Les mineurs ukrainiens gagnent, mais la victoire semble de courte durée

mardi 25 octobre 2022
par  onvaulxmieuxqueca
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Source : Réseau Syndical International de Solidarité et de Lutte

Ukraine

Les mineurs ukrainiens gagnent, mais la victoire semble de courte durée

23 octobre 2022

Le 6 octobre, le ministère ukrainien de l’énergie a licencié Trotsko suite à la pression exercée par une délégation de grévistes qui a rendu visite au ministre de l’énergie à deux reprises.

Mais certains travailleurs de la mine et le représentant syndical craignent que ce ne soit pas la fin de leur lutte contre ce qu’ils considèrent comme une tentative continue de corruption pour prendre le contrôle de la mine.

« Ce n’est pas une victoire. La victoire, c’est quand on extrait 1 000 tonnes de charbon de plus. Toute cette [situation] était un malentendu « , a déclaré Volodymyr Yurkiv, l’ancien directeur de la mine, qui a été rétrogradé au poste d’ingénieur en chef pendant la période de grève.

Au cours du mois de grève, la mine aurait pu gagner cinq millions de hryvnias (126 000 euros), a ajouté Yurkiv.

Les travailleurs de la mine n° 9 se sont battus pour que M. Yurkiv qui a été rétabli dans ses fonctions de directeur par le ministère le 8 octobre après le licenciement de M. Trotsko – reste en poste, car ils se disaient être entièrement satisfaits de sa gestion.

Mais Mykhailo Volynets, un député ukrainien qui est également président du syndicat indépendant des mineurs ukrainiens, fait partie de ceux qui pensent que Yurkiv pourrait être licencié une fois de plus. Il a déclaré à OpenDemocracy que les derniers événements « ne sont pas la fin de cette histoire ».

« Cela va se reproduire »
, a déclaré Volynets, affirmant que le ministère de l’énergie va tenter de nommer un nouveau directeur à la mine n°9 pour la troisième fois. Volynets pense qu’il y a toujours des corrompus au sein du ministère ukrainien de l’énergie, affirmant que les récentes nominations de nouveaux directeurs ont été faites au nom du smotriashchiy [un terme désignant le réseau de superviseurs officieux corrompus du secteur du charbon ukrainien].

« Le smotriashchiy, ainsi que certains employés ministériels, ont cherché d’autres candidats prêts à accepter le poste de directeur [de la mine n° 9], mais ils ont peur que les [travailleurs] ne les laissent pas entrer », explique Volynets.

« Ces renégats corrompus ne se sont pas calmés. Ils ne permettront pas à Yurkiv de rester au poste de directeur », a déclaré Volynets.

« J’aimerais que cela ne se produise pas, surtout en temps de guerre. Parce que cela sape la confiance des gens dans les institutions de l’État », a-t-il déclaré.

M. Volynets considère que la tension actuelle à Novovolynsk est liée au fonds de 2,5 milliards de hryvnias (67 millions d’euros) mis en place par le gouvernement ukrainien pour l’achat de charbon pour la saison hivernale de chauffage de cette année, qui risque de mettre à rude épreuve les systèmes de chauffage du pays.

L’incertitude permanente

Bien que les travailleurs de la mine n° 9 aient repris l’extraction du charbon dès que le ministère a émis l’ordre de licencier Trotsko, ils sont épuisés par l’incertitude permanente, a déclaré Yurkiv.

Les tensions ont été exacerbées par le fait que les employés n’ont pas encore reçu leur salaire du mois d’août, selon Yurkiv. Bien que le ministère des finances ait envoyé l’argent pour leurs salaires au bureau local des finances publiques, il a été renvoyé après que Trotsko ait ordonné que les salaires ne soient pas payés sans sa signature.

Vasyl Hura, chef de la section syndicale des mineurs de Novovolynsk, pense que les mineurs du n° 9 continueront à se battre si nécessaire.

