient tou·tes des colons suprémacistes en puissance, et de tous ces récits qui ont repeint ce conflit en blanc et noir.

Alors que, s’il y a bien un cas d’école de la complexité sur terre, c’est celui-là.

Nous arrivons à un point où des gens n’arrivent même pas à avoir de l’empathie avec des enfants, des femmes violées ou écartelées, parce ce que ce serait peut-être un juste retour de bâton et que ça s’appellerait de la révolte.

Le manque de boussole idéologique terrible de notre époque fait que l’on confond les luttes pour l’émancipation avec le fascisme. Ici, ce sont des méthodes fascistes : aucune lutte pour l’émancipation ne s’en prend directement à des civils, enfants et vieilles dames compris·es.

Comment peut-on apaiser le débat en France ?

En faisant de la pédagogie sur toutes ces questions, car il y a trop de confusion dans ce conflit, notamment sémantique, et donc beaucoup d’imaginaires qui ne sont pas les bons.

Il y a des juifs éthiopiens, des juifs égyptiens, iraniens, noirs, blancs, ukrainiens.

Il y a en Israël beaucoup de gens à gauche, énormément de gens qui s’opposent au gouvernement de Netanyahu, des manifestations qui rassemblent des milliers personnes à Tel Aviv et Jérusalem.

Parmi les otages et les morts, certain·es font partie de ces gens. Les kibboutz, qui ont été victimes des pires massacres, sont précisément des lieux bâtis sur l’idée d’un idéal socialiste d’égalité.

Les femmes et les féministes en particulier ont-elles une responsabilité dans la propagation d’un discours pacifiste ?

C’est certain et c’est exactement pour ça qu’on a créé ce mouvement.

Il y a énormément de désespoir quand on regarde ce conflit, mais une ouverture de possibles si on envisage sa résolution par le prisme des femmes.

Sur place, la semaine dernière, on s’est retrouvées avec des dizaines de milliers de femmes palestiniennes et israéliennes toutes à l’unisson dans une marche.


On avait ce sentiment de puissance et de solidarité entre femmes à l’international et sur place. Ce sentiment si fort que la sororité est une puissance de vie indestructible.

Sur place justement, pourquoi les femmes ont-elles un rôle prépondérant dans un possible retour à la paix ?

Là-bas, on voit bien que les femmes sont encore une fois celles qui payent le lourd tribut des guerres.

Mais ce sont aussi elles les piliers de leurs communautés et celles par qui passe la transmission.

Ce sont elles qui vont éduquer les générations futures, elles ont ce rapport à la responsabilité sur la vie, un pragmatisme dans leur militantisme.

Elles nous disent que les hommes politiques se déchirent depuis des années sur des calculs cyniques d’enjeux politiciens, pendant qu’elles sont dans le concret, sur le terrain, dans la vie.

Quand on est connectée au réel, on sait qu’on n’a pas d’autre solution que de sortir de cette situation.

De trouver un moyen de vivre ensemble sur cette terre parce qu’aucun de ces deux peuples ne va s’évaporer. Même quand cela nous coûte, même quand on a du mal à reconnaître la légitimité de l’autre. C’est un effort pour chacune d’entre elles, mais elles le font, car elles ont compris que c’était de l’ordre de la survie pour leurs deux peuples.

Comment faire ici écho aux luttes de ces femmes pour la paix ?

En se faisant le relais précisément de celles et ceux qui sont les premier·es concerné·es par ce conflit, qui le vivent dans leur chair, qui ont perdu des proches, qui sont au quotidien pris·es en otage dans ce conflit, pour faire entendre une autre voix.

Quand on voit le débat politique ici en France, on a honte, et quand on revient du terrain là-bas, on se demande comment les gens peuvent continuer à souffler sur les braises bien à l’abri des conséquences directes de ce conflit, tranquillement installés dans leurs salons parisiens.


Il faut porter la voix des femmes qui veulent la paix pour leur donner le plus de force possible et faire en sorte, grâce à cela, de lutter contre la haine qui nous divise dans notre pays. Les vraies résistantes israéliennes et palestiniennes ce sont elles, aux côtés de ceux qui luttent pour la paix et la justice. Leur courage nous oblige.


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