Source : Mérce.hu

"Je n’ai pas de pays, je n’ai qu’une famille" : des dizaines de milliers de déserteurs ukrainiens ont fui la guerre

Noémi Lehoczki

Jeudi 5 octobre 2023

Selon le Guardian britannique , le nombre de réfugiés européens ayant refusé de servir dans l’armée ukrainienne pourrait se chiffrer en dizaines de milliers.

Le Kyiv Post rapporte que le nombre d’Ukrainiens enrôlés rien qu’en Pologne est estimé à 80 000. Selon les gardes-frontières ukrainiens, une vingtaine d’hommes âgés de 18 à 60 ans sont arrêtés chaque jour pour avoir franchi illégalement la frontière.

Nous avons traité des soldats déserteurs de l’armée russe dans notre article de la semaine dernière .
https://onvaulxmieuxqueca.ouvaton.org/spip.php?article6757

Les autorités roumaines ont enregistré l’arrivée d’environ 6 200 déserteurs ukrainiens depuis le début de l’invasion à grande échelle le 24 février 2022. Le nombre réel de déserteurs dans le pays est probablement encore plus élevé, car ils font partie des 20 000 réfugiés légaux qui ont échappé aux conscrits grâce à des pots-de-vin.

« Je savais que je ne voulais pas rester dans les tranchées, alors j’ai pris mes économies et j’ai contacté un « réparateur ».

Tout le monde sait où les trouver. J’ai payé cash, ils m’ont envoyé à l’hôpital pour faire une IRM de ma colonne vertébrale ; l’hôpital m’a remis un rapport médical indiquant que je souffre d’une grave maladie de la colonne vertébrale et que je peux obtenir des papiers supplémentaires qui me permettront de quitter le pays.

J’avais le sentiment qu’à chaque étape du processus, les gens savaient ce qui se passait et obtenaient ce qui leur était dû", a déclaré un déserteur au Guardian.

En Ukraine, il y a actuellement plus d’une centaine de procédures pénales contre des responsables de l’enrôlement pour suspicion de corruption. Parmi ceux-ci, le cas d’un recruteur d’Odessa se démarque, qui a été arrêté après avoir découvert qu’il disposait de 5 millions de dollars d’économies et d’une somptueuse propriété en Espagne.

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Le fait qu’à la fin de l’été Zelensky ait ordonné la révision des documents médicaux le dispensant du service militaire en dit long sur le niveau de corruption et la pénurie de soldats. Le parti de Zelensky n’est pas coupable de corruption visant à éviter la conscription - récemment, le Bureau national anti-corruption d’Ukraine a porté plainte contre le parti au pouvoir, la députée Serviteur du Peuple Lyudmila Marchenko et son assistante, pour avoir promis un homme en échange d’un pot-de-vin. pour faciliter son départ d’ Ukraine .

Le sort des déserteurs roumains a été rapporté par la BBC dans un reportage sur place . Un déserteur a montré au journaliste de la BBC Nick Thorpe des photos de ses camarades morts sur son téléphone portable. "Ces gens sont tous morts sauf moi et celui-là", a-t-il indiqué en désignant une femme en uniforme de camouflage avec des mains tremblantes.

Il aurait été condamné à dix ans de prison si les gardes-frontières ukrainiens l’avaient arrêté en fuite.
Les déserteurs traversent la Tisza depuis l’Ukraine jusqu’au comté roumain de Maramaras. Selon le reportage d’ Arte TV , les passeurs reçoivent en moyenne 3 000 euros (plus d’un million de forints) pour leur passage. Au cours des quinze derniers mois, au moins 90 personnes sont mortes en tentant de la traverser, soit parce qu’elles se sont noyées dans la Tisza, soit parce qu’elles sont mortes de froid dans les montagnes.

"La Tisza était moins profonde que ce à quoi je m’attendais, elle n’atteignait que ma poitrine. De cette façon, je n’ai pas eu à nager. Je viens de traverser la rivière à gué. […] J’ai d’abord entendu des coups de feu, puis une série d’injures. Mais je n’avais pas peur. Si vous avez passé du temps sur le front, vous reconnaîtrez la différence entre une balle tirée en l’air et une balle tirée sur une personne", explique un déserteur à propos du passage de la frontière.

Tout le monde n’a pas cette chance.

« La deuxième nuit, dans le blizzard, j’ai appelé ma femme. J’ai dit, je suis désolé, ça ne marchera pas." "Je lui ai dit d’arrêter de faire des bêtises, de se lever et de continuer", raconte sa femme, Katya, à côté de lui, pendant que le couple se tient la main.

Kátya a alors appelé les services ambulanciers roumains, qui ont transporté son mari à l’hôpital par hélicoptère. Il a passé quatre jours et trois nuits dans les montagnes, date à laquelle il était à peine en vie. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il dirait si quelqu’un le traitait de lâche, il a donné une réponse simple :

" Je n’ai pas de pays. Je n’ai que de la famille. "

Photo de couverture : Réfugiés ukrainiens Photo : Mirek Pruchnicki / Flickr