C’est la deuxième fois ces derniers mois que les mineurs de Novovolynsk s’opposent à la nomination d’un nouveau directeur. En août, ils avaient bloqué l’accès à la mine n° 9, refusant de laisser entrer Viktor Herashchenko, qui venait d’être nommé directeur. Il a ensuite démissionné, n’ayant pas pu entrer dans la mine.

Les mineurs ont allégué qu’Heraschenko était lié à une enquête sur un détournement de fonds concernant un contrat d’État dans une autre mine.
À l’époque, Herashchenko, dont le nom n’est pas mentionné dans l’enquête, a déclaré à OpenDemocracy qu’il n’avait rien à voir avec le détournement de fonds. Il est devenu ingénieur en chef à la mine de Buzhanka plusieurs semaines après la signature du contrat faisant l’objet de l’enquête, a-t-il déclaré.

Le ministère a refusé d’expliquer ses décisions aux employés des mines ou aux médias.

Ni le ministre Halushchenko ni Andriy Syniuk, le directeur du département de l’industrie du charbon du ministère, n’ont répondu à la demande de commentaire d’OpenDemocracy.

Pavlo Holota, directeur adjoint de la lutte contre la corruption de la mine n° 9, a déclaré que la plupart de ses lettres d’inquiétude adressées au ministère sont restées sans réponse, affirmant que la direction du ministère n’a pas informé la mine de ses projets à plusieurs reprises.

Serhiy Trotsko nie avoir un agenda caché et affirme avoir été nommé par le ministère pour augmenter la rentabilité de la mine. On ne voit pas très bien comment la mine pourrait augmenter ses bénéfices puisqu’elle est en liquidation depuis plusieurs années, ayant presque épuisé ses réserves de charbon.

S’adressant à OpenDemocracy, Trotsko a déclaré : « Le ministre m’a licencié et je suis d’accord avec sa décision ». Il a ajouté qu’il avait engagé la société de sécurité privée pour sa propre sécurité et pour protéger les biens de la mine.

Selon une source locale, Trotsko a depuis pris un poste officieux de conseiller auprès du nouveau directeur de Nadiya, une autre mine locale de la région de Lviv, où il y est vu quotidiennement depuis son licenciement de la mine n° 9.

Parallèlement aux tentatives de changement du directeur de la mine n° 9, les directeurs de deux autres mines publiques de l’ouest de l’Ukraine ont également été remplacés récemment.

En septembre, plusieurs travailleurs de Nadiya ont mené une grève contre leur nouveau directeur, mais ils ont finalement mis fin à la grève en raison du manque de réaction des autorités.

Selon une source au fait de la situation, le nouveau directeur de la mine de Nadiya a réembauché en tant qu’ingénieur en chef adjoint un ancien chef de section qui avait déjà été reconnu coupable du vol de 87 tonnes de charbon dans la mine.

Cette source a déclaré à OpenDemocracy que des signes indiquent déjà que des « pratiques non officielles » de vente illégale de charbon sont en place à la mine de Nadiya. En septembre, un député local, Ihor Guz, a appelé le Premier ministre Denys Shmyhal à « réguler le conflit » à la mine n°9.

Lorsque openDemocracy a demandé au bureau de Zelenskyi de commenter la situation de l’industrie charbonnière de l’ouest de l’Ukraine, le bureau a répondu que le président n’est pas en mesure de commenter les événements en dehors de la guerre ou des relations internationales de la Russie.

21 octobre 2022
Kateryna Semchuk
Publié par OpenDemocracy
Traduction Patrick Le Tréhondat
Voire également : Les mineurs bravent l’interdiction de manifester pour se mettre en grève


Ukraine

Les mineurs bravent l’interdiction de manifester pour se mettre en grève

14 septembre 2022

Les mineurs et l’encadrement d’une mine de charbon appartenant à l’État dans l’ouest de l’Ukraine ont appelé à la grève en raison de ce qu’ils considèrent comme une tentative de prise de contrôle de la mine.

Cet appel à la grève à la mine n° 9 de la ville de Novovolynsk est la première grande manifestation des travailleurs en Ukraine depuis l’invasion russe du 24 février et l’annonce par le gouvernement ukrainien de la loi martiale, qui interdit toute manifestation.

Le mois dernier, les mineurs ont empêché un nouveau directeur [Serhiy Trotsko] de prendre son poste, en invoquant son lien présumé avec un scandale de détournement de fonds dans une autre mine de charbon de la région.

Ils ont également affirmé que sa nomination avait été faite sous la pression des smotriashchiy locaux - un terme désignant le réseau de superviseurs officieux corrompus du secteur du charbon ukrainien. Ce directeur a nié avoir commis tout acte répréhensible et a déclaré qu’il ne faisait pas l’objet d’une enquête.

Aujourd’hui, disent les mineurs, les efforts pour prendre le contrôle de la mine ont atteint un nouveau niveau et ils se sont mis en grève pour protéger leurs emplois et leurs conditions de travail.

Ils décrivent une séquence d’événements brutale.

Le 9 septembre, un nouveau directeur est arrivé à la mine n° 9 avec un avocat et une douzaine de gardes de sécurité privés.

Alors que le directeur par intérim Volodymyr Yurkiv tenait une réunion, le nouveau directeur proposé, Serhiy Trotsko, a tenté de faire sortir Yurkiv et les autres personnes présentes du bureau.

Trotsko a déclaré qu’il avait été nouvellement nommé par le ministère ukrainien de l’Énergie, mais n’a pas montré de copie de l’ordre de nomination selon Yurkiv. (Le ministère a confirmé à openDemocracy le 14 septembre qu’il avait nommé Trotsko).

Cela a conduit à une confrontation entre les mineurs et Trotsko et son équipe de sécurité selon les vidéos des événements vues par openDemocracy.

M. Yurkiv, qui a été rétrogradé au rang d’ingénieur en chef par le ministère à la suite d’une précédente manifestation en août, affirme que la nomination de M. Trotsko n’a pas suivi la procédure prévue. De même, il a déclaré que Trotsko était arrivé sans preuve de l’ordre du ministère.

S’adressant à openDemocracy, Trotsko a déclaré qu’il avait fait appel à un conseiller juridique de la mine n° 9 parce qu’il « ne connaît pas les subtilités du droit », et qu’il avait engagé lui-même un avocat et l’équipe de sécurité privée.

L’équipe de direction de la mine n° 9 et Mykhailo Volynets, du syndicat des mineurs, ont exprimé leur frustration de ne pas avoir pu contacter le ministère au sujet de la crise. Volynets a même déposé une plainte officielle auprès des forces de l’ordre ukrainiennes concernant la tentative de prise de contrôle par Trotsko.

Il y voit un lien avec l’annonce par le gouvernement ukrainien d’un fonds de 2,5 milliards de hryvnia (6,7 millions d’euros) pour l’achat de charbon lors de la saison hivernale qui risque de mettre à rude épreuve les systèmes de chauffage du pays.

Un avenir fragile

Au début de son mandat de Volodymyr Zelenskyi, le président ukrainien avait promis d’éradiquer la corruption dans le secteur du charbon.

Les travailleurs de la mine n° 9 associent les récentes nominations à un possible retour de la corruption. La promesse que Zelenskyi avait donné aux travailleurs de la mine n° 9 était un espoir pour l’avenir, dit Yurkiv, ajoutant que les mineurs veulent reprendre le travail « à condition que [Trotsko] parte ». Il a déclaré à openDemocracy : « Je n’essaie pas de m’accrocher à mon emploi - ce serait une fausse impression. Je veux que [la mine n° 9] reste à flot et, surtout, qu’elle fonctionne. » Selon lui, les cinq jours d’arrêt à la mine n° 9 ont coûté 1,5 million de hryvnias (environ 40 458 euros).

Ce n’est pas la première fois que Trotsko tente de prendre un poste de direction dans l’industrie du charbon en se heurtant à des résistances.

Il y a trois ans, il a essayé de prendre un poste de directeur de Lvivvuhillia, la société nationale du charbon de la région de Lviv, avec l’aide d’un avocat qui s’est rendu sur place.

Il a échoué après que les travailleurs du charbon l’ont empêché d’entrer dans le bâtiment.

Trotsko a déclaré au média local Bug qu’il avait gravi les échelons, passant d’électricien à directeur de la mine de Nadiya, dans la région de Lviv, et qu’il avait fait venir des agents de sécurité privés à la mine n° 9 de Novovolynsk « pour qu’aucune force physique » ne soit exercée contre lui.

S’adressant à openDemocracy, il a déclaré qu’il avait apporté une copie de son ordre de nomination, signé par le ministre de l’énergie, le jour de son entrée en fonction - M. Yurkiv affirme qu’on ne lui a pas montré.

Trotsko affirme que les protestations à la mine n° 9 ont été fomentées par un « certain groupe de mineurs » pour qui un changement de direction signifierait la fin de leur emploi.

« La plupart des travailleurs de la mine comprennent bien la situation, mais sont sous l’influence de leurs dirigeants », a déclaré Trotsko.

Selon le ministère de l’énergie, la mine n° 9 a presque épuisé ses réserves de charbon. La mine doit fermer en 2023 - et les employés s’inquiètent du fait que les changements de direction pourraient entraîner une fermeture plus rapide.

Trotsko affirme qu’il a été nommé pour augmenter la rentabilité de la mine, et pour donner au ministère une raison d’annuler la fermeture de la mine. Andriy Syniuk, le directeur du département de l’industrie du charbon du ministère, a déclaré à openDemocracy que lui et son département « n’ont rien à voir » avec la situation de la mine n°9.

Syniuk avait déjà accompagné un nouveau directeur proposé, Viktor Herashchenko, à Novovolynsk le 2 août - mais les travailleurs l’avaient bloqué à l’entrée de la mine.
Lorsqu’on lui a demandé si l’arrivée de nouveaux directeurs à la mine n° 9 était due à une décision des hauts responsables du ministère, M. Syniuk s’est refusé à tout commentaire. Cette fois, aucun représentant du ministère de l’Énergie n’est arrivé aux côtés de Trotsko pour le présenter aux employés.

En fait, selon Pavlo Holota, directeur adjoint de la lutte contre la corruption de la mine n° 9, la direction de la mine n’avait pas été informée par le ministère de la nomination d’un nouveau directeur, même lors de la réunion matinale avec les fonctionnaires du ministère le 9 septembre.

Les mineurs ont collectivement émis une motion de défiance contre Trotsko lors d’une assemblée générale le 9 septembre, en présence du nouveau directeur.

En réponse, Trotsko a convoqué la police pour porter plainte pour entrave à son travail.

Le siège de la police nationale dans la région de Volyn a déclaré à openDemocracy qu’une enquête avait été ouverte sur l’obstruction présumée contre l’activité commerciale à la Mine n°9.

La mobilisation à la Mine n°9 n’est pas la seule protestation dans le secteur du charbon dans l’ouest de l’Ukraine pendant l’invasion du pays par la Russie.

Début septembre, les travailleurs de la mine de Nadiya, dans la région de Lviv, ont manifesté après que Trotsko, qui travaillait dans cette mine depuis 17 ans, soit venu présenter une nouvelle nomination à la direction. En réponse, un groupe de six mineurs a refusé de remonter à la surface pendant trois jours.

14 septembre 2022
Kateryna Semchuk et Thomas Rowley
Publié par opendemocracy
Traduction Patrick Le Tréhondat


